Une tradition forgée comme Noël a produit des fondements culturels et religieux que l'acharnement ne peut déraciner, souligne l'auteur. - Photothèque Le Soleil
Noël... un vocable contesté que l'on associe à des objets ou à des traditions que certains voudraient débaptiser et rebaptiser. Je pense au sapin, à l'affichage, aux souhaits. On s'évertue à déterrer les origines, à éclairer les évolutions, à expliquer les traditions dont les prémices annoncent déjà les conclusions. Un auteur se demande si le mot «Noël» ne disparaîtra pas de la culture laïque...
Noël tout comme la Saint-Jean-Baptiste, la Bastille, sont ce qu'ils représentent. En fait, les fêtes authentiques laisseront toujours leur écho; les artificielles, non. Les premières ont leur enracinement anthropologique et culturel; les deuxièmes, non. Pâques, la fête la plus importante pour les chrétiens, n'a pas cette force même si on célèbre aussi la vie, la renaissance de la nature; elle n'a jamais supplanté Noël. Une tradition forgée a produit des fondements culturels et religieux que l'acharnement ne peut déraciner.
Ces considérations nous acheminent à ce que le multiculturalisme peut introduire et favoriser, un phénomène enrichissant: «La mondialisation du religieux». Si le mot «mondialisation» évoque chez certains des aspects positifs d'ouverture, chez d'autres, il rappelle l'exploitation du plus faible, les dominations injustes, les glissements dilués vers une perte de contrôle quand ce n'est pas des valeurs. L'occidentalisation est souvent mal vue en Orient et vice-versa.
Le 21e siècle sera religieux ou il ne sera pas...
Or, la célèbre sentence de Malraux: «le XXIe siècle sera religieux ou il ne sera pas» veut prendre forme dans la première direction. En effet, il semble que le religieux deviendra un «sujet d'avenir». Selon des penseurs comme Guillebault et Gauchet, le religieux aura pris des expressions différentes et probablement plus authentiques.
Si d'une part la religion rattachée à une civilisation concrète tend à perdre sa saveur, la demande religieuse se vérifie, d'autre part, entre autres chez les peuples qui en ont été privés, comme on le voit en Chine et en Russie).
Recherche de la profondeur: si l'Occident se laïcise, en contrepartie, de plus en plus de fervents chercheurs de Dieu vont au-delà des pratiques hebdomadaires et s'initient à la lectio divina. Ils redécouvrent l'héritage toujours vivant de la vie contemplative monastique. D'une part, certains reviennent à leur baptême après avoir découvert la méditation transcendantale et le yoga chez les orientaux. D'autre part, on constate que les expériences orientales individuelles s'assèchent faute de ressourcement. L'Orient manifeste un intérêt pour nos expériences chrétiennes, méconnues pour la majorité de nos baptisés. Les 400 000 Chinois convertis chaque année offrent un terrain propice pour accueillir une évangélisation en profondeur parce que déjà spirituellement prédisposés et en quête d'un plus.
Ne pas diluer sa quête de spiritualité
Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas de diluer une spiritualité, une religion, d'en faire une mixture à notre portée pour se forger une religion de type Nouvel âge, mais d'intensifier la fierté d'un approfondissement enrichi et éclairé.
Que souhaiter pour ce Noël 2008 au-delà des formules consacrées, dans un contexte multiculturel irréversible? Une recherche du bonheur à partir d'une satisfaction intérieure de combler un vide et d'étancher une soif. Se donner le temps de vivre des expériences de ressourcements susceptibles de développer une fierté de ce que nous aurons approfondi et dont nous nous sentirons habités pour ensuite en témoigner.
Seuls ces chercheurs de vérité qui dominent les influences extérieures sauront laisser tomber les barrières qui rendaient pénibles les accommodements. Il s'agit, pour certains, de «transformer l'obstacle en appui» comme disait Paul Ricoeur.
Jean-Guy Paradis, prêtre
Québec