Espagne : le financement iranien du parti d'extrême droite Vox

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Étonnant : des opposants au régime iranien ont aidé la droite nationale espagnole

Le Rassemblement national n’est pas le seul parti d’extrême droite à assurer son fonctionnement grâce à des fonds venus de l’étranger – la Russie ou les Émirats arabes unis, par exemple. Cela a aussi été le cas, en Espagne, de Vox, formation née en décembre 2013 et devenue la troisième force politique du pays en novembre 2019, après avoir obtenu 52 sièges de députés.


Des éléments publiés par le quotidien El País révèlent que deux cadres se sont versés des salaires grâce à de l’argent donné par le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), une organisation d’opposants au régime de Téhéran depuis l’étranger. Le premier, Santiago Abascal, député, est l'actuel président de Vox. Le second, Iván Espinosa de los Monteros, député et porte-parole au parlement, a notamment occupé le poste de secrétaire général de 2014 et 2016. Ils sont tout deux dans les hautes sphères de Vox depuis ses premières heures.


Les premiers salaires ont été touchés peu après la création de Vox, de février à octobre 2014. Santiago Abascal a gagné 3.570 euros net par mois. Ce furent 2.300 euros net pour Iván Espinosa de los Monteros, qui les faisait facturer via une société. La somme totale, en brut, s'élève à près de 65.000 euros, selon des chiffres fournis par d’anciens responsables du parti. Le député Javier Ortega Smith, également membre fondateur et secrétaire général depuis mars 2016, a lui refusé de percevoir un salaire.


Ces 65.000 euros proviennent d'une caisse alimentée par des sympathisants du CNRI, dont les virements ont été effectués depuis différents pays comme l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, l’Italie ou encore la Suisse. Iván Espinosa de los Monteros a reconnu qu'il avait gagné de l'argent, mais pour son activité dans le cadre des élections européennes de 2014, où il était candidat. « Je n'ai pas touché de salaire durant huit mois. Je l'ai perçu pour travailler très brièvement dans la campagne », explique-t-il. Il nie que les transactions auraient été décidées lors d'un déjeuner organisé chez lui : « C'est faux, comme quasiment tout ce que publie El País sur le sujet. »


Ces informations sont des pièces supplémentaires dans le dossier du financement de Vox. La formation d’extrême droite s'est fondée grâce à des donations du CNRI, qui s’élèvent à près d’un million d'euros entre décembre 2013 et avril 2014. Les premiers paiements remontent au 17 décembre 2013, jour de l’enregistrement comme parti politique auprès du ministère de l'Intérieur.


Cet argent a permis à Vox de louer son siège à Madrid, acheter meubles et personnel ou financer la participation aux élections européennes. « Les fonds des exilés iraniens n'ont pas seulement servi à payer la campagne des européennes de 2014, mais aussi à mettre Vox en marche », a reconnu le premier président et membre fondateur du parti, Alejo Vidal-Quadras. Il est la pièce maîtresse de ce dispositif.


Basé à Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise), le CNRI se présente comme un groupe d'opposition à la République islamique d'Iran. La majorité de ses membres provient de l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, une branche armée autrefois considérée comme organisation terroriste. Le CNRI a organisé ce qu'El País qualifie de « bataille dans les tribunaux pour sortir des listes des organisations terroristes du Royaume-Uni, de l'Union européenne et des États-Unis », ce qu'il a réussi à faire en 2008, 2009 et 2012. Ce travail de lobbying s'est notamment effectué auprès d'Alejo Vidal-Quadras, ancien eurodéputé (1999-2014) et vice-président du Parlement européen (2004-2007).


Alors membre du Parti populaire, Alejo Vidal-Quadras a ensuite quitté la droite espagnole pour fonder Vox, avec le soutien financier du CNRI – en remerciement des services rendus par le passé ? Il a conduit la liste des élections européennes de 2014, mais a échoué à se faire élire en ne recueillant que 1,56 % des voix. L’approvisionnement par les opposants au régime iranien s’est achevé dans la foulée, et Alejo Vidal-Quadras a quitté le parti quelques mois plus tard.