Enfin, des élections

Là aussi, les élections auront un avantage, soit de permettre à M. Dion de se révéler, soit de forcer les libéraux à prendre acte de leur problème de leadership.

Élections fédérales du 14 octobre 2008





Après la rencontre brève et infructueuse entre le premier ministre Stephen Harper et le chef de l'opposition Stéphane Dion, le déclenchement d'une campagne électorale est quasi inévitable. Enfin! Car ces élections sont souhaitables et nécessaires.

Pas pour les raisons qu'a officiellement invoquées le premier ministre. Le Parlement canadien n'est pas dysfonctionnel, même si on peut déplorer l'immobilisme et l'esprit partisan de cette noble institution. Pas non plus pour les vraies raisons qui le poussent à déclencher les élections plus vite que prévu, le fait que ses chances de victoire semblent meilleures.
Non. Il y a une raison plus fondamentale: les deux principaux partis, ceux qui peuvent former le gouvernement ou devenir l'opposition officielle, n'ont pas de mandat. Stephen Harper n'en a plus et Stéphane Dion n'en a pas encore.
Les conservateurs de Stephen Harper ont pris le pouvoir, il y a un peu plus de deux ans et demi, en sachant qu'ils ne pourraient pas former un gouvernement majoritaire et que, s'ils l'emportaient, leur règne risquait d'être de courte durée. Ils ont donc conçu un programme en conséquence, une courte liste de cinq promesses simples qui frapperaient l'imagination en campagne et qui pourraient rapidement être mises en oeuvre, pour illustrer dans l'action leur aptitude à gouverner.
Ce programme a été largement réalisé. La TPS a été réduite de deux points de pourcentage, les parents de jeunes enfants reçoivent leurs chèques mensuels, la lutte contre le crime ne relâche pas. Tant et si bien que ce gouvernement tourne en rond et n'a plus de projet articulé, ni de mandat pour s'attaquer à de nouveaux enjeux.
C'est le cas de l'économie, où les conservateurs, apôtres du laisser-faire, n'avaient pas vraiment de programme, sinon les baisses de taxes. Les Canadiens voudront savoir si ce minimalisme convient à un pays qui a un pied dans la récession. Dans d'autres cas, l'action du gouvernement Harper ne ressemble plus au programme conservateur. C'est le cas de l'environnement où, sans enthousiasme, les conservateurs ont dû corriger et recorriger le tir.
Quant aux libéraux, Stéphane Dion a été choisi, dans des circonstances étranges, par des délégués libéraux. Mais il ne s'est jamais présenté à l'électorat en tant que chef de son parti. Il arrive un moment où un chef, censé incarner le renouveau, doit soumettre ses idées à la population et solliciter un mandat. Par exemple, son plan vert n'a de sens que s'il est mis en oeuvre et, pour cela, il faut des élections.
Le Canada est confronté à des enjeux réels, la situation économique, les défis environnementaux, et sans doute l'État des finances publiques. Nous avons deux grands partis qui proposent des approches différentes, dont les idéologies se démarquent clairement. Tout est donc en place pour un véritable débat électoral légitime et fructueux.
M. Dion a bien sûr raison de dire qu'en voulant déclencher des élections, M. Harper trahit l'esprit de sa propre loi qui introduisait le concept d'élections à dates fixes. Cette loi conservatrice visait justement, au nom de la transparence, à mettre fin aux calculs partisans qui président au choix du moment des élections. Cela nous apprend que les conservateurs n'ont pas révolutionné l'éthique politique.
Mais cet angle d'attaque ne mènera pas M. Dion bien loin. Parce qu'il met en relief sa réticence de plus en plus suspecte à aller en campagne. Et parce qu'il illustre son impuissance devant un premier ministre qui a réussi à prendre le contrôle du calendrier électoral.
On voit bien que M. Dion aurait aimé remettre ce rendez-vous à plus tard. Il y a à cela des raisons tactiques de timing: une victoire démocrate aux États-Unis pourrait aider les libéraux, tout comme une détérioration de la situation économique.
Mais le mal est plus profond. Le sondage CROP-La Presse de la semaine dernière montrait, qu'au Québec, les libéraux sont bons troisièmes, avec 20% des intentions de vote, pas plus qu'il y a deux ans. Un sondage pancanadien publié hier dans le Globe and Mail montrait que les conservateurs dépassent maintenant solidement les libéraux, 37% contre 29%, et qu'ils ne sont pas loin d'un gouvernement majoritaire.
Cela nous rappelle que M. Dion n'a toujours pas été capable de donner au Parti libéral le souffle dont il avait besoin. Mais est-ce que cela pourrait vraiment se régler avec le temps? Stéphane Dion pourra-t-il réussir en 24 ou en 28 mois ce qu'il n'a pas réussi à faire en 20 mois? Là aussi, les élections auront un avantage, soit de permettre à M. Dion de se révéler, soit de forcer les libéraux à prendre acte de leur problème de leadership.


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