« Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître » Michel Bakounine
André Synnott - Un jour, André Malraux aurait dit que le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas (phrase souvent citée, mais sans jamais que soit indiquée la référence exacte). N’empêche, c’était un peu prémonitoire compte tenu que, dans les années ’50, des écrivains athées, dont Camus et Sartre, avaient la cote.
Le rationalisme occidental issu du Siècle des Lumières semblait se répandre partout dans le monde, une révolution culturelle remettait en question morale, autorité et interdits. Puis, retour du pendule et mouvement de ressac, des vagues de religiosité ont déferlé sur le monde.
Les intégrismes religieux ont remis en question le Baas laïque au Moyen-Orient, l’idéologie de rattrapage en Iran comme au Pakistan; aux États-Unis les « preachers », créationnistes et catholiques ont assassiné des médecins pratiquant des avortements et ont semblé être guidés par le même aveuglement réfractaire à tout ce qui n’est pas leur foi.
Sans compter l’apparition de mouvements, sectes ou autres gourous (Hare Krishna, Moon, scientologie, Lobsang Rampa et son troisième oeil, l’Ordre du Temple solaire, etc.) qui semblent combler des questionnements et des vides spirituels.
Au Québec, le tout nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse du ministère de l’Éducation tient de ce ressac ou renouveau religieux. Au nom de la rectitude politique et de la tolérance, on accorde un respect aveugle, sourd à la critique, à toute croyance religieuse, sauf à l’incroyance, bien que l’athéisme, qui n’a pas droit de cité dans ce cours, soit plus répandu que certaines des religions qui y sont étudiées.
Daniel Baril et Normand Baillargeon ont sollicité cinquante personnes pour leur demander de témoigner de leur vécu sans religion, cela donnera le livre Heureux sans Dieu.
Les douze personnes ayant répondu à leur appel proviennent d’horizons divers, mais ont un passé commun de scepticisme, parfois parsemés d’embûches.
Au premier abord, ce livre peut sembler superficiel, alors qu’il traite justement, et en surface, des malaises et des insatisfactions laissées par une éducation souvent religieuse dans l’enfance.
Les auteurs n’entendent pas faire preuve de théorie pour expliquer la religion. Émile Durkheim (sociologue athée qui montra que toute société produit de la religion), Geza Toheim (créateur de l’anthropologie psychanalytique pour qui les religions sont peut-être nées de l’incapacité des peuples primitifs, faute d’avoir lu Sigmund, à expliquer le rêve) et Michel Onfray (Traité d’athéologie) ont déjà donné.
Nos quatorze auteurs entendent plus livrer un témoignage personnel, chacun expliquant comment, par expérience, réflexion et questionnement, il en est venu à vivre sans s’appuyer sur une foi, sans vouloir faire de la morale ou du prosélytisme. Il s’agit de poser un regard serein, démystifiant le côté parfois péjoratif accolé à l’athéisme.
La diversité de culture des auteurs permet quand même certains regroupements. Si Daniel Baril (anthropologue), Normand Baillargeon (professeur en philosophie de l’éducation) et Hervé Fischer (essayiste et philosophe) évoquent des considérations théoriques ou philosophiques, c’est en les ramenant à leur expérience vécue.
Cyrille Barrette (biologiste), Yannick Villedieu (journaliste scientifique à l’émission Les Années lumières à Radio-Canada) et Yves Gingras (physicien) parlent de rationalisme observables.
Louise Gendron et Isabelle Maréchal (journalistes) se sont autant questionnées qu’elles ont questionné le monde, par métier, sans recevoir de réponses pour autant.
Arlette Cousture (romancière), Louisette Dussault (comédienne ayant personnifié la Souris verte pour les plus vieux), Martin Petit et Ghislain Taschereau (humoristes) ont trouvé, dans l’art et l’esthétisme, des satisfactions, des réponses que n’apportaient pas la religion — qu’ils ont abandonnée ou à laquelle ils n’ont jamais adhéré.
Yves Lever (ancien jésuite, critique de film et pamphlétaire) et Louis Gill (ingénieur et économiste marxiste, professeur à l’UQAM) polémiquent rappelant que la religion est l’opium du peuple et même parfois des cardinaux.
Parmi ces témoignages, un m’a touché particulièrement. En 1966, Louise Gendron avait 11 ans, était au couvent. La bonne soeur à qui elle a demandé « Avec qui Caïn s’est-il marié? » lui a répondu « Ne pose pas de questions insolentes ».
Moi à l’école Champlain, dans le Centre-Sud, en 1960, posant la même question, j’ai eu droit à « Synnott, c’est pas au programme! ». Comme elle, j’ai décroché, pour toujours.
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Heureux sans Dieu, VLB éditeur
Sous la direction de Daniel Baril et Normand Baillargeon
L’article d Yvan Synnott est d’abord paru dans l’édition avril-mai 2010 du Col blanc, le journal du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal.
Revue de livre
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