«Il n'y a pas de raccourci vers la paix», a dit Barack Obama, mercredi, pour justifier son opposition à la demande palestinienne d'adhésion à l'ONU. Pardon? Il a bien dit «raccourci?»
Mais le cycle de négociations qui nous a menés là où nous sommes aujourd'hui a été lancé il y a déjà 20 ans! C'est un chemin assez long, merci. Ce processus de paix, qui a connu son point culminant avec les accords d'Oslo, est mort et enterré.
En se rendant à New York pour demander la pleine reconnaissance d'un État palestinien, le président Mahmoud Abbas cherche à sortir du cul-de-sac. À jeter officiellement les accords d'Oslo par-dessus bord pour repartir sur de nouvelles bases.
Dans son fameux discours au monde arabe, au Caire, Barack Obama avait expliqué sa vision de la paix au Proche-Orient. Il avait alors appelé les Palestiniens à renoncer à la violence et à construire des institutions publiques dignes de ce nom. Et les Israéliens, à cesser de construire leurs colonies, que le président américain a qualifiées d'illégitimes.
Deux ans plus tard, on peut dire que l'Autorité palestinienne a rempli sa part du contrat. Les dirigeants palestiniens ont construit des rues et des écoles, formé des policiers, réaménagé leurs villes de manière à détourner les jeunes de la violence. Dans un récent rapport, la Banque mondiale affirme que les institutions palestiniennes se comparent favorablement à ce qu'on trouve dans d'autres pays de la région, dans tous les domaines qui comptent.
Israël, de son côté, a bien desserré un peu son étau autour des territoires palestiniens. Mais pour les colonies, rien à faire. L'ultime tentative de relancer le dialogue a échoué en septembre 2010, quand Israël a refusé de prolonger de quelques mois le moratoire sur les constructions juives en Cisjordanie. Seulement un moratoire, et seulement quelques mois! Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a dit non.
Dans son discours de mercredi, Barack Obama n'a même pas mentionné les colonies, qu'il jugeait illégitimes il y a deux ans à peine. Il a cédé ainsi sur toute la ligne au gouvernement le plus intransigeant à avoir jamais dirigé Israël.
À partir de là, on peut imaginer que Washington opposera son veto à la création d'un État palestinien, si jamais un vote à ce sujet finit par avoir lieu au Conseil de sécurité. C'est d'autant plus désolant qu'il y a d'excellentes raisons d'accueillir favorablement la requête du président Mahmoud Abbas. En voici quelques-unes:
> En acceptant la Palestine dans ses rangs, l'ONU donnerait des arguments aux Palestiniens les plus modérés, et affaiblirait la position du Hamas, qui rejette tout accord avec Israël. Or, l'avenir politique de Mahmoud Abbas, dont le mandat est expiré depuis plus de deux ans, ne tient qu'à un fil. Si sa demande est rejetée, il n'aura d'autre choix que de tenter un rapprochement avec le Hamas.
> Avec une décision favorable, l'ONU enverrait aussi un message à Israël: le statu quo n'est plus tenable, la colonisation n'est plus acceptable. C'est d'autant plus pertinent que l'opinion publique israélienne est loin d'être unanime. Il y a, en Israël, des tas gens qui appuient la démarche palestinienne. Ils ont manifesté hier à Tel-Aviv. On trouve parmi eux des voix tout à fait respectables: l'écrivain Amos Oz, l'ancien ambassadeur en France Elie Barnavi... Ces voix ont besoin d'être encouragées.
> Le conflit a atteint un point tournant. C'est peut-être la dernière occasion de créer un État palestinien aux côtés d'Israël. Un demi-million d'Israéliens vivent déjà en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem. La colonisation se poursuit à la vitesse grand V tant en Cisjordnaie qu'à Jérusalem Est. À preuve: la population juive en Cisjordanie croît trois fois plus vite qu'en Israël. Bientôt, la création d'un État palestinien deviendra géographiquement impossible.
> Contrairement à ce que clame Israël, les leaders palestiniens n'essaient pas de lui enlever sa légitimité en se rendant à l'ONU. Au contraire, la demande d'adhésion équivaut à reconnaître l'État hébreu sur ses frontières de 1967. Tous les détails resteraient à discuter par la suite, avec d'innombrables occasions de dérapage - mais la reconnaissance de l'État juif est au coeur de la démarche palestinienne.
En revanche, si Mahmoud Abbas rentre à la maison avec un rejet international, il aura de la difficulté à maintenir le cap sur la formule de deux États. De plus en plus de Palestiniens estiment qu'il vaut mieux fondre Israël et les territoires occupés en un seul État - où les Juifs risqueraient de devenir rapidement minoritaires. Est-ce là ce que cherche Israël?
> Au fait, que cherche au juste Israël? Maintenant que les dirigeants palestiniens ont abandonné la lutte armée et se sont efforcés de jeter les bases d'un véritable État, il ne peut plus prétendre qu'il lui manque un «partenaire pour la paix». Le partenaire palestinien est là, prêt à négocier.
En face de lui, il a un gouvernement israélien dogmatique qui semble vouloir le beurre et l'argent du beurre: accaparer le plus de territoires en Cisjordanie, sans hériter de leur population arabe.
Un gouvernement qui a le culot de menacer de sanctions les Palestiniens, pour quel crime au juste? Celui de s'adresser à une instance internationale légitime, pour une demande qui l'est tout autant. Un gouvernement, enfin, qui entraîne ainsi deux peuples à leur perte.
La police israélienne va être placée en état d'alerte aujourd'hui de crainte de manifestations violentes palestiniennes à l'occasion du discours du président palestinien Mahmoud Abbas à l'ONU, a indiqué hier une source policière. La police «va déployer 22 000 hommes dans tout le pays, soit plus des deux tiers de toutes ses forces», a indiqué à l'AFP son porte-parole Micky Rosenfeld. Une centrale syndicale palestinienne a appelé à des manifestations de protestation aujourd'hui partout dans le monde arabe devant les ambassades des États-Unis. Hier, un millier de Palestiniens ont manifesté à Ramallah pour dénoncer le président américain Barack Obama, accusé d'avoir trahi leur cause à l'ONU.
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