Critiques douteuses à l'endroit de Chavez

17. Actualité archives 2007

Hugo Chavez (Photo Reuters)

Le 28 mai dernier, la société vénézuélienne était le théâtre d'un autre séisme sociopolitique. Cette fois, le sujet de la polémique qui laissera plusieurs policiers et des dizaines de manifestants blessés, est le non-renouvellement du permis d'émission sur fréquence publique de la cinquantenaire Radio Caracas Télévision (RCTV).



La censure, la persécution des journalistes ou la pression exercée sur les médias sont des gestes condamnables peu importe où et quand ils se produisent. Nonobstant, la liberté d'expression reste un principe passablement délicat dont l'exercice ne signifie rien si sa critique ne vise plus à éclairer la population tout en favorisant l'exercice de la démocratie. Avec raison, on qualifie souvent les médias de «quatrième pouvoir»: leur responsabilité, immense, peut facilement se confondre avec la politique. Dans cette optique, la liberté d'expression doit être envisagée comme un droit public et non privé; ce que reconnaissent d'ailleurs l'ensemble des régimes démocratiques.
Voilà pourquoi le Canada s'est doté d'un Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications (CRTC) tout comme le Venezuela compte sur sa Commission Nationale des Télécommunications. De fait, c'est cette commission, et non pas Hugo Chavez (comme trop de médias le laissent tendancieusement croire), qui a refusé de renouveler le permis de la RCTV.
Les événements qui marquent en ce moment la scène politique et sociale du Venezuela doivent s'inscrire dans le cadre de ces considérations. Or c'est loin d'être le cas; une grande partie de la couverture que l'on fait de l'affaire RCTV, en Occident ou en Amérique latine, est non seulement douteuse mais frise carrément la mauvaise foi.
Le débat soulève des passions qui dépassent largement la simple question de la fermeture partielle d'une chaîne de télévision: c'est l'État de Chavez qui est visé, et surtout, son projet d'édifier ce qu'il qualifie de «socialisme du XXIe siècle».
Au nom de cette liberté d'expression, semble-t-il si chère aux pourfendeurs de Chavez, il est donc nécessaire de rectifier le tir. Radio Caracas Télévision n'a rien du média informatif et critique: il s'agit d'un véritable mouvement politique utilisant frauduleusement la liberté d'expression pour se livrer à des actions littéralement subversives. La chaîne se vouait depuis 2001 à une véritable campagne politique anti-gouvernementale et anticonstitutionnelle.
En 2002, elle jouait un rôle actif dans un coup d'État contre un gouvernement démocratiquement élu et un an plus tard, elle coordonnait une grève pétrolière organisée par les forces de l'opposition. Deux exemples de ces efforts répétés de la RCTV pour forcer le gouvernement à démissionner.
Paradoxalement, les médias vénézuéliens, prétendument soumis à un régime totalitaire, ont réussi à faire croire à une grande partie du globe que Hugo Chavez est un véritable dictateur. Pourtant, il y a eu sept consultations populaires en neuf ans au Venezuela, toutes sanctionnées par les observateurs internationaux, qu'il s'agisse de l'ONU ou de l'ex-président étasunien Jimmy Carter. Bien que les urnes ne soient pas les seules garantes de la souveraineté populaire, elles demeurent un indice probant pour mesurer l'état d'une démocratie. Hugo Chavez a non seulement été élu directement au suffrage universel à trois reprises, mais il a aussi remporté un référendum sur sa propre révocation.
Tout comme faire de Chavez un despote est pour le moins contestable, on peut légitimement douter de la bonne foi de ces médias s'indignant librement contre la censure. En outre, ce doute devrait germer en une sérieuse réflexion lorsque l'on apprend qu'une méga-chaîne telle que CNN présente malhonnêtement les dernières manifestations à Caracas sur fond d'images prises au Mexique, question de mousser le scandale.
Environ 903 médias privés sont toujours actifs au Venezuela (sur un total de 908, incluant radio, télévision et presse écrite) et ceux-ci ont pu vilipender à leur guise le gouvernement en place pendant près d'une décennie. L'opposition vénézuélienne, représentée actuellement par une poignée d'étudiants aisés manifestant dans les quartiers riches de Caracas, est parfaitement consciente de la cause qu'elle sert. Et répétons-le, malgré des nobles habits qu'elle revêt frauduleusement, cette cause n'a rien à voir avec la liberté d'expression.
ALEX BOISSONNEAULT
L'auteur est professeur de relations internationales et de commerce à l'Université de San Martin de Porres, au Pérou.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé