Dieudonné : la fuite en avant d’un pouvoir sous influence

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Qui trop embrasse, mal étreint

Jusqu’où faudra-t-il rogner sur les principes fondateurs de la démocratie – égalité entre les citoyens, liberté d’opinion, présomption d’innocence, non-rétroactivité de la loi… – pour satisfaire aux exigences de la lutte contre l’antisémitisme ?
Nous ne nous attarderons pas sur la question de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité (accord de Londres 1945 et loi du 26 décembre 1964), crimes dont la définition n’a cessé de s’étoffer et le champ d’application de s’étendre, y compris de manière rétroactive (jurisprudence Klaus Barbie du 26 janvier 1984).
Mais comment ne pas mentionner la loi Gayssot (13 juillet 1990), loi de facto anticonstitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel d’invalider la loi sur le génocide arménien (28 février 2012) mais toujours en vigueur au motif que personne aujourd’hui n’ose poser la question prioritaire de constitutionnalité (QCP) spécifiquement sur ce texte (1) ?
Et comment, aussi, ne pas mentionner la reconnaissance de la responsabilité de la France pour les crimes commis durant l’Occupation (16 juillet 1995), prenant ainsi le contre-pied d’une doctrine constante et pleinement justifiée, reconnaissance dont le seul but – peu de Français le savent – était de préparer les conditions juridiques au décret du 13 juillet 2000 (Jospin) instituant l’indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites, décret éminemment discriminatoire puisqu’il excluait les orphelins des déportés non juifs ?
Comment, aussi, ne pas mentionner la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, loi qui pour la première fois introduit pour des faits objectivement identiques une hiérarchie entre les victimes selon une intention appréciée de manière forcément subjective ?
La censure contre Dieudonné décidée au terme d’une parodie de justice s’inscrit dans le droit fil de cette surenchère.
L’antisémitisme recule-t-il pour autant ? À en croire les premiers intéressés, non ! C’est même tout le contraire. Mais ce qu’ils feignent d’ignorer, c’est que l’antisémitisme change de nature plus vite encore. Finkielkraut disait que l’antisionisme est un « proxy » pour l’antisémitisme. C’était vrai lors de la première intifada (1987), ce n’est plus vrai aujourd’hui. L’antisémitisme d’un Dieudonné ou d’un Soral est dirigé exclusivement contre ceux qui sous le prétexte de la lutte contre l’antisémitisme empilent les unes sur les autres les entraves à la liberté d’opinion, qu’ils soient juifs ou non. Ainsi, lorsque Dieudonné tourne la Shoah en dérision, il ne vise pas les victimes de la Shoah, mais ceux qui l’instrumentalisent pour encadrer la liberté d’opinion. Comme si l’antisémitisme était arrivé au terme de son évolution, il se nourrit désormais de la lutte exercée contre lui.
Engagés dans un combat dont ils ne saisissent pas la vraie nature, des matamores irresponsables (Manuel Valls, Christophe Barbier) veulent punir encore davantage. Ils parlent de pédagogie intensive et de censure tous azimuts. Si on les laisse faire, au train où vont les choses, nous allons tout droit vers des camps de rééducation et la fermeture de l’Internet.
(1). Dans un arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation avait dénié le droit au magazine Rivarol de poser la QCP au motif « qu’elle ne présentait pas un caractère sérieux ».


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