Chronique d’un retrait annoncé

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«Inconstance chronique sur des questions fondamentales»

Jean-François Lisée jongle avec les mots comme d’autres respirent. La chose lui est vitale. Son problème, c’est qu’à force de trop jongler, elle lui est devenue fatale. Autopsie de son retrait hâtif de la course à la chefferie.
M. Lisée jure se retirer pour cause de couronnement inéluctable de Pierre Karl Péladeau – un constat partagé par les analystes. La vraie cause de son retrait est pourtant ailleurs: ses appuis rarissimes au sein même du Parti québécois le destinaient à une fin de course particulièrement humiliante.
Est-il puni pour avoir qualifié les actions de PKP chez Québecor de «bombe à retardement»? Ou pour avoir fait croire qu’il aurait «démissionné» du gouvernement Marois si la charte des valeurs n’était pas modifiée?
La réalité est que même avant ses premières salves, les sondages lui donnaient à peine 2 % d’appuis auprès des sympathisants péquistes. Bref, comment expliquer que, à l’instar d’Icare, la «star montante» du sérail péquiste se soit brûlé les ailes aussi brutalement?
La chute
Bien connaître le PQ, c’est savoir que sa chute était écrite dans le ciel. Le «problème» Lisée commence dès 1996 lorsque, comme Jacques Parizeau, Lucien Bouchard le prend comme conseiller. M. Lisée épouse alors avec enthousiasme tous les «virages» de son nouveau patron.
Résultat: il sera associé de près à la mise en veilleuse de l’option souverainiste sous M. Bouchard et à son refus de renforcer la loi 101 malgré de nouveaux reculs du français. Chez les militants, la méfiance s’installe envers l’influent conseiller.
En 2000, après son départ, il signe Sortie de secours, un ouvrage dans lequel il propose le fédéralisme renouvelé comme substitut à la souveraineté. En 2007, il signe Nous. Il y présente dorénavant le «virage» identitaire comme la nouvelle alternative à la souveraineté.
Un différend réel
Bref, par son inconstance chronique sur des questions fondamentales, M. Lisée aura lui-même creusé le fossé qui, au fil des ans, finirait par le séparer de plus en plus des militants. Pour plusieurs, ses dernières salves ne sont d’ailleurs que le symptôme d’un problème qui ne date pas d’hier.
Son échec auprès des militants ne tient donc pas tant à son côté narcissique ou à un anti-intellectualisme ambiant. Il découle d’un différend réel sur le fond des choses. Lorsqu’il appelle encore le PQ à ne pas sacrifier le «pouvoir» pour son option, il confirme la rupture.
Les péquistes savent que leurs 20 dernières années de flou sur l’essentiel leur ont coûté la chute du Bloc et leur propre descente jusqu’à la défaite cinglante du 7 avril dernier. Ils savent que M. Lisée en fut l’un des principaux artisans.
Ils savent aussi qu’il ne leur reste que deux voies: 1) S’entêter dans la gouvernance nationaliste; 2) Se faire résolument indépendantiste.
Si l’air est au couronnement, c’est parce qu’une part substantielle de la base péquiste, à tort ou à raison, voit en PKP l’espoir de prendre la deuxième voie. C’est aussi pourquoi les appuis ont tant manqué à Jean-François Lisée.


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