Gala des prix Gémeaux

Courage et couardise

Cet hommage dégonflé est une véritable aberration

Par son déni-dédain, la machine canadian trahit sa faiblesse devant la richesse culturelle des Québécois


VLB grogne, et avec raison. Championne de l'indélicatesse et de la couardise, l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision lui a rendu un hommage dégonflé lors du Gala des prix Gémeaux. Elle a manqué de l'élégance élémentaire en claquant la porte à VLB le polémiste, facette pourtant indissociable du prolifique auteur de télévision.
Il faut tourner les prunelles vers la page Idées, ci-contre, pour lire ce que VLB, sacré Grand Prix de l'Académie 2011, aurait dit si on lui avait permis de monter sur scène lors du gala télédiffusé de soirée. Il a bien sûr refusé cette offre de mauvais goût que d'être honoré dans l'ombre — assez fort quand même pour un prix hommage «télé» d'honorer un auteur «télé» sans lui faire place à la «télé»! Sans l'animateur Stéphan Bureau, qui a dénoncé cet «hommage rendu du bout des lèvres», l'affaire n'aurait peut-être jamais été soulevée lors du gala. Évidemment! Il s'agit d'une opération de polissage extrême en accord parfait avec ce que la télévision devient trop souvent: un lieu de convenance et de complaisance, où l'on rabote les éclats et les emportements, même s'ils transpirent de vérité.
Cet hommage dégonflé est une véritable aberration. Si grossière soit-elle, l'erreur a cheminé de l'Académie jusqu'à la mise en ondes du gala par Radio-Canada. Impossible qu'on ne l'ait pas relevée en coulisses; personne n'a eu toutefois le courage de la corriger.
Qu'à cela ne tienne, VLB a du courage pour tous ceux qui en manquent! Ne faut-il pas avoir un certain cran pour avoir songé lire sur scène en guise de réponse à un prix hommage télé un texte intitulé «J'aime moins la télévision qu'avant»? Qu'y a-t-il de si irrévérencieux à relever les vices d'une télévision moderne qui l'ennuie et l'exaspère, comme VLB le fait avec des mots qu'il assume totalement même s'ils choquent? Hélas! Voilà l'une des manies de cette télé hyperconformiste qui ne veut plus déranger; elle dénonce la pratique du politically correct, mais, chez elle, rien ne doit dépasser du jupon. Radio-Canada, ô intouchable institution, ne tolère pas trop bien la critique...
La polémique, VLB l'a fort bien compris, permet pourtant très souvent d'avancer, si l'on prend garde de ne pas s'y noyer. «L'art du polémiste, c'est de frapper sur le bon clou, d'y frapper assez fort pour qu'il s'enfonce, pour qu'on soit obligé de parler du problème plus profondément», confiait l'auteur dans une longue entrevue accordée pour la série Contact. As de la démesure, VLB a dénoncé les travers de l'édition — dans Le Devoir, il a écrit que les «jeunes auteurs écrivent platement» — et ceux de la télévision — toujours chez nous, il a tenu une chronique de téléphage enragé pendant les années 1980; il a publié un brûlot contre la gouverneure générale, qu'il a qualifiée de «Reine-Nègre»; il a menacé de brûler son oeuvre, exaspéré par la schizophrénie du Québec.
Ces envolées ont-elles occulté l'image de l'auteur, ne laissant plus place qu'à l'impertinence du polémiste? Si l'Académie voulait honorer samedi le riche auteur qu'a été VLB, elle devait laisser place à l'entièreté du personnage, polémiste compris, et lui laisser la télé... Mais encore fallait-il pour cela avoir compris le sens du mot courage.


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