Lise Payette a vu juste lorsqu'elle a prédit, en 1989, qu'un manque de planification de l'immigration pourrait favoriser la montée de l'intolérance et rendre le Québec vulnérable au vieillissement de sa population. C'est l'avis de Rachida Azdouz et de Jean-Pierre Charbonneau, qui ont revu récemment le documentaire vieux de 30 ans. La psychologue et l'ancien politicien expliquent à Catherine Perrin que, même avec un langage daté, Disparaître encourageait à discuter d'immigration de façon responsable.
« Il y a un élément de la planification [de l’immigration] qu’on oublie souvent, c’est préparer la société d’accueil, et ça, on le fait mal, dit Rachid Azdouz. Dire pourquoi les gens viennent, à quel impératif ils répondent, comment on fixe les taux. […] Le grand public n’est pas au courant, et on en paye le prix aujourd’hui. La preuve : on a un débat ce soir, et quand on parle d’immigration, on en parle avec des non-arguments. »
Le problème dont personne n’ose parler
La spécialiste des relations interculturelles s’attarde à un passage dans lequel Lise Payette dit : « Ce n’est pas la quantité d’immigrants qui dérange, mais l’origine et la provenance. » Selon Rachida Azdouz, c’est là le problème dont personne n’ose parler. « Quand on parle de [seuils] d’immigration, je ne pense pas qu’on poserait la question si on avait des Français, des Belges, des Suisses et des Suédois, indique-t-elle. Au fond, on demande : est-ce qu’on veut moins d’Arabes, moins de Noirs? C’est ce qu’on est en train de dire sans le dire. C’est l’altérité visible qui est dérangeante. »
Pour une rediffusion
« C’est un bon reportage, qui pourrait être rediffusé aujourd’hui et cela nous permettrait de faire la comparaison entre ce qu’on appréhendait, comment on anticipait l’avenir et, 30 ans plus tard, ce qui s’est produit et ne s’est pas produit », croit Jean-Pierre Charbonneau. L’ancien président de l’Assemblée nationale rappelle que le documentaire a été réalisé à une époque où, malgré une dénatalité marquée, le Québec n’avait ni politique familiale, ni garderies subventionnées, ni congés parentaux.
Des questions d’actualité
« Les [questions] que Lise Payette posait au Québec il y a 30 ans sont posées à tout l’Occident actuellement, souligne-t-il. Il voit, entre autres, l’Afrique et certains pays en développement se déplacer. […] Ce ne sont pas juste des réfugiés politiques qui ont peur de leur situation. Avec les changements climatiques [et] les déplacements de population, on n’a rien vu encore. »