Commission Charbonneau - 2,7 millions $ pour le PRO des Lavallois

L’ultime responsable de la collusion et de la corruption à Laval porte un nom : Gilles Vaillancourt.

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Vaillancourt, ultime responsable de la corruption à Laval ? Peut-être. Mais certainement pas le seul


L’ultime responsable de la collusion et de la corruption à Laval porte un nom : Gilles Vaillancourt.
L’ex-maire, accusé d’avoir dirigé un gang criminel formé des anciens fonctionnaires Claude Asselin et Claude Deguise, était à ce point impliqué dans la collusion qu’il demandait à un collecteur de ristournes, Roger Desbois, qui étaient « les meilleurs et les pires payeurs » pour le bénéfice de son parti. Grâce au travail du facilitateur Desbois, le PRO des Lavallois a empoché des dons illégaux de 2,7 millions de dollars de 2003 à 2009. « Tous ces montants collectés étaient pour le PRO des Lavallois », a dit M. Desbois, mardi, à la commission Charbonneau.
Les sommes correspondent à une ristourne de 2 % sur la valeur des contrats de construction accordés à 20 entreprises. Les plus gros joueurs du cartel étaient Simard Beaudry et Louisbourg, deux firmes appartenant à Tony Accurso. « Il [Gilles Vaillancourt] était au courant du rôle que je jouais. Il m’a dit simplement en ces termes : “ Donne-les pas tous au même” », a relaté M. Desbois. M. Vaillancourt s’est aussi assuré que M. Desbois rétribue les fonctionnaires Gaétan Turbide et Jean Roberge (les actuels numéros 1 et 2 de la fonction publique lavalloise) dans cette culture généralisée de pots-de-vin et de ristournes. Sur instruction du maire, l’ingénieur a versé 20 000 $ à M. Roberge et de 110 000 $ à 130 000 $ à M. Turbide.
La commission Charbonneau a mis des mois avant de mettre en cause le président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, dans le volet de ses travaux portant sur Montréal. Dans le cas de Laval, elle est remontée jusqu’à l’ex-maire Vaillancourt dès la présentation de son deuxième témoin, Roger Desbois.
L’ingénieur à la retraite de Tecsult (aujourd’hui AECOM) a collaboré à l’enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) sur Laval. Son nom figure sur la liste des coconspirateurs, mais il n’a pas été accusé.
Mine de rien, M. Desbois a impliqué dans des malversations 18 des 37 accusés du projet Honorer. Il s’agit de 13 entrepreneurs, de l’ex-maire Vaillancourt, des ex-fonctionnaires Claude Asselin et Claude Deguise et des avocats Jean Bertrand (l’agent officiel du PRO des Lavallois) et Pierre L. Lambert (un associé de Dunton Rainville).

À coup de millions
Roger Desbois n’est pas l’instigateur de la collusion et de la corruption à Laval. Il n’est qu’un rouage, parmi tant d’autres, qui a été appelé à prendre la relève de son patron, Marc Gendron, lorsque celui-ci a pris sa retraite en 2002.
M. Desbois a accepté à reculons de collecter les ristournes de 2 % auprès des entrepreneurs en construction pour « dépanner » Tecsult (rachetée par AECOM en 2008). La firme réalisait le quart de son chiffre d’affaires à Laval. Le directeur général de la Ville, Claude Asselin, l’a prévenu que la part de marché de Tecsult fonderait à 15 % s’il refusait de reprendre le rôle laissé vacant par le départ de M. Gendron.
L’ingénieur entreposait les enveloppes brunes dans la voûte de Tecsult. Il attendait d’avoir au moins 200 000 $ en sa possession, parfois même 400 000 $, avant d’effectuer ses livraisons à ses interlocuteurs du PRO, deux avocats associés de longue date au parti. Il a remis 700 000 $ à l’agent officiel, Jean Bertrand, et deux millions à Pierre L. Lambert, un associé de Dunton Rainville. Le cabinet a obtenu des contrats de plus de 25 millions à Laval en 12 ans.
M. Desbois bénéficiait de l’aide de Claude Deguise. L’ex-directeur général de l’ingénierie lui remettait des listes de projets avec des « x » à côté des entrepreneurs impliqués dans le partage des contrats. « Je devais collecter auprès de ces entrepreneurs », a dit M. Desbois.
Après le départ de M. Deguise en 2008, M. Desbois s’est heurté à un manque de collaboration de la part de son successeur, Jean Roberge. Il a donc cumulé les tâches de collecte des ristournes et de partage des contrats jusqu’à ce qu’il mette fin à ses activités illégales, en novembre 2009, par crainte de tomber dans les filets de l’escouade Marteau. « Je trouvais ça dangereux », a-t-il dit.
Au départ, il n’éprouvait aucun malaise à collecter des ristournes, une fonction qu’il a décrite avec banalité. « Je ne sentais pas de gravité à accepter ce poste », a-t-il dit. En 2002, la collusion et la corruption ne faisaient pas partie de ses préoccupations. « Je n’étais pas sensibilisé à ça. Je vous dis la vérité », a-t-il insisté.

Négociations au sommet
Roger Desbois a négocié directement avec le maire Vaillancourt sa commission pour son travail. Il espérait 5 %. Le maire lui a proposé 7,5 %, une offre qu’il a aussitôt revue à la hausse, pour lui dire : « Prends 10 %. »
M. Roberge a ainsi mis de côté 106 200 $ pour lui-même dans la voûte de Tecsult. Il a remis 81 000 $ aux enquêteurs de l’escouade Marteau. Les entrepreneurs se sont également montrés généreux, lui offrant séparément des pots-de-vin d’une valeur totale de 400 000 $ au fil des ans. C’est l’équivalent d’une commission de 8 à 10 % sur les extras qu’il accordait aux entrepreneurs membres du cartel sur les chantiers de la Ville. Encore là, le témoin a remis 300 000 $ aux enquêteurs.
À lui seul, l’ingénieur à la retraite a fait une remise totale de 381 000 $, sur des pots-de-vin de 506 200 $. Fait à souligner, l’UPAC a saisi, lors du projet Honorer, un total de 495 000 $ en liquide. L’essentiel des saisies auraient donc été réalisées grâce à un seul homme, Roger Desbois.
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Non à Chevrette
La commission Charbonneau a débouté l’ex-ministre des Transports, Guy Chevrette, sur toute la ligne. Elle lui refuse le statut de participant, elle refuse de devancer son témoignage et elle refuse enfin que ses avocats (et ceux de son ami, Gilles Beaulieu) interrogent le collecteur de fonds Gilles Cloutier. La commission estime que M. Chevrette ne sera pas en mesure de contribuer à l’avancement des travaux. Son intérêt se limite à un désir de rétablir sa réputation, après que M. Cloutier l’eut impliqué dans le versement d’un pot-de-vin de 100 000 $. M. Cloutier a déclaré avoir remis une première tranche de 25 000 $ à M. Beaulieu, sachant que le bénéficiaire était l’ex-ministre péquiste. La commission reconnaît que des réputations peuvent être écorchées par ses travaux, mais elle entend conserver la pleine maîtrise de son agenda. M. Chevrette sera entendu à une date ultérieure.


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