Dix ans pour reconstruire Haïti

Conférence sur Haïti

Judith Lachapelle - Au moins dix années d'engagement sont nécessaires pour reconstruire et sortir Haïti de la misère. C'est le constat auquel sont arrivés aujourd'hui le premier ministre du Canada, Stephen Harper, et son homologue haïtien, Jean-Max Bellerive, dans le cadre des travaux de la conférence de Montréal sur la reconstruction du pays.
«Nous devons nous engager à Haïti à long terme. Je n'exagère pas en disant que dix années de dur travail nous attendent en Haïti», a déclaré cet après-midi le premier ministre Harper, dans son discours devant les délégués internationaux réunis à Montréal.
Jean-Max Bellerive a aussi indiqué que pour revenir au point où Haïti était le 11 janvier, il faudra quatre ou cinq ans. «Une situation qui n'était pas acceptable pour la population», a-t-il rappelé. M. Bellerive a mentionné que «le sacrifice involontaire de centaines de milliers d'Haïtiens» doit servir «à comprendre ce qui n'a pas marché».
La communauté internationale doit être préparée à un effort «significatif» et «durable» à Haïti, a dit le premier ministre Harper. Un effort qui doit reposer sur le «leadership du gouvernement d'Haïti» et «être en accord avec ses priorités».
Stephen Harper a également insisté sur l'importance de «l'efficacité» dans la reconstruction d'Haïti. «Le peuple haïtien le mérite. Nos propres contribuables s'y attendent également.»
Vision à long terme
Les travaux viennent de reprendre pour la seconde partie de la conférence, qui porte sur la transition entre les besoins humanitaires et une vision stratégique à plus long terme.
Le premier ministre Bellerive a admis que le gouvernement haïtien doit impérativement revoir sa structure. Les géologues avaient prévenu les autorités qu'un séisme majeur était imminent. Mais «le règlement de conflits sociaux, la lutte à la pauvreté ne nous ont laissé le temps de prendre les mesures pour limiter les dégâts de la catastrophe».
Mais Jean-Max Bellerive réaffirme la volonté de son gouvernement de diriger la reconstruction du pays. «L'Etat haïtien est au travail dans des conditions précaires mais il est en mesure d'assurer le leadership que la population attend de lui.»
En matinée, le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a souligné que l'argent ne suffira pas à reconstruire Haïti. L'effort nécessite «un engagement à long terme» et les priorités devront être déterminées avec le gouvernement haïtien. «Nous le devons à tous les Haïtiens, les vivants et les décédés, a déclaré le ministre Cannon. J'attends beaucoup de nos délibérations.»
«Le peuple haïtien a besoin d'accompagnement encore et encore pour se reconstruire», a ensuite déclaré le premier ministre Bellerive. Le pays a subi une catastrophe naturelle «sans commune mesure avec ce qu'il avait vécu avant». M. Bellerive a également souligner la nécessité de la «reconquête de sa souveraineté nationale», une réforme des institutions politiques et constitutionnelles en cours depuis 2004, après des décennies d'instabilité.
M. Bellerive a insisté sur l'importance de faire mieux et différemment. «Chaque fois, le peuple haïtien a trouvé sa route pour se reconstruire. Il le fera une nouvelle fois.»
Le président du Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement, Éric Faustin, a salué l'élargissement des critères de parrainage en immigration pour aider les membres de la diaspora à faire venir des membres de leur famille.
Il a appelé le premier ministre Bellerive à «une gestion transparente de l'aide» et demandé aux représentants d'effacer la dette d'Haïti. Il a également demandé un accompagnement «et non une mise en tutelle» d'Haïti et une participation de la diaspora dans la reconstruction du pays.
Agriculture et tourisme
En entrevue avant le début de la conférence, Jean-Max Bellerive a pour sa part indiqué que le poids de la dette d'Haïti est minime, puisque une bonne partie de la dette, soit 1,2 milliard, a déjà été effacé. Elle se chiffrerait aujourd'hui à un peu moins de un milliard.
Selon lui, la reconstruction pourrait prendre une dizaine d'années : trois ou quatre années seront nécessaires avant qu'Haïti ne retrouve le niveau qu'elle avait avant le 12 janvier, et six autres années supplémentaires pourraient métamorphoser la région.
Le secteur agricole, par exemple, pourrait être renforcer. Tout comme le tourisme, dit M. Bellerive. Ce n'est pas tout le pays qui est sinistré, a-t-il fait valoir. «Hier, j'ai survolé la région de Labadie où était accosté le plus gros paquebot du monde avec 6000 personnes qui s'amusaient à Haïti», a-t-il déclaré sur les ondes de RDI, avant le début des travaux. La poursuite des activités touristiques de Royal Caribbean dans cette station balnéaire privée du nord du pays a suscité plusieurs critiques dans les deux dernières semaines.
«Pour moi, c'est une image merveilleuse. Pendant que certains Haïtiens souffraient, que le pays a une image de désastre, des gens continuent de croire en Haïti. C'était très facile pour eux d'annuler la croisière et d'aller sur une autre plage. Ça donne l'image qu'Haïti est toujours un pays vivable, que les Haïtiens peuvent trouver un revenu, c'est une image tellement positive et rassurante et j'espère qu'elle donnera cette image à d'autres investisseurs.»
Par ailleurs, M. Bellerive a indiqué que selon les dernières données recueillies par les autorités haïtiennes, 152 000 décès ont été enregistrés. «J'ai peur, a-t-il expliqué sur les ondes de TVA. Au début, j'avais parlé de 100 000 morts et tout le monde pensait que j'exagérais. Aujourd'hui je pense que ce nombre va atteindre 200 000 morts.»


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