Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, dit avoir mandaté la santé publique et des équipes spécialisées en technologies de l'information pour créer – « à court terme », dit-il – un « passeport vaccinal digital » prouvant que son détenteur a été dûment vacciné contre la COVID-19.
Cette question a été soulevée jeudi après-midi, lors d'une conférence de presse à laquelle participait aussi le directeur national de santé publique, Horacio Arruda.
Ce passeport numérique pourrait notamment permettre à son détenteur de circuler plus librement ou de participer à certains événements. Le ministre Dubé l'a comparé à une carte d'embarquement
que les Québécois pourraient télécharger sur leur téléphone intelligent à partir d'un simple code QR.
Il s'agirait, dit-il, de la continuité logique
du Carnet santé mis en place par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).
Selon le ministre, la demande est là. Les gens veulent une preuve [qu'ils ont été vaccinés] et c'est normal
, a-t-il indiqué en anglais, ajoutant que certaines entreprises avaient déjà contacté son cabinet pour manifester leur intérêt envers un tel passeport.
C'est évident qu'il faut le faire [...] On a des équipes qui sont en train de regarder ça.
La méthode ne serait pas nouvelle, a souligné le M. Dubé, rappelant qu'un courriel de confirmation avait été envoyé par le passé aux Québécois s'étant fait vacciner contre la grippe H1N1 pour leur permettre de prendre l'avion.
Le Dr Arruda a ajouté que certains pays pourraient de toute façon exiger un tel passeport pour laisser entrer les voyageurs. Il a toutefois admis que certaines conditions
devraient être examinées au préalable.
Il faudra par exemple déterminer le nombre de semaines à écouler entre l'administration du vaccin et l'émission d'un tel passeport, dans la mesure où la protection dudit vaccin n'est pas immédiate et prend quelques semaines avant de faire effet.
Les mesures de prévention
devront également être maintenues, a prévenu le Dr Arruda, soulignant que la vaccination pouvait protéger des effets de la COVID-19 sans pour autant empêcher sa transmission.
Une mesure éthiquement discutable, selon QS
Dans une déclaration écrite transmise à Radio-Canada, le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois s'est dit surpris de la grande légèreté avec laquelle le ministre de la Santé ouvre la porte d'un débat aussi sensible éthiquement
.
Contrairement à ce qu'il semble sous-entendre, cette idée n'a rien de banal ou d'anodin, juge-t-il. Les effets potentiellement discriminatoires d'un tel "passeport vaccinal" sont considérables.
Il ne s'agit pas seulement de pouvoir prendre l'avion ou de pouvoir souper au restaurant!
, a poursuivi le député de Gouin. Des questions sérieuses se posent sur l'accès au logement et sur le droit au travail, pour ne nommer que ces deux exemples.
M. Nadeau-Dubois invite le gouvernement à la plus grande prudence
et demande au ministre de fournir le plus rapidement possible des précisions sur ses intentions
.
La professeure de bioéthique à l'Université de Montréal Vardit Ravitsky émet une mise en garde similaire.
Selon elle, cette mesure aura pour effet d'exacerber les iniquités
et de créer des barrières d'accès pour certaines personnes
, comme celles qui ne possèdent pas de téléphone intelligent, celles qui habitent en région ou celles qui, de par leur condition, ne peuvent pas être vaccinées, comme les femmes enceintes ou qui allaitent.
Les hésitations des Québécois qui, pour toute sorte de raisons, préféreraient attendre avant de recevoir le vaccin devraient également être prises en compte, fait valoir Mme Ravitsky, en entrevue à l'émission 24/60, qui prône une approche nuancée
.
En outre, la professeure de bioéthique ne voit pas de lien entre le passeport numérique qu'aimerait instaurer le ministre Dubé et le Carnet santé de la RAMQ. Au contraire : le gouvernement Legault s'apprête selon elle à créer un dangereux précédent.
Est-ce qu'on vous a déjà demandé de voir votre Carnet santé pour vous laisser entrer dans un centre commercial?
Oui, certains pays comme Israël, son pays d'origine, ont instauré un tel passeport, reconnaît Mme Ravitsky. Mais l'État hébreu n'a pas vraiment réfléchi
aux enjeux éthiques qui sous-tendent cette décision, juge-t-elle, comme s'il n'y [avait] aucun impact discriminatoire au niveau de la société
.
La question du passeport vaccinal cause également de vives divergences en Europe.
L'Autriche demande entre autres à ce qu'un tel document soit mis en place pour les personnes vaccinées et pour celles qui sont immunisées après avoir contracté le virus.
D'autres pays invitent toutefois à une grande prudence, disant qu'il n'est pas encore établi qu'être vacciné empêche de contaminer d'autres personnes.
Les réservations affluent pour se faire vacciner
Par ailleurs, les premières heures de l'opération de vaccination des personnes âgées de 85 ans et plus ont permis de constater que le système de prise de rendez-vous mis en place par le gouvernement fonctionne rondement, a observé le ministre Dubé.
À midi, pas moins de 70 000 personnes âgées avaient déjà réservé leur place pour être vaccinées – un total qui s'est finalement élevé à 98 000 rendez-vous en une seule journée, a fait savoir le directeur de la campagne de vaccination contre la COVID-19 Daniel Paré à l'émission Le 15-18.
Le succès est tel que le ministre a demandé aux personnes âgées de moins de 85 ans de ne pas prendre de rendez-vous pour l'instant afin de ne pas engorger inutilement la ligne téléphonique, qui a connu des difficultés temporaires en matinée.
Le ministre a aussi profité du point de presse de jeudi pour préciser que les proches aidants de 70 ans et plus qui accompagneront des personnes en perte d'autonomie à partir de lundi prochain pourront être vaccinés en même temps. Le formulaire en ligne sera modifié à cet effet au cours de la nuit prochaine, a-t-il promis.
La plateforme web (Nouvelle fenêtre) mise en place pour prendre les rendez-vous, Clic Santé, peut stocker jusqu'à 12,5 rendez-vous à la seconde, a spécifié le ministre.
La vaccination des aînés de 85 ans et plus est réservée, dès lundi, le 1er mars, aux gens de la région de Montréal aptes à se déplacer. Ceux des autres régions y auront accès la semaine suivante, à compter du 8 mars.
Un arrivage fort attendu
Le ministre Dubé a également annoncé jeudi que le Québec devrait recevoir d'ici la fin mars plus de 700 000 doses de vaccin contre la COVID-19, soit 412 000 doses du vaccin de Pfizer-BioNTech et 300 000 doses de celui de Moderna.
La deuxième dose pourra donc être administrée à compter du 15 mars, s'est-il réjoui.
Enfin, M. Dubé a confirmé que les assouplissements annoncés la semaine dernière concernant la réouverture partielle des cinémas, des arénas et des piscines en zone rouge, par exemple, s'appliqueront comme prévu à partir de vendredi, à temps pour la semaine de relâche scolaire.
Il a toutefois demandé aux Québécois de suivre les directives sanitaires à la lettre et de ne pas baisser la garde afin de protéger le réseau de la santé qui, le mois dernier, peinait à garder la tête hors de l'eau, alors qu'environ 1500 personnes étaient hospitalisées en raison de la COVID-19.
La prochaine mise à jour des restrictions associées à la pandémie est attendue pour mardi prochain. Elle devrait être présentée par le premier ministre Legault en conférence de presse.
L’évolution de la COVID-19 au Québec
Le Québec rapportait jeudi 858 nouvelles infections et 16 décès liés à la COVID-19.
Le ministre Dubé a également fait savoir en après-midi que 170 cas présumés de variants avait été enregistrés en 24 heures, portant le total à 772.
C'est justement la menace de ces nouveaux variants qui a poussé la santé publique à recommander le port obligatoire du masque médical en classe et dans les autobus au primaire, a répété le Dr Arruda, en référence à la mesure annoncée en début de journée pour les régions situées en zone rouge.