Dieudonné : le négationnisme, le FN et ses « penseurs » en déclin

Dieudonné - une drôle d'affaire...

En invitant Robert Faurisson lors de son spectacle au Zénith, le 26 décembre, en le faisant acclamer par quelque 5000 spectateurs, en présence, à en croire le JDD, notamment de Jean-Marie Le Pen, de l'essayiste Alain de Benoist et de Kemi Seba (le leader de la Tribu Ka), en lui faisant remettre le Prix de l'infréquentabilité et de l'insolence par un technicien déguisé pour l'occasion en déporté de camp de concentration, Dieudonné s'est évidemment assuré un succès. (Voir la vidéo)

La provocation ne pouvait que susciter de nombreuses réactions, et celles-ci n'ont pas manqué -communiqués de l'UMP, de la ministre de la Culture, du Crif, de l »UEJF, etc. Mais s'agit-il d'un succès pour ceux qui partagent les idées et les projets de Faurisson ou de Le Pen ?

Le « révisionnisme » connaît peu de succès jusqu'aux années 70

Pour y voir clair, un rapide rappel est certainement utile. Au départ, dans les années 60, le « révisionnisme » de Maurice Bardèche et Paul Rassinier avait surtout pour objectif de banaliser les crimes nazis pour mieux souligner la barbarie du bolchévisme ou du communisme.

Il inclut vite, également, l'idée que le « mensonge » des six millions de Juifs exterminés par les nazis était destiné à assurer la réussite de l'Etat d'Israël. La thématique a alors connu peu de succès dans l'opinion, jusqu'à ce qu'elle soit relancée par Robert Faurisson, dans les années 70.

Celui-ci nie purement et simplement l'existence des chambres à gaz, et a trouvé ses premiers appuis dans l'ultra-gauche, avec Pierre Guillaume et quelques militants libertaires, dont un temps Gaby Cohn-Bendit.

C'est au nom de la liberté d'expression que le linguiste Noam Chomsky a rédigé la préface d'un ouvrage de Faurisson. Le succès à scandale du « négationnisme », à la fin des années 70, doit beaucoup aux carences de l'historiographie –il faudra attendre 1982 et le grand colloque organisé par Raymond Aron et François Furet sur « L'Allemagne nazie et le génocide juif » (publié sous ce titre par Gallimard/Le Seuil) pour que des réponses solides soient apportées à Faurisson.

Par la suite, le « négationnisme » a connu des hauts et des bas, et le plus important est la façon dont le Front national en a repris sinon la thèse, du moins l'inspiration, Jean-Marie Le Pen parlant des chambres à gaz comme d'un « détail de la Seconde Guerre mondiale » (1987) ou faisant un jeu de mot à propos d'un ministre, Durafour, qu'il nomme « Durafour crématoire » (1988).

Il n'est donc pas étonnant que, sous l'égide de Dieudonné, Jean-Marie Le Pen et Robert Faurisson viennent à nouveau faire scandale, avec en prime le compagnonnage d'Alain de Benoist.

Mais cet épisode indique-t-il, comme le disent la grande majorité des commentateurs, la vitalité de la haine antisémite ? C'est plutôt le contraire qu'il faut envisager.

Ne pas s'inquiéter de cette ultime provocation

Pour Faurisson, d'abord, qui aurait voulu exister au titre de la raison, du sérieux de ses travaux soi-disant historiques, qui a toujours donné l'impression de vouloir démontrer, s'acharnant à prouver le bien-fondé de ses thèses, et qui se retrouve, finalement au plus loin de toute reconnaissance scientifique, pantin d'un spectacle vulgaire et médiocre dont il devient le « clou » pour une soirée.

Pour Jean-Marie Le Pen, ensuite, dont le parti est en grand déclin, sans perspectives politiques, et qui se marginalise encore davantage en cautionnant par sa présence un humoriste qui ne lui apportera guère de voix, et qui contribue, par ses propos, à l'entraîner sur les chemins de la radicalisation, de l'outrance et à terme de la groupuscularisation. Pour celui qui a sorti l'extrême-droite française de ses ornières en tentant de lui faire acquérir une certaine respectabilité, ne serait-ce qu'électorale, il y a là un échec, et assurément pas une réussite.

Pour Alain de Benoist, enfin, qui se veut un intellectuel sérieux, érudit, qui s'efforce depuis de nombreuses années de trouver sa place dans des débats là aussi respectables, et qui vient se faire voir dans la salle d'un spectacle bouffon, et qui est la négation de toute vie intellectuelle.

Il faut donc ne pas céder à l'air du temps, et ne pas s'inquiéter outre mesure de la dernière provocation de Dieudonné. Elle est répugnante, certes, et il est fâcheux que 5000 spectateurs aient pris plaisir à l'applaudir.

Mais aussi, et surtout, elle installe à leur place actuelle, celle de la marginalité et du déclin, la principale incarnation du « négationnisme » (Robert Faurisson), le leader du Front National (Jean-Marie Le Pen) et le seul « intellectuel » dont pouvaient jusqu'ici se prévaloir les droites radicales, Alain de Benoist.


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