Confinés, les Français pensent qu’on leur ment

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Ils ont bien raison


Il y a Quentin, qui tourne en rond dans un appartement de 30 m2 sans balcon. Alice et Samuel, coincés dans 65 m2 avec leurs garçons de 9 et 19 ans. Valérie, qui vit seule avec son ado de 14 ans. Sophie, qui n’est pas sortie de chez elle depuis le 8 mars. François, cloîtré dans 50 m2 avec sa conjointe et leur fille de 5 ans.


Le confinement n’est pas évident pour les Français, à plus forte raison pour ceux qui vivent dans tout petit. Si vous avez déjà vu des appartements parisiens, parfois pas plus grands qu’une salle de bain nord-américaine, vous saurez de quoi on parle.


Pour éviter de « péter un plomb », chacun s’adapte comme il peut. Sophie sort sur sa terrasse où « la vue de Paris est très belle ». François va faire le tour du pâté de maisons avec sa petite, « parce que tous les parcs sont fermés ». Valérie en profite pour socialiser avec ses voisins. Alice va taper le ballon avec son fils dans la cour intérieure « pour laisser [s]on mari travailler ». Quant à Quentin, il va faire l’épicerie pour ses amis qui ont été contaminés par la COVID-19.


Tous ont toutefois ceci en commun : ils sont « très énervés » par la façon dont l’exécutif français gère cette crise sanitaire. « Se confiner, d’accord, mais il y a quand même des trucs que je trouve scandaleux », résume Valérie.


 

Le mécontentement est une vieille tradition française. Un réflexe transformé en art majeur. Il ne fallait pas s’attendre à ce que ce soit différent en temps de pandémie.


Si le confinement est accepté de bonne grâce, beaucoup reprochent au gouvernement son manque d’anticipation, de cohérence et de transparence.


On l’accuse d’avoir maintenu le premier tour des élections municipales, le 14 mars, alors que l’épidémie était déjà bien implantée dans l’Hexagone. On lui reproche de ne pas s’être engagé plus tôt dans des dépistages massifs. D’avoir réagi tardivement, alors que l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, jure avoir tiré la sonnette d’alarme dès janvier. On le soupçonne, enfin, d’avoir dissuadé les Français de porter des masques de crainte de provoquer une pénurie.


« Giletjaunisation »


La grogne s’est propagée sur les réseaux sociaux, où l’on assiste depuis quelques semaines à une grosse mobilisation virtuelle, sous le mot-clic #ilssavaient. Certains experts ont parlé d’une « giletjaunisation » de la crise, d’une aggravation de la fracture sociale, d’un ras-le-bol général face à l’incompétence et la mauvaise communication du gouvernement.


Les sondages vont dans le même sens. Une enquête IFOP, dévoilée ce matin par le Journal du dimanche, révèle que seulement 38 % des Français font confiance au gouvernement pour faire face efficacement au coronavirus. Les trois quarts des Français estiment par ailleurs qu’on leur a « menti » au sujet des masques (sondage Odoxa paru jeudi), tandis que 63 % pensent qu’on leur « cache des choses », selon une enquête Opinionway du 30 mars.


Autant de signaux négatifs pour Emmanuel Macron, qui se démène pourtant sur tous les fronts. La cote du président est récemment remontée dans les sondages, mais son niveau de popularité, historiquement bas avant la crise, demeure très faible (38 %).


Il faudra voir, en outre, comment le chef de l’État parviendra à se redéfinir au sortir de la crise. Son discours néolibéral sera-t-il aussi bien reçu dans un monde post-COVID-19 ? Rien n’est moins sûr, estime le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF).


« On voit bien qu’il aura une immense difficulté à se reconvertir. Comment celui qui voulait incarner l’ouverture de la France, la mondialisation, pourra-t-il se muter en président de la souveraineté nationale ? C’est aussi très difficile d’avoir un message d’unité, quand on a engagé des réformes qui ne faisaient pas consensus dans l’opinion. Pour le storytelling, ce n’est pas évident. » 




Je sens qu’il va avoir une grande difficulté à se reconvertir. Et s’il se reconvertit, est-ce que cela veut dire qu’il a fait fausse route avant ? Ce sera pour lui un bel exercice de communication.



Bruno Cautrès, politologue



Samedi, la France comptait plus de 13 000 décès, pire bilan d’Europe derrière l’Italie (19 000) et l’Espagne (16 000).


Dans un discours télévisé prévu lundi soir, Emmanuel Macron doit annoncer le prolongement du confinement au-delà du 15 avril. La Ville de Paris a de son côté serré la vis cette semaine, en interdisant la course à pied entre 10 h et 19 h.


« Il y avait beaucoup trop de monde dans les rues », a justifié la maire, Anne Hidalgo.


Des chips, un Coke ou… un masque ?


L’Autriche est devenue, cette semaine, le premier pays d’Europe à amorcer le long processus du déconfinement. Les petits commerces pourront recommencer à ouvrir à partir du 14 avril, puis les autres magasins, et éventuellement les restaurants, au mois de mai.


Le chancelier Sebastian Kurz a évoqué une « remise en marche par étapes », tout en rappelant que la plupart des restrictions demeuraient en place.


5000 $ : En Autriche, le port du masque reste notamment obligatoire dans les supermarchés et s’étend même désormais aux transports publics, sous peine de sanctions allant jusqu’à 3600 euros (plus de 5000 $).


Si la population accepte globalement cette contrainte, certains médias ont cependant dénoncé l’opportunisme des 2500 supermarchés du groupe Rewe (Billa, Merkur, Bipa, Adeg), qui ont choisi de vendre les masques plutôt que de les distribuer gratuitement.


Fait cocasse : les masques en question sont offerts dans des machines distributrices, semblables à celles que l’on trouve dans nos cafétérias. Sauf qu’au lieu du Coke et des tablettes de chocolat, on peut y obtenir des paquets de trois masques à 3 euros (5 $), ou de meilleurs modèles à 15 euros (22 $) et 25 euros (38 $). Le groupe Rewe assure toutefois que les masques sont vendus au prix de gros et que ses supermarchés ne font aucun profit. À Vienne, des distributeurs de masques ont aussi été installés dans les stations de métro, nous confirme par ailleurs un journaliste travaillant pour la télévision publique autrichienne.


L’Autriche ne compte officiellement que 13 400 infections et 319 morts liées au coronavirus. Selon une étude rendue publique vendredi, le pays compterait cependant deux fois plus de cas d’infection que ne le laissent penser les tests de dépistage effectués jusqu’ici.


En Belgique, on baisse la garde ?





PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE


Samedi, à Bruxelles, en voyant les parcs et les glaciers pris d’assaut, on avait quasiment l’impression que la situation était revenue à la normale.





Le déconfinement n’est pas officiellement commencé en Belgique, mais avec le printemps qui s’installe, beaucoup ont décidé de prendre les devants. Samedi, à Bruxelles, en voyant les parcs et les glaciers pris d’assaut, on avait quasiment l’impression que la situation était revenue à la normale. Le nombre de morts continue pourtant d’augmenter au pays, avec pas moins de 500 nouveaux décès vendredi. Le Québec sera-t-il plus discipliné au retour des beaux jours ?





PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS


En Hongrie, des élus ont vanté les vertus de la pálinka locale, pour lutter contre le coronavirus.





Pálinka contre corona


En manque de gel désinfectant ? Pourquoi ne pas faire comme en Hongrie, où des élus ont vanté les vertus de la pálinka locale, pour lutter contre le coronavirus. Cette eau-de-vie artisanale ne sera pas, cette fois, destinée à être bue. On la distillera à 70 %, puis la mélangera avec de la lavande et de la glycérine pour faire du désinfectant. Rien ne se perd, rien ne se crée. Tout se réinvente. 


Source : Courrier international




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