Charest n'est pas Bourassa

Sondage: le récent budget est perçu comme l'événement marquant du bilan

JJC - chronique d'une chute annoncée

Alec Castonguay - Après toutes ces années ponctuées de hauts et de bas, comment les Québécois perçoivent-ils le bilan du gouvernement libéral? Peut-on déjà tracer un héritage en devenir, des événements marquants? Un sondage Léger Marketing-Le Devoir tente de déceler les lignes de force.
Hier soir, à l'ouverture du congrès du Parti libéral du Québec qui se déroule toute la fin de semaine à Saint-Hyacinthe, les militants ont réservé un hommage senti à leur ancien chef, Robert Bourassa. On soulignait le 40e anniversaire de son premier gouvernement, en 1970.
Le hasard aura voulu que le gouvernement de Jean Charest fête lui aussi son arrivée au pouvoir cette semaine, lui qui a été élu il y a sept ans, le 14 avril 2003.
Dans 20 ans, comment Jean Charest sera-t-il perçu par rapport à l'héritage de Robert Bourassa? Il est trop tôt pour le dire, évidemment. Mais on constate dans notre sondage que les Québécois estiment beaucoup Bourassa. La côte sera abrupte.
Pas moins de 30 % des 1000 répondants placent le politicien aux lunettes carrées noires au premier rang des meilleurs premiers ministres depuis 25 ans, devant Lucien Bouchard (22 %), Jacques Parizeau (14 %) et Bernard Landry (10 %). Jean Charest récolte 7 %. Cela n'étonne pas Christian Bourque, vice-président de Léger Marketing. «La portée historique de Bourassa est grande. Il a des réalisations importantes à son actif, comme la Baie-James», dit-il.
Même son de cloche chez Christian Dufour, politologue à l'ENAP, à qui nous avons soumis le sondage. «Charest va laisser quoi derrière lui? C'est la grande question et c'est le danger qui guette son héritage. Il manoeuvre à la petite semaine, sans projet mobilisateur, et ça paraît dans ce que les gens pensent de son bilan», dit-il.
En effet, le coup de sonde n'est pas rose, même s'il n'est pas complètement noir. Visiblement, les six derniers mois houleux du gouvernement pèsent dans la perception des Québécois. «En politique, le temps est très important. Les gens ont une mémoire à court terme», affirme Christian Bourque. Précisons toutefois que le sondage a été réalisé entre le 5 et 8 avril dernier, soit avant les révélations de Marc Bellemare, mais après la grogne du budget. La marge d'erreur est de 3,1 %, 19 fois sur 20.
N'empêche, tracer un bilan, un contour d'héritage, dans la tourmente actuelle, est un exercice à haut risque. Après tout, le mandat de Jean Charest est loin d'être terminé et la perception des Québécois va évoluer.
C'est vrai, confirme le sondeur, mais pas entièrement. «Ce n'est pas certain que les événements récents vont être oubliés par la population, dit M. Bourque. C'est sans précédent, ce qui se passe. L'insatisfaction atteint un record et la crédibilité du premier ministre est atteinte. Bien sûr, la colère finit par s'atténuer, mais ça pourrait durablement marquer la perception des Québécois envers les années Charest.» Pour l'instant, 70 % des répondants font un bilan «plutôt négatif» ou «très négatif» des sept dernières années, alors que 27 % voient le tout d'un oeil «plutôt positif» ou «très positif».
L'événement marquant: le plus récent budget
Au-delà des allégations de corruption dans le milieu de la construction — qui arrivent deuxième avec 24 % —, quel a été l'événement ou le dossier marquant des années Charest? Les Québécois répondent qu'il s'agit du plus récent budget
(28 %), qui marque une rupture dans la manière de gérer la fiscalité du Québec.
Certains aiment ce budget, d'autres non, ce qui le hisse au sommet des événements marquants, soutient le politologue Christian Dufour. «Un gouvernement avec plus de crédibilité aurait eu plus de facilité à vendre ce tournant majeur», dit-il. Le sondeur Christian Bourque ajoute: «Il y a deux budgets marquants dans les 15 dernières années, celui du déficit zéro de Bouchard et celui que vient de présenter Charest.»
Le dossier du CHUM (10 %), les défusions municipales (6 %) et l'élimination du déséquilibre fiscal (4 %) suivent dans l'ordre. Fait à noter, les trois premiers rangs sont les mêmes pour les électeurs fidèles au PLQ. Seul le règlement du déséquilibre fiscal passe avant les défusions chez les libéraux. La plupart des faits marquants «représentent des échecs ou des dérapages», remarque Christian Dufour. «C'est assez significatif d'un gouvernement qui ne semble pas en contrôle de ce qui se passe.» Le développement des éoliennes et le Plan Nord arrivent plus loin dans la tête des Québécois.
Forces et faiblesses
Un premier ministre doit gérer une foule de dossiers. Dans quel domaine les Québécois estiment-ils que Jean Charest a le mieux fait? Les relations internationales arrivent en tête de peloton (14 %), suivies de la protection de l'environnement (10 %), des relations fédérales-provinciales (10 %) et de l'économie
(9 %). Pas moins de 42 % ont dit ne pas savoir quoi répondre ou ont refusé de le faire. «C'est assez clair pour tout le monde que Charest fait un bon travail à l'étranger. Il aime ça et ça paraît», dit M. Bourque.
Les électeurs libéraux estiment plutôt que c'est la gestion de l'économie qui a été le point fort de leur premier ministre(25 %), suivie des relations fédérales-provinciales. «La marque de commerce des libéraux, c'est l'économie, dit Christian Bourque. On voit que les électeurs du PLQ sont encore là en grande partie pour cette raison, ce qui joue dans les résultats.»
Dans quel domaine a-t-il le moins fait bonne figure? La santé ressort nettement du lot (38 %). «Je ne suis pas surpris. C'est un sujet casse-gueule pour tous les premiers ministres, pas seulement Charest», dit Christian Bourque. La gestion des finances publiques arrive au deuxième rang (26 %), suivie de sa performance dans le réseau de l'éducation (8 %). Les électeurs fidèles au PLQ ont choisi les mêmes dossiers, dans le même ordre.
Mais en bout de piste, le bilan est-il aussi négatif que les gens semblent le croire? Christian Bourque nuance. «Oui, c'est négatif, mais tout n'est pas noir. Sinon, les libéraux n'auraient pas été réélus avec un gouvernement majoritaire en 2008.»


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