Au fil de départ

Élection québécoise 2012 (5)

Tribune libre

Promesses (Suite)
Ombre au tableau, le docteur Barrette est en cause dans une affaire de lobbyisme illégal. Plus malheureux encore, le secrétaire-trésorier du parti, Marc Deschamps, serait lié au dossier trouble du Faubourg Contrecoeur. Monsieur Legault n'hésitera cependant pas à se porter au secours de son candidat vedette:
«Du lobbyisme, c'est quand quelqu'un rencontre un ministre pour essayer de faire donner un contrat aux petits amis du parti. Ce n'est pas de cela qu'on parle ici. Le Dr Barrette représentait tous les spécialistes au Québec pour négocier des conditions de travail des spécialistes au Québec. Pour moi, ce n'est pas du lobbyisme.» (D-3-8-12, p., A-1)
Monsieur Legault réduit donc le lobbyisme aux affaires contractuelles et au niveau ministériel, comme si l'on ne pouvait pas intervenir auprès des fonctionnaires ou rechercher l'adoption de lois complaisantes...en matière de réglementation financière, par exemple. Marc Deschamps, de son côté, finira par démissionner de son poste en raison, explique-t-on, des réserves de monsieur Duchesneau à son endroit. (D-3-8-12,p., A-1; D-3-8-12,p., A-8; D-4-8-12,p., A-1)
L'arrivée à la CAQ de l'ex-chef de l'Unité anticollusion était alors devenue une quasi certitude. Ce dernier expliquera avoir pris sa décision après avoir entendu le premier ministre Charest s'attribuer une note de 8/10 au titre de la lutte à la corruption. Monsieur Charest considère mériter la même note en ce qui a trait aux questions relatives aux services de santé. Au PQ, on estime que si la recrue caquiste sème la frayeur, c'est plutôt dans les rangs libéraux que dans les siens (D-4-8-12,p., A-1). Les libéraux, eux, jugent que monsieur Duchesneau constitue une bombe à retardement dans la maison caquiste.
Côté promesses, Québec solidaire n'entre pas vraiment dans les détails. Sa plateforme, initialement du moins, se résume à un énoncé des grandes valeurs défendues par le parti: éducation gratuite, protection des ressources naturelles, transports électriques, retraite digne et indépendance du Québec. On aura cependant droit à plus de détails au chapitre de l'intégrité dans les affaires publiques. Un gouvernement QS abaisserait donc le plafond des dons des individus aux partis politiques, augmenterait le financement public des partis, exigerait plus d'information concernant les donateurs et limiterait les dépenses en temps d'élection. Ce faisant, M. Khadir veut libérer la conscience des collecteurs de fonds d'un lourd fardeau:«Ça doit peser lourd sur les épaules de beaucoup de gens.» affirmait-il récemment (D-1-8-12,p., A-5; D-4-8-12,p., A-3).
Avec Option nationale, les élections auraient lieu à date fixe, l'éducation deviendrait éventuellement gratuite et les ressources naturelles passeraient à terme aux mains de l'État. En fait, elles le sont déjà aux mains de l'État, a moins d'avoir été cédées au secteur privé. (D-3-8-12,p., A-5) Et, s'il fallait nationaliser celles qui l'ont été, la facture pourrait être lourde sur les épaules de plusieurs...
On aura noté que les promesses relatives à l'environnement n'occupent pas les rôles principaux dans la trame électorale des partis dominants. C'est à peine si on arrive à lui attribuer un petit rôle de figurant.
I) L'environnement
Comment circonscrire en peu de mots l'attitude des principaux partis vis-à-vis de l'environnement? Il faudra s'en remettre à Petula Clark: Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir.
Au PLQ, donc, on cultive les manchettes impressionnantes sur les objectifs de Kyoto, l'énergie renouvelable et les aires protégées. Ainsi, le Plan Nord délimite de vastes espaces que l'on qualifie de protégés. Mais, cela n'empêchera pas que l'on puisse y mener certaines activités d'exploration...à titre expérimental. Et, qu'arrivera-t-il si l'on y découvrait quelque chose, à titre expérimental ou autrement? Le comité d'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste se penchera également sur le cas du pétrole, mais son échéancier demeurera le même, comme ses ressources d'ailleurs. Mine Jeffrey aura droit à un prêt de 58 millions $, en dépit du fait que les effets cancérigènes de l'amiante sont généralement reconnus. On ne semble pas, non plus, envisager l'idée d'un moratoire concernant les développements pétroliers en cours à l'Île d'Anticosti. Mais, il y aura une route verte entre le Québec et le Vermont. Et, dans les derniers jours du blitz d'annonces pré-électorales du gouvernement, certains organismes environnementaux ont eu droit à 2,6 millions $.(D-3-7-12,p., A-1; D-5-7-12,p., A-3; D-27-7-12,p., A-4; D-28-7-12-,p., A-4; D-31-7-12,p., A-1; D-31-7-12,p., A-2).
Le PQ ne semble pas vouloir mourir lui non plus. Certes, il veut bien un Québec plus vert, mais il ne protégera pas les territoires agricoles contre les minières. Il Il souhaite cependant soumettre le cas d'Anticosti à un BAPE. (D-4-8-12,p., A-2).
À tout événement, on arrive pas au pouvoir par magie. Et, la stature des candidats d'un parti compte pour beaucoup dans les chances qu'a ce parti d'aller au ciel suite aux élections. Qu'en est-il, donc, des grosse candidatures aux élections de septembre 2012?
J) Les candidats
Il est possible que le nom de certains «gros candidats» n'apparaisse pas dans les commentaires qui suivent. Il aurait été plus ou moins utile de les nommer tous. Le but poursuivi ici est de dégager une tendance susceptible d'éclairer le lecteur sur ce qui est susceptible de se produire le 4 septembre prochain.
Le PQ peut prétendre avoir fait une bonne pêche. Il d'abord ferré le journaliste Pierre Duchesne, biographe de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau. Certes les libéraux ont tenté de ternir sa candidature, mais l'ombudsman de Radio-Canada a par la suite tranché en faveur du candidat. Non, celui-ci n'avait pas transgressé son code d'éthique est il n'y avait pas de preuve du fait qu'il avait négocié avec le parti alors qu'il était toujours à l'emploi de la société d'État. Duchesne affirmera d'ailleurs ne pas avoir de leçon d'intégrité à recevoir du PLQ. Le PQ ajoutera ensuite le leader étudiant Léo Bureau-Blouin à ses prises. Le candidat est jeune, certes, mais il montre un talent indéniable. Puis, ce sera au tour de Jean-françois Lisée de prendre l'hameçon. Le PLQ essaiera certainement de le mettre en mode référendaire au cours de la campagne. Quoiqu'il en soit, ces têtes d'affiche seront éventuellement suivies d'Adré Bouthillier, Bernard Généreux, Sophie Stanké et Djemila Benhabib. Les prises du PQ feront sans doute oublier la perte de Jean-Martin Aussant, Pierre Curzi, Louise Beaudoin et Lysette Lapointe.
À la CAQ, on peut presque parler de pêche miraculeuse. Après avoir dominé dans les sondages à l'époque où le parti n'était qu'une idée en devenir, le groupe Legault a soudainement vu les nuages se multiplier à l'horizon. Puis, presque soudainement, voilà qu'un vent nommé Barrette vient les dissiper à grands coups de flamboyantes manchettes. Le Dr Barrette avait été précédé de la moins médiatique Maud Cohen, ex-présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec, ainsi que du PDG de Cascades Europe, Christian Dubé. Le tsunami Duchesneau allait ensuite frapper, avec une intensité peu commune à l'échelle du bruit médiatique. Graduellement, en temps réel, François Legault dressait la liste des membres d'un éventuel cabinet caquiste. L'arrivée de ces recrues prestigieuses allait sans aucun doute faire oublier le départ du candidat Kamal Lutfi et des collaborateurs Marc Deschamps et Nathalie Verge. En évitant de laisser pourrir les cas Lutfi et Deschamps, François Legault montrait qu'il était capable de la brutalité nécessaire à la conduite d'une campagne disciplinée. Pourrait-il en faire autant dans le cas d'une de ses vedettes?
Au PLQ, les derniers mois ont été particulièrement douloureux, avec la perte de Nathalie Normandeau, Lyne Beauchamp, Michelle Courchesne, Yvon Vallières et Norm MacMillan. La prise in extrémis de l'ex-policier Robert Poëti ne parviendra de toute évidence pas à combler le vide laissé par le départ de tous ces efficaces piliers du régime libéral. Plus que jamais, monsieur Charest est seul au volant.
Pour le moment, du moins, la CAQ semble avoir le vent dans les voiles. Et, l'électorat est volatil. Le tracé en montagnes russes de la fortune du parti dans les sondages en témoigne d'ailleurs avec éloquence. Depuis 1994, le bloc de votes du PQ a fluctué entre 1,1 et 1,7 million de votes. Au PLQ, on parle plutôt de 1,3 et de 1,7 million. En principe, donc, le vote péquiste est légèrement plus fragile que le vote libéral. Et, il doit être partagé avec QS et ON. François Legault sera-t-il capable de convaincre 1,1 million d'électeurs comme l'avait fait Mario Dumont en 2007? Il en impose plus que le jeune chef adéquiste. Son équipe est plus impressionnante. Et, le Parti semble avoir axé sa stratégie sur l'appropriation du vote libéral. C'est assez, Faut que ça change, les Québécois maîtres de leur économie et Jacques Duchesneau qui se lève pour le Québec ne sont pas des formules choisies au hasard. Elles constituent un effort délibéré recherchant un effet subliminal sur l'électorat libéral francophone. Et, l'on compte également sur le vieillissement de la population. Les slogans caquistes visent les libéraux de la Révolution tranquille. En fait, la CAQ semble avoir fait son deuil du vote des jeunes. Dernièrement, le parti a tendu la main au vote anglophone. Et, celui-ci pourrait bien se laisser convaincre. François Legault ne lui a-t-il pas dit qu'il voterait non à un éventuel référendum? Si la CAQ devait connaître un succès durable dans sa chasse au vote libéral, le PLQ deviendrait plus ou moins un gros Parti égalité. Alors est-ce que la minorité anglophone de Montréal voudra s'enfermer dans le passé? Difficile à dire. Pour le moment, l'élection semble vouloir prendre des allures de lutte à trois. Mais la campagne est encore relativement jeune et tout peut arriver. Une tête d'affiche qui dérape. Une décision fédérale qui fâche. Un sondage dirigé qui fait mouche. Nous le saurons le 4 septembre. Pour l'instant, suivons la campagne.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2012

    Selon un sondage Forum Research publié ce midi sur le site du National Post concernant l'élection en cours, la situation serait la suivante en date du 13 août:
    PQ 35 %
    PLQ 32 %
    CAQ 24 %
    QS 6 %
    Verts 3%
    Selon le président de Forum Research, Lorne Bozinoff, ces résultats assureraient 68 sièges au PQ
    L. Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2012

    Selon un sondage Infographic publié ce matin sur le site du Globe and Mail cocernant l'élection en cours, la situation serait la suivante en date du 14 août:
    PQ 58 sièges, 34,5 % du vote
    PLQ 47 sièges, 32,7 % du vote
    CAQ 18 sièges, 22,7 % du vote
    QS 2 sièges, 5,8 % du vote
    Selon ThreeHundredEight.com, le PQ se dirigerait vers une courte minorité.
    Je pensais la CAQ plus forte que ça.
    L. Côté