ÉNERGIE EST

Des risques et peu de retombées économiques

Même à son plus fort, le projet «ne représenterait que 1,3% des emplois en construction de la province», selon la Commission de l’énergie de l’Ontario

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La prise de position courageuse de l'Ontario démontre l'ineptie de celle du Québec

Le projet Énergie Est devrait générer de faibles retombées économiques, tout en faisant peser des risques bien réels pour la population et l’environnement. C’est ce que conclut la première évaluation publique indépendante portant sur le pipeline de TransCanada, menée à la demande du gouvernement ontarien pour la portion du tuyau qui traversera son territoire.

Même si près de la moitié de l’oléoduc Énergie Est sera en Ontario, la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) souligne, dans son rapport publié jeudi, que le transport de pétrole des sables bitumineux « se traduira par des avantages économiques plutôt modestes pour la province ».

« Comme pour tous les oléoducs, les avantages iront principalement à la région produisant les marchandises entrant dans l’oléoduc et la région retirant les marchandises de celui-ci », rappelle la CEO, au terme d’une évaluation lancée en novembre 2013. À titre de comparaison, l’étude du projet au Québec, qui sera confiée au BAPE, n’a pas encore débuté.

Au chapitre de la création d’emplois, le rapport évalue que 200 postes permanents seront maintenus en phase d’exploitation. Même au plus fort de la phase de construction, Énergie Est « ne représenterait que 1,3 % des emplois en construction de la province », indique le rapport « Donner la parole aux Ontariens sur le projet Énergie Est ».

Risques multiples

L’organisme public précise aussi que les pipelines « ne génèrent que des retombées économiques minimes au profit des collectivités qu’elles traversent ». La CEO estime donc que la réalisation d’Énergie Est « entraînerait un déséquilibre entre les risques inhérents au projet et les avantages attendus pour les Ontariens ».

La CEO, qui a mené des consultations publiques et obtenu des expertises externes, conclut en effet que le transport de pétrole brut albertain pose des risques environnementaux.

Comme au Québec, le pipeline doit traverser quelques-uns des cours d’eau les « plus importants » de la province, dont certains servent de source d’eau potable. Dans sa demande, TransCanada a toutefois affirmé qu’« en cas de déversement de pétrole, elle fournirait des sources alternatives d’eau potable ».

Le pétrole qui coulera dans le pipeline doit aussi traverser plusieurs « zones écosensibles », dont huit parcs provinciaux, quatre réserves de conservation et quatre zones de conservation. La CEO constate d’ailleurs l’absence d’information détaillée « sur les incidences et les plans d’atténuation pour les parcs, réserves et zones de conservation, terres humides ou autres zones écosensibles ».

Selon les informations fournies par TransCanada, il lui faudrait un maximum de 10 minutes pour fermer une section du pipeline en cas de « déversement ». Un délai supplémentaire de 12 minutes serait nécessaire pour fermer les clapets de sécurité et les stations de pompage. Puisque le pipeline transportera 1,1 million de barils par jour, plus de 121 000 litres de pétrole couleront dans le tuyau chaque minute.

Opposition

La CEO juge aussi que le dossier présenté par TransCanada ne permet pas de statuer que « le projet respecte les normes techniques les plus élevées qui soient puisque le promoteur n’a pas encore déposé de demande complète ».

Contrairement au Québec, l’essentiel du tuyau existe déjà sur le territoire ontarien. TransCanada veut en fait convertir un gazoduc de 1900 kilomètres en oléoduc. Un tronçon d’environ 100 kilomètres doit être construit dans l’est de la province, vers le Québec. La pétrolière compte aussi construire un nouveau gazoduc de 245 kilomètres.

Les consultations menées par la CEO ont en outre révélé « une large opposition » au projet de la part des Premières Nations et des Métis de la province. « Plusieurs participants ont exprimé de graves préoccupations au sujet des impacts environnementaux potentiels du projet, en particulier l’effet d’un déversement de pétrole dans l’eau », note le rapport.

Leçons pour le Québec

Réagissant à la publication du rapport, le député péquiste Sylvain Gaudreault a souligné que le document démontre qu’Énergie Est « ne serait pas rentable » pour le Québec. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a pour sa part déjà dit que le projet serait « extrêmement positif » pour la province. Une fois la phase de construction terminée, environ 60 emplois seraient maintenus au Québec.

M. Gaudreault a aussi critiqué « le retard » pris par le gouvernement Couillard dans l’étude du projet, qui doit être confiée au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. « La CEO a mis 15 mois pour étudier le projet. Le BAPE n’aura pas autant de temps. »

Même si la CEO insiste sur l’importance d’inclure la question climatique dans l’étude du pipeline, M. Gaudreault a rappelé que l’enjeu des émissions de gaz à effet de serre résultant de la production pétrolière qui circulera dans le tuyau ne fera pas partie de l’examen. Cette production dépassera les 400 millions de barils par année.

« Ce rapport n’est ni plus ni moins qu’un avertissement pour le Québec et démontre comment l’Ontario a tout à perdre et très peu à gagner avec ce projet, a fait valoir Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre. Il est difficile de voir comment il pourrait en être autrement pour le Québec. »

Améliorer le projet

Le porte-parole de TransCanada, Tim Duboyce, a indiqué pour sa part que le rapport de la CEO « permettra d’améliorer le projet ». Il a aussi affirmé que l’entreprise se fixe un objectif de « zéro incident ».

La décision finale concernant Énergie Est reviendra au gouvernement fédéral. Aucun des trois partis qui peuvent espérer prendre le pouvoir aux prochaines élections ne s’oppose au projet de pipeline.

Avec le transport de plus d’un million de barils par jour dès 2020, Énergie Est fera du territoire du Québec un élément clé dans l’exportation du pétrole albertain. Avec ce projet, le plus important du genre en développement en Amérique du Nord, plus du tiers de la production des sables bitumineux passera en sol québécois d’ici cinq ans.


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