Demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU: la démocratie sera-t-elle au rendez-vous?

Actualités internationales - Palestine à l'ONU


Marie-Christine Ladouceur-Girard - Ce vendredi 23 septembre 2011, l'Autorité palestinienne présentera une demande d'adhésion de la Palestine comme État à l'ONU. Si cette initiative soulève un enthousiasme spontané chez les observateurs et apparaît d'emblée porteuse d'espoir pour les Palestiniens, elle masque des questions démocratiques de fond. Il convient de porter celles-ci à l'attention des lecteurs qui s'intéressent à ce moment historique auquel nous assistons.

Qui représente l'État palestinien?

Au cours des derniers mois, les médias du monde ont donné la tribune aux dirigeants palestiniens qui ont fait valoir le bien-fondé de leur projet d'État reconnu par l'ONU, tout en couvrant peu les réactions de la société civile palestinienne et des groupes de solidarité avec la Palestine. Bien que ces acteurs partagent l'analyse de conjoncture de l'Autorité palestinienne (échec de la paix par les négociations, injustice historique infligée aux Palestiniens, etc.), il s'avère qu'ils sont divisés quant à la position à prendre vis-à-vis de l'initiative à l'ONU, et ce, pour deux raisons notamment.
D'abord, il faut rappeler que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (autodétermination) est le principe fondamental des revendications palestiniennes et que celui-ci qui doit guider tout processus de création étatique. Or, il est difficile de considérer que l'initiative actuelle vienne du peuple palestinien lui-même, puisqu'elle émane de l'Autorité palestinienne, représentée surtout par les personnes de Salam Fayyad (premier ministre) et Mahmoud Abbas (président). Il faut rappeler que ce dernier, qui fut élu en 2005, n'est plus constitutionnellement en poste depuis janvier 2009. Son mandat a été prolongé par l'Organisation de libération pour la Palestine (OLP), qui jugeait à ce moment impossibles des élections dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas suite à sa victoire aux élections de 2006. En outre, la présence prolongée de Mahmoud Abbas comme de l'Autorité palestinienne - une structure qui devait disparaitre en 1999 en vertu des accords d'Oslo - tient essentiellement à la cooptation exercée par Israël et les États-Unis. En somme, comme l'a souligné Vincent Romani dans un article paru dans Le Devoir en septembre 2010 : «L'Autorité palestinienne sise à Ramallah est une administration de facto agissant sans légalité interne ni internationale.»
Sur le plan de la légitimité, le portrait de l'Autorité palestinienne n'est guère plus reluisant. Mentionnons pour seul exemple qu'en 2009, alors que séjournait en territoire palestinien occupé une délégation québécoise dont je faisais partie, nous avons reçu des confidences de Palestiniens à propos du discrédit qui afflige M. Abbas. «Entre vous et moi, l'autorité palestinienne est pire que le Hamas [...] Nous subissons une double occupation sous la gouverne de l'Autorité», confiait un jeune Palestinien de Cisjordanie à voix basse par peur de représailles. Ceci sans parler des nombreux intellectuels palestiniens qui accusent M. Abbas d'être responsable de l'intensification de la colonisation et du renforcement de l'occupation en étant «à la solde d'Israël».
Dans ces conditions, les organisations palestiniennes et sympathisantes à la cause palestinienne ont dû mal à se positionner en faveur ou en défaveur de l'initiative. Par ailleurs, plusieurs doutent des réelles intentions de M. Abbas et de son entourage. La Palestine détient déjà un siège d'observateur à l'ONU. C'est l'OLP qui l'occupe; un regroupement d'organisations hétéroclites et parfois conflictuelles que M. Abbas a dû mal à contrôler. En faisant admettre la Palestine comme État, l'OLP sera nécessairement remplacée par l'Autorité palestinienne. S'agit-il là de l'objectif d'Abbas? Certains analystes croient que cette motivation interne ne doit pas être négligée.
Ceci dit, la question de la représentativité des initiateurs du projet d'État palestinien n'explique qu'une partie de l'ambigüité qui existe vis-à-vis celui-ci. Une autre partie a trait à des questions (trop) fondamentales qui restent pour l'instant sans réponses. Car si obtenir un État est un grand accomplissement, il ne faut pas oublier que la lutte des Palestiniens a toujours été celle des droits humains. Or, jusqu'à maintenant, les Palestiniens ne peuvent savoir s'ils obtiendront la reconnaissance de leurs droits. Comme le reste du monde, ils ignorent tout des détails du document.
De quelles frontières exactement parle-t-on? Voilà là un sujet propice à manipulation dans le contexte israélo-palestinien. Quelle définition de la citoyenneté est retenue? Et surtout, est-ce que le libellé du texte adresse la question des huit millions de réfugiés dispersés sur la planète? À cet égard, les Palestiniens chassés de villages qui font aujourd'hui partie d'Israël sont inquiets que leur droit de retour, reconnu par le droit international, ne soit sacrifié par cette initiative dont presque rien n'a été dévoilé.
Qui décide de l'admission d'un État à l'ONU?
Enfin, après avoir souligné les enjeux démocratiques derrière l'initiative de l'Autorité palestinienne, il ne faudrait pas passer sous silence le déficit démocratique du système onusien pris dans son ensemble qui est déjà connu, mais mis en lumière une fois de plus par cette demande de reconnaissance étatique.
Bien qu'elle compte obtenir la faveur de 150 États membres de l'ONU, soit plus des deux tiers des 193 États membres, l'Autorité palestinienne verra son projet mis en échec par la loi des grandes puissances qui prévaut toujours au Conseil de sécurité. Les États-Unis ayant annoncé qu'ils imposeront leur droit de veto à l'admission de la Palestine à l'ONU en tant qu'État, les Palestiniens devraient se tourner ensuite vers l'Assemblée générale. Devant cette instance démocratique de l'ONU, chaque État détient une voix peut importe son poids politique dans le système international, mais les décisions de l'Assemblée générale n'ont pas de force contraignante. Par conséquent, la Palestine devrait y obtenir la reconnaissance étatique sans toutefois être admise tel quelle à l'ONU. Vraisemblablement, le résultat sera un statut d'observateur remanié au profit de l'Autorité palestinienne qui procurera, tout de même, quelques accès supplémentaires pour la Palestine dans le système onusien.
Conclusion
Certes, on ne peut nier que l'initiative de l'Autorité palestinienne ravive la fibre nationaliste de la rue palestinienne et l'espoir des Palestiniens pour un avenir meilleur. Toutefois, compte tenu des attentes créées et surtout des conséquences potentielles de cette initiative pour le peuple palestinien, il est impératif que le processus soit démocratique.
Le printemps arabe a montré au monde que les changements émanent de la volonté populaire. Malheureusement, les Palestiniens ne semblent pas avoir été consultés sur leur vision de la solution avant que le projet ne soit amené devant l'ONU. Une jeune palestinienne de Gaza s'insurgeait dernièrement à ce propos. «Ils ont consulté tout le monde, les Arabes, les Européens mais ils n'ont pas consulté leur peuple», disait-elle. Devant cet état de fait, il n'y a qu'à espérer que le pacte de l'État palestinien n'est pas scellé et que cette initiative représente plutôt le début d'un réel printemps palestinien...

Marie-Christine Ladouceur-Girard
, candidate à la maîtrise en administration publique à l'École nationale d'administration publique
Bachelière en droit international et relations internationales à l'UQAM


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