Du Lac Meech au pipeline Énergie Est...

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Propagande radio-canadienne = Québec-bashing !





D’un océan à l’autre, la controverse entourant le projet du pipeline Énergie Est de la firme albertaine TransCanada continue de faire des vagues.


Ce matin, c’était le sujet principal d’une rencontre qui avait déjà été prévue entre le premier ministre canadien Justin Trudeau et le maire de Montréal, Denis Coderre.


Rappelons que la semaine dernière, les 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) disaient non au projet de TransCanada. Ce qui, depuis, vaut à Denis Coderre une pluie d’invectives de la part de la classe politique dans l’Ouest canadien.


Rappelons aussi que le projet en est un de 15,7 milliards de dollars, que l’oléoduc Énergie Est ferait 4600 km de long et transporterait au moins 1,1 million de barils de pétrole brut par jour de l’Ouest canadien au Nouveau-Brunswick, en passant bien sûr par le Québec.


Dans ma chronique de ce matin – Mépris et panique -, j’analyse la nature très politique du contentieux.


Le projet Énergie Est, rappelons-le, étant présenté depuis des années par les conservateurs comme étant essentiel au maintien de l’«unité nationale» au pays, la sortie de la CMM est bien évidemment reçue hors Québec comme une menace potentielle à cette dite unité nationale.


***


 



Et si on remontait un peu dans le temps...


Vous remarquerez que 26 ans, ou presque, après l’échec de l’Accord constitutionnel du Lac Meech, la question nationale québécoise est clairement détrônée dans le département des «crises» d’unité nationale. Détrônée par le pétrole albertain...


Autres temps, autres mœurs, autres intérêts.


Ce qui m’amène au fameux «coup de gueule» sur le sujet, courtoisie de Rick Mercer, vedette canadienne-anglaise de l’humour dit politique.


À son émission populaire que j'apprécie aussi beaucoup – The Mercer Report -, la vedette s’est fendue d’un plaidoyer passionné et un brin démagogique en faveur du pipeline Énergie Est. Mais surtout, contre la position de Denis Coderre et de la CMM. Traduction : contre la position critique dominante au Québec...


Pour visionner la vidéo, c’est ici.


Allez-y, ça vaut la peine... Je vous attends...


Bon. Vous l’avez bien vue? Parfait.


À l’instar du premier ministre courroucé de la Saskatchewan qui, en réponse à Denis Coderre, demandait au Québec de rembourser sa part de la péréquation payée, selon lui, par le pétrole de l’Ouest, Rick Mercer
a versé dans le même type de mépris. Pas très édifiant pour un grand humoriste pourtant réputé pour sa «sophistication» intellectuelle...


Surtout, Rick Mercer en fait lui aussi un débat d’«unité nationale» :


«Au risque de sonner comme quelqu’un qui aime profondément la fédération nationale, Denis, tente de te rentrer ceci dans la tête : cette question n’a rien à voir avec Montréal. Cela n’a rien à voir avec le Québec. C’est à propos d’une partie du Canada qui tente de vendre ses ressources naturelles sur la marché mondial. (...)»


Puis, faisant référence à la péréquation que reçoit le Québec, l’animateur lance ceci en expliquant pourquoi, selon lui, cet argent est envoyé et pourquoi le Québec devrait approuver Énergie Est:


«Parce que nous formons un pays. Nous sommes tous dans le même bain ensemble. C’est extraordinairement décent. C’est extraordinairement canadien. Alors, avec tout le respect pour le maire de Montréal, l’Alberta paye sa part depuis très, très longtemps. Aujourd’hui, maintenant, elle souffre. Nous avons tous besoin de ce projet. L’heure est venue pour les provinces de commencer à se demander ce que le Canada peut y gagner et pas seulement ce qu’elles ont à y gagner individuellement.»


Touchant, non?


Eh non, justement, pas tout à fait...


Les problèmes en Alberta sont en effet sérieux – baisse du dollar, chute du prix du pétrole, hausse du chômage, baisse l’immobilier, etc. Impossible de le nier.

Mais cet appel qui vise à culpabiliser les opposants à Énergie Est au Québec en les faisant passer pour des égoïstes mesquins de la pire espèce incapables de se sacrifier pour le bien de l’Alberta et de l’unité canadienne, c’est trop fort de café.


Si seulement la même «logique» s’était appliquée au Canada anglais à l’Accord du Lac Meech, cet appel aurait peut-être un peu plus de crédibilité aujourd’hui.


***


Tenez, faisons le test ensemble.


Reprenons les citations de Rick Mercer et adaptons-les à l’Accord du Lac Meech. Donc, retournons dans le temps comme si nous étions dans les derniers souffles d'agonie de l'Accord, disons, au printemps 1990, alors que les pires âneries alarmistes et francophobes se disaient sur les présumés dangers qu'il y aurait eu à accorder au Québec un simple statut de «société distincte»...


«Au risque de sonner comme quelqu’un qui aime profondément la fédération nationale, chers compatriotes canadiens-anglais opposés à l’Accord du Lac Meech, tentez de vous rentrer ceci dans la tête : cette question n’a rien à voir avec Toronto, Calgary ou St-Jean à Terre-Neuve. Cela n’a rien à voir avec le Manitoba. C’est à propos d’une partie francophone du Canada qui tente d’obtenir sa reconnaissance comme société distincte dans la constitution canadienne.»

Et pourquoi le faire?


«Parce que nous formons un pays. Nous sommes tous dans le même bain ensemble. C’est extraordinairement décent. C’est extraordinairement canadien. Alors, avec tout le respect pour nos compatriotes du Canada anglais, le Québec attend cela depuis très, très longtemps. Aujourd’hui, maintenant, il souffre de votre refus. Nous avons tous besoin de cet Accord. L’heure est venue pour les provinces du ROC (Rest of Canada) de commencer à se demander ce que le Canada peut y gagner et pas seulement ce qu’elles ont à y gagner individuellement.»



Comme quoi, comme disent les Anglais, it takes two to tango... Que ce soit pour la constitution ou pour vendre du pétrole...


Et comme quoi, le concept même d'«égoïsme» régional est d'une extrême subjectivité...


***


 


Addendum:


1) Juste au moment où on croyait avoir tout entendu sur le dossier Énergie Est et ce chantage à la péréquation, voilà que la CAQ se dit d'accord:


«C’est une vérité qui dérange quand on se fait dire, oui, nous recevons 10,5 milliards $ de péréquation année après année», a reconnu le leader parlementaire François Bonnardel lors d’une mêlée de presse en marge du caucus présessionnel de la CAQ, qui se termine aujourd’hui à Bromont.»


Une «vérité qui dérange»? Misère...


2) Pour visionner la vidéo de la visite de Rick Mercer au Carnaval de Québec en 2007 alors qu'il était accompagné de Justin Trudeau et Sophie Grégoire, c'est ici. Rick Mercer semblait apprécier le Québec un tantinet plus à l'époque...


 


 


 


 


 




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