Éloigner le politique des projets routiers

La nouvelle Agence des infrastructures de transport se veut l’un des éléments de lutte du gouvernement pour l’intégrité, affirme en entrevue le ministre Gaudreault

Bon objectif, mauvaise stratégie

Québec — Le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, juge que la lutte pour l’intégrité passe par l’éloignement du pouvoir politique de la réalisation des projets routiers, un objectif fondamental de la création de la nouvelle Agence des infrastructures de transport du Québec (AITQ).

« Je suis profondément convaincu que la meilleure chose à faire, c’est de changer la culture organisationnelle », a affirmé Sylvain Gaudreault dans une entrevue accordée au Devoir au sujet du projet de loi 68 créant l’AITQ, une agence dirigée par un conseil d’administration dont les membres nommés par le gouvernement sevraient toutefois pleinement « imputables ».

« Quand je parle de changement de culture, là, on touche un des volets importants de la création de l’agence, soit l’éloignement de la politique », a déclaré le ministre.

Sylvain Gaudreault n’a pu faire de lien entre la culture qu’il veut changer — qu’il se refuse, d’ailleurs, à décrire — et la corruption ou la collusion. Lui-même n’a pas été témoin de situation illégale qui impliquerait les fonctionnaires du ministère. Pour le reste, la commission Charbonneau ne s’est pas encore penchée sur les contrats consentis par le ministère des Transports (MTQ).

Quoi qu’il en soit, Sylvain Gaudreault, sans qu’il ait besoin d’attendre le rapport de la commission, juge essentielle la création de l’AITQ. La notion d’intégrité, pour lui, dépasse l’enjeu de la collusion et de la corruption et englobe les projets annoncés par le gouvernement sans que leur financement soit assuré. « Ça, moi, je le jure, ça me met encore en rogne parce que je trouve ça tellement irresponsable », a-t-il dit.
Prérogative ministérielle

Grâce à l’AITQ, fini « l’enthousiasme », pour reprendre le terme employé par l’ancien ministre des Finances Raymond Bachand, qui a conduit à des annonces de projets dont les coûts n’étaient pas pris en compte dans la planification gouvernementale, a soutenu Sylvain Gaudreault. Finie « l’histoire de s’emballer pour annoncer des projets routiers. Quand j’ai dit : “c’est fini le temps où on va gagner des élections par des bouts de route”, bien, c’est ça. »

Le MTQ se concentrera sur les grandes orientations, sur la « vision » en matière de transport routier, collectif et de marchandises, ainsi que sur l’intermodalité. Il conservera ses responsabilités relatives au transport ferroviaire et aérien. La nouvelle agence, qui reprendra 90 % des 6500 employés du ministère, se chargera du maintien des actifs et de la réalisation des projets routiers.

En revanche, le ministre gardera sa prérogative de choisir les projets à privilégier et pourra même aller à l’encontre des recommandations de l’AITQ que ce soit pour les nouveaux projets ou pour le maintien des actifs, a expliqué le ministre. « La décision finale appartient au gouvernement », a-t-il précisé.

Le conseil d’administration sera « imputable », a certifié M. Gaudreault. Le fait que les bavures caractérisent certains de ces conseils d’administration ces temps-ci ne prouve pas que « tout le modèle est mauvais », estime-t-il.

La nouvelle structure, dont les employés seront soustraits à la Loi sur la fonction publique, permettra d’améliorer leurs conditions de travail, un des objectifs de l’opération étant de rebâtir l’expertise perdue de l’État. « En sortant les fonctionnaires de la Loi sur la fonction publique, la flexibilité, elle devient totale pour tous les types d’emploi à l’intérieur de l’agence », a avancé le ministre. « Ça donne beaucoup de marge de manoeuvre aux gestionnaires, aux dirigeants de l’agence pour être compétitifs par rapport au privé. »

Ainsi, le p.-d. g. de l’AITQ pourrait être payé davantage qu’un sous-ministre. C’est ce qui s’est produit récemment à une autre agence « imputable », la Société québécoise des infrastructures, dont le p.-d. g., Luc Meunier, s’est vu octroyer un salaire de 308 000 $, soit davantage que le salaire de 241 500 $ du secrétaire général du conseil exécutif du gouvernement du Québec, Jean-St-Gelais.
Création non souhaitable

Pour le directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, Michel Nadeau, la création de la nouvelle agence n’est pas souhaitable. « L’expérience a montré que les conseils d’administration n’étaient pas toujours très, très crédibles », a-t-il dit. « C’est une espèce de reconnaissance que le gouvernement serait impuissant à superviser. Pourquoi le gouvernement ne serait pas capable d’attirer des personnes compétentes, crédibles, respectables ? »


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