Des libéraux s’échangeaient le CV de Robert Lafrenière

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Robert Lafrenière est une créature libérale

Deux influents libéraux se sont échangé le curriculum vitae de Robert Lafrenière, en 2005, alors que l’Agence métropolitaine de transport se cherchait un directeur de la sécurité, a découvert notre Bureau d’enquête.


Des documents que nous avons consultés montrent que la candidature de M. Lafrenière, qui dirige aujourd’hui l’Unité permanente anticorruption (UPAC), a été transmise à l’Agence métropolitaine de transport (AMT) par Sébastien Lachaîne, encore aujourd’hui organisateur au Parti libéral du Québec (PLQ).


Au total, M. Lachaîne a suggéré trois noms d’ex-policiers de la Sûreté du Québec (SQ), dont celui de M. Lafrenière, à Joël Gauthier, qui était à l’époque PDG de l’AMT.



M. Gauthier est lui aussi un libéral notoire. Avant de se retrouver à la tête de l’agence responsable des trains de banlieue à Montréal, il était directeur général du PLQ.


Pourquoi des organisateurs politiques se mêlaient-ils de l’embauche d’un directeur de la sécurité? Notre Bureau d’enquête avait révélé le printemps dernier que plusieurs curriculum vitae transitaient par la formation politique à des fins de nominations dans des ministères et les sociétés d’État.



Robert Lafrenière dit pour sa part ignorer pourquoi son CV s’est retrouvé dans un tel échange de courriels (lire autre texte).


Deux candidats


Dans le courriel daté du 28 novembre 2005 que M. Lachaîne envoie au grand patron de l’AMT, M. Lafrenière est présenté comme le troisième choix pour le poste. Il était alors retraité de la SQ depuis 2003 et enseignant en techniques policières.


«Robert a un aussi bon CV que les deux autres, écrit-il, mais ça fait quelques années qu’il est en dehors du circuit. Cependant, il a une excellente crédibilité puisqu’il est analyste en gestion de crise et pratique policière à Radio-Canada.»


Le jour même, M. Gauthier a ensuite transmis ce courriel au cabinet de chasseur de têtes Kenniff Racine. Il a expliqué à Robert Racine, cofondateur du cabinet, qu’il lui transmettait «les coordonnées de deux candidats potentiels» reçues d’une «connaissance».


«Je ne connais ni d’Ève ni d’Adam ces deux personnes, donc je m’en remets à vous», a-t-il écrit.


Le courriel, qui contient deux pièces jointes, ne mentionne que le nom de M. Lafrenière en titre d’un document qui comprend son curriculum vitae complet suivi de la date «27 nov. 2005».


Autre choix


Un des autres candidats proposés par M. Lachaîne, Daniel Beaudette, a confirmé à notre Bureau d’enquête que l’organisateur libéral lui avait téléphoné, vers novembre 2005, pour sonder son intérêt pour le poste à l’AMT.


Aucune des propositions de M. Lachaîne, qui a été directeur de cabinet de l’ex-ministre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon, de mai 2003 à mai 2005, n’a finalement été retenue.


C’est Daniel Randall, un ex-cadre de la police de Montréal, qui a été nommé vice-président à la sécurité de l’AMT en août 2006.


Robert Lafrenière, quant à lui, a été sous-ministre au ministère de la Sécurité publique de 2007 à 2011 avant d’être nommé à l’UPAC.


ROBERT LAFRENIÈRE N’A PAS POSÉ SA CANDIDATURE


Le commissaire à la lutte à la corruption Robert Lafrenière ignore comment son curriculum vitae a pu se retrouver au siège du Parti libéral du Québec.


M. Lafrenière n’a pas posé sa candidature à un poste de v.-p. de la sécurité à l’AMT ni à aucun autre poste dans cette agence, a indiqué le service des communications de l’UPAC en réponse aux questions du Journal.


Il n’a pas été en entrevue d’embauche et ne s’est pas fait offrir d’emploi, a-t-on mentionné en précisant que le patron de l’UPAC «n’a pas de liens avec Sébastien Lachaîne ni avec Joël Gauthier».


«M. Lafrenière ignore pourquoi M. Lachaîne avait son CV puisqu’il ne le lui a pas remis, il ne l’a pas contacté non plus, et il n’a pas de souvenir de l’avoir déjà rencontré», a répondu l’UPAC dans un courriel.


Joël Gauthier nous a d’ailleurs affirmé n’avoir jamais rencontré Robert Lafrenière.


Lachaîne surpris


Dans une très brève entrevue téléphonique, Sébastien Lachaîne n’a pu qu’exprimer son étonnement lorsque son rôle dans l’envoi du CV de M. Lafrenière a été évoqué. «Ça me surprendrait», a-t-il répondu avant de mettre fin à la communication. Questionné ensuite à ce sujet, le Parti libéral (PLQ) a déclaré que malgré les apparences, M. Lachaîne n’a pas été impliqué dans le processus de sélection de l’AMT.


«M. Lachaîne a suggéré des noms de façon informelle et uniquement à titre de référence», a dit un porte-parole, Maxime Roy.


Selon M. Roy, M. Lachaîne a travaillé avec M. Gauthier au PLQ, au début des années 2000. Ses liens avec les trois candidats proposés remonteraient à l’époque où il était chef de cabinet du ministre de la Sécurité publique.


Ci-haut, l’organisateur libéral Sébastien Lachaîne a envoyé trois candidatures au patron de l’AMTJoël Gauthier afin de pourvoir un poste de directeur de la sécurité. Ci-contre, le CV de Robert Lafrenière était en pièce jointe dans le courriel.