Coronavirus : pourquoi la récession économique sera plus grave que prévu

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De nombreuses entreprises ne s'en remettront pas

L’annonce de la fin du confinement le 11 mai par le président de la République donne de nouvelles perspectives concernant l’impact du coronavirus sur l’activité. Les économistes peuvent désormais plancher sur une période de baisse qui s’étalera à un jour près sur huit semaines de confinement. Une période où l’activité économique se sera réduite de 36%, estime pour l’instant l’Insee. Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a déjà fait savoir ce mardi 14 avril que le gouvernement prévoyait un recul de 8% du PIB en France pour 2020.


Mais cette prévision s’avèrerait optimiste, à en croire une note du 8 avril de l’économiste indépendante Véronique Riches-Flores, qui tablait déjà dans un de ses scénarios sur un confinement de huit semaines. En s’appuyant sur les estimations du PIB français publiées par la Banque de France, qui donnent une contraction du PIB au 1er trimestre 2020 de 6%, l’économiste prévoit que le PIB annuel baisserait de 13% en 2020. Pour ce faire, elle a pris en compte un peu plus de "huit semaines de confinement (du 17 mars au 15 mai), suivies d’un retour vers 90% du PIB d’avant crise en septembre" qui se maintiendrait jusque la fin de l’année. Un retour tardif qui "trouve sa justification dans la proximité de la fin du confinement avec la période estivale".


"Apparemment très négatif", ce scénario d’une baisse du PIB de 13% en 2020 "pourrait être plus réaliste que nous ne le soupçonnons aujourd’hui", estime l’économiste. Compte-tenu, "tout à la fois des conséquences de l’extension de l’épidémie au reste du monde sur la reprise européenne et de la difficulté à envisager une réponse de politique économique d’envergure suffisante en Europe", justifie-t-elle.


En outre, l’hypothèse d’un retour à 90% de l’activité pour la fin d’année n’est pas fantaisiste. Le tourisme, par exemple, ne reprendra pas totalement de sitôt. Dans un secteur dont l’excédant commercial s’élève à 16,5 milliards d’euros, les professionnels ne s’attendent pas à retrouver leur activité normale avant l’année prochaine étant donné l’atonie à venir du tourisme international.


Le 9 avril, l’Insee rappelait en outre que "la reprise de l’activité prendra du temps, du fait de contraintes d’offre (reprise progressive selon les secteurs, problèmes d’approvisionnement, déconfinement partiel etc.) comme de demande (baisse probable du revenu des ménages et des entreprises, climat d’incertitude, reprise asynchrone des autres économies etc.)". Dans le commerce, dont l’activité a chuté de 56%, l’hébergement-restauration (-90%) dont les fermetures d'établissement seront prolongées au-delà du 11 mai, ou la construction (-88%), les difficultés économiques laisseront des traces indélébiles. De même dans l’industrie pour des entreprises spécialisées dans la fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques, et de machines (-73%), ainsi que dans la fabrication de matériels de transport (-61%). Celles-ci sont "affectées tout à la fois par la diminution de la demande nationale et internationale, par les difficultés d’approvisionnements et l’indisponibilité de la main-d’œuvre", explique l’Insee.


De fait, beaucoup ne pourront pas récupérer les revenus perdus. Dès lors, "les entreprises les plus fragiles ne pourront éviter la cessation d’activité", pense l’économiste Michel Didier, président du comité de direction de Rexecode. D’autres vont connaître de lourdes pertes d’exploitation, et "il est très probable qu’à court terme les entreprises révisent en baisse ou reportent des projets d’investissement, puis resserrent les coûts", ajoute-t-il. Autant d’activité en moins.


Et pour ne rien arranger, il y a à craindre de nouvelles chutes sur les marchés financiers - qui se sont pourtant redressés ces derniers jours - avec des risques destructeurs de transmission à l’économie réelle. En effet, "l’indice CAC 40 est tout juste revenu sur sa moyenne de long terme pour l’instant, ce qui semble très éloigné, toutes choses égales par ailleurs, du choc économique envisageable, quoi qu’il en soit du degré d’incertitude en place", estime Véronique Riches-Flores.


Or, les prévisions économiques qui tablent sur une lourde récession "incitent indiscutablement à envisager que le regain de confiance dont font preuve les investisseurs ces derniers jours soit particulièrement risqué". Bref, les évolutions sur les marchés financiers sont "a priori peu compatibles avec ce que nous raconte la situation économique en présence". On n’est donc pas au bout de nos surprises…