Comme c'est intéressant (sans être drôle): avec mes étudiants de philosophie, nous étudions présentement ce bon vieux Marx. Plus précisément, nous venons de terminer sa critique incisive du capitalisme. Je constate que les étudiants sont plus allumés qu'on pourrait d'abord le croire, notamment sur la question de l'influence de la classe bourgeoise, propriétaire des grandes entreprises, sur le pouvoir politique.
Puis, je leur demande, lors d'un exercice formatif, si, selon eux, les grands capitalistes du Québec pourraient marcher main dans la main avec une certaine classe politique. Ils me répondent, exemples à l'appui: «Bien sûr Monsieur, regardez le non-recevoir de M. Charest sur la demande unanime des Québécois pour une enquête publique dans le domaine de la construction, ça en dit long»!
Ou encore: «Regardez la question du financement des garderies; le changement du calendrier scolaire qui semble vouloir satisfaire un certain lobby plus qu'autre chose; l'insistance entêtée à vouloir privatiser des ressources naturelles, du mont Orford au projet de port méthanier Rabaska à Lévis; non, vraiment, nous croyons que le gouvernement ne travaille pas toujours dans l'intérêt de la population.»
Et quand ils me disent que le capitaliste gagne et que le citoyen paye, ils savent de quoi ils parlent, mes étudiants qui reviennent d'une manifestation devant les bureaux du premier ministre, chef d'un gouvernement qui leur enlève 35 millions de dollars qu'Ottawa avait enfin consenti à transférer au Québec pour bonifier l'aide financière aux études et pour lesquels les grandes associations étudiantes du Québec s'étaient battues.
Ce que chacun redoute
Et c'est au tour de Marc Bellemare de révéler ce que tout Québécois un tant soit peu lucide redoute depuis des mois, sinon des années: de riches capitalistes, dans les mots de Marx, les «millionnaires de l'industrie, les bourgeois modernes» [Manifeste, 10/18, 1972, p. 20] (mais on peut aussi les appeler certains entrepreneurs en construction, certains propriétaires de garderie, etc.) donnent contre de l'influence.
Et Bellemare de spécifier (en entrevue lundi avec Alain Gravel à Radio-Canada): «C'est certain que ces importants collecteurs-là avaient une influence sur l'agenda législatif du gouvernement.»
Cet ancien ministre qui a démissionné parce qu'il trouvait ce genre de politique «dégoûtante» semble malheureusement confirmer dans leur opinion ces jeunes de 18 ans qui n'ont déjà pas une grande confiance en ceux qui doivent gérer et organiser la société, soi-disant dans leur intérêt. Quelle entrée dans leur vie adulte!
Dans la classe, l'étudiant pouvait lire d'un oeil encore dubitatif ce matin du 12 avril, Marx qui écrit: «Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière.» [Marx, 1972, p.21] Puis, le même soir, laisser tomber ce qui leur reste de confiance quand ils entendent Bellemare confirmer cette triste phrase de Marx.
Un autre coup dur pour la classe politique... et pour la démocratie?
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Frédéric Châtillon - Professeur de philosophie au Collège de Rosemont
De Bellemare à Marx
«Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière.» [Marx, 1972, p.21] Puis, le même soir, laisser tomber ce qui leur reste de confiance quand ils entendent Bellemare confirmer cette triste phrase de Marx.
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