Cette terrible jeunesse russe. La «génération Poutine» «achève» l'Occident

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Au grand dam de Washington, la jeunesse russe soutient Poutine

The Wall Street Journal aux USA, The Australian en Australie et The Daily Telegraph au Royaume-Uni ont publié presque en même temps des articles portant le même message: «La nouvelle génération russe ne choisit pas les iPhone mais Poutine. C'est une horrible génération, sur laquelle ne reposent plus beaucoup d'espoirs».


Visiblement, ces rédactions ont reçu la même consigne. On imagine que l'idée était de publier des articles pour raconter comment les «poutinagers» (contraction de "Poutine" et "teenager" désignant les adolescents de la génération poutinienne) allaient renverser le président russe. Mais tout est allé de travers dans le processus d'analyse de la nouvelle génération d'électeurs russes.


Ces «poutinagers», à l'exception de quelques marginaux pro-occidentaux, n'ont pas du tout plu aux chercheurs occidentaux. Il faut croire qu'il existe un certain lien entre le processus de familiarisation des «partenaires» occidentaux avec les jeunes russes et leur approche de la politique médiatique antirusse.




Auparavant, dans la plupart des cas, les opposants de la Russie essayaient de suivre le principe classique de la propagande américaine datant de l'époque de la Guerre froide, qui consistait toujours à diviser et à opposer le peuple et son gouvernement, en soulignant l'oppression et la servitude des citoyens qui aspiraient à être libérés des dirigeants «tyranniques et cruels» soviétiques, puis russes. Cependant, on assiste aujourd'hui à une sorte de retour à des formats plus précoces et primitifs de propagande, c'est pourquoi les Russes sont souvent diabolisés «en bloc» sans distinction entre ceux qui dirigent et ceux qui votent.



Visiblement, ils croyaient possible de dresser la population contre le gouvernement et de faire participer la jeune génération, qui a grandi selon un «régime» médiatique douteux entre publications sur les réseaux sociaux, visionnage de films hollywoodiens et vidéos virales sur YouTube. Ces espoirs ont été activement réchauffés par la «communauté d'experts» composée des émigrés politiques — de Masha Gessen à Evgueni Tchitchvarkine — ainsi que de nombreux activistes antiétatiques en Russie même. L'espoir que la nouvelle génération suivra la voie du Maïdan et voudra «troquer sa patrie contre la possibilité de se sentir européenne» est justifié dans une certaine mesure. Dans plusieurs pays, de l'Égypte à l'Ukraine, la jeunesse a été l'une des locomotives des processus politiques destructeurs activement alimentés de l'extérieur.


Dans le cas de la Russie s'est produite une fracture littéralement catastrophique, mais très révélatrice.


Comme le rapporte le Wall Street Journal, selon les sondages du centre Levada, le taux d'approbation de Vladimir Poutine est le plus élevé précisément parmi les jeunes de 18 à 24 ans (86%), ce qui anéantit les stéréotypes américains sur ce qu'ils pensaient des «jeunes russes qui ont grandi à l'époque de l'internet». Les journalistes américains ont réalisé une série d'interviews avec ces jeunes russes et notent qu'ils apprécient les opportunités que leurs parents n'avaient pas, et sont très sceptiques quant aux révolutions — préférant les améliorations progressives.



«La popularité de Poutine est incontestable, particulièrement parmi les jeunes», constate le fleuron de la presse australienne The Australian. «La génération Poutine est plus active et plus pro-Kremlin que ses parents», déplore le quotidien britannique The Daily Telegraph.


Progressivement, les partenaires occidentaux commencent à comprendre que Poutine n'est pas un hasard historique mais une logique historique. Et tout ce qu'ils n'apprécient pas chez Poutine, en réalité, ne le concerne pas vraiment en tant que politicien et personnalité politique, mais s'applique à tous les Russes dans l'ensemble. Pendant très longtemps, les experts occidentaux considéraient le dirigeant russe comme l'incarnation du ressentiment d'une génération qui n'arrivait pas à oublier le traumatisme de l'effondrement de l'URSS. Mais il devient clair à présent que Poutine est le porte-parole des valeurs et des idéaux partagés par les Russes de tout âge. Certains Occidentaux espéraient que la renaissance et l'activation de la Russie sur la scène internationale était un phénomène temporaire et qu'il suffisait d'attendre qu'il passe. Maintenant, il s'avère qu'on ne peut plus attendre un nouvel échange selon la formule «le pays en échange des jeans». Ce qui provoque un ressentiment franc.


A la passion traditionnelle des politiciens et des médias occidentaux pour la diabolisation de Poutine s'ajoute peu à peu la disposition, voire le désir de blâmer tous les Russes. Parmi les exemples récents on pourrait rappeler la déclaration d'Alexander Pechtold, de l'un des partis néerlandais au pouvoir Démocrates 66, qui a décidé d'une manière originale de justifier le mensonge du ministre Halbe Zijlstra impliqué dans un scandale. Ce dernier, souvenez-vous, avait reconnu ensuite qu'il avait menti pendant plusieurs années concernant son entretien avec Poutine et qu'il avait personnellement entendu le président russe parler de ses plans baltes. Alexander Pechtold avait terminé son discours de soutien par la phrase suivante: «Je n'ai encore rencontré aucun Russe qui corrigeait lui-même ses erreurs». Le politicien n'aurait certainement pas eu le courage ni l'insolence de dire la même chose à l'égard d'un autre groupe ethnique. Cette triste tendance est devenue trop flagrante pour être ignorée.


A première vue, il pourrait sembler que passer de la machine de propagande à la diabolisation totale de tous les Russes est une démarche purement irrationnelle. Mais cette stratégie a ses avantages. Déjà, il est bien plus pratique et efficace d'intimider les observateurs occidentaux en parlant des «Russes dans l'ensemble» et des «ambitions impériales millénaires de la Russie» que de se concentrer uniquement sur Poutine.



Or les opposants ont encore une chance d'appuyer sur le point faible unique de notre civilisation: la volonté d'être «bons». L'URSS ne s'est pas effondrée à cause de la trahison des élites, de l'échange du pays contre 300 sortes de saucisson et des complications économiques, mais également parce qu'une certaine partie de la société avait cru que collectivement ils pouvaient et même devaient «devenir bons» aux yeux de ce qu'on appelle le «monde civilisé».



Il est tout à fait possible qu'aujourd'hui, ce soit précisément pour reproduire un succès aussi agréable pour l'Occident que celui de la Guerre froide qu'on suggère aux Russes et surtout aux jeunes d'avoir honte et de se repentir pour tout — important ou pas, réel ou illusoire. Pour la victoire dans la Grande Guerre patriotique et pour l'empoisonnement de Skripal, pour le programme de dopage de Rodtchenkov et pour le comportement de Poutine, pour Gazprom et pour les «ambitions impériales millénaires de la Russie», pour toutes les rancunes historiques des pays baltes limitrophes et ainsi de suite. C'est pourquoi les Russes, en tant que société, doivent tout simplement expliquer à leurs jeunes concitoyens qu'avec les Russes tout va bien et qu'ils ne doivent rien à personne. Qu'il faut opposer un refus ferme à ceux qui souhaitent leur inculquer un sentiment national de culpabilité et leur suggérer de se regarder dans le miroir pour y voir les millions de corps de civils libyens et irakiens, les cendres d'Odessa et même plus loin — jusqu'aux mains coupées des esclaves des plantations belges de caoutchouc. Il est préférable que la nouvelle génération adopte un réflexe stable: quand l'Occident collectif tente de les intimider, il tire en réalité sur leur portefeuille.


A en juger par le portrait de la nouvelle génération tiré par les médias occidentaux, la Russie du futur est entre bonnes mains, entre les mains des jeunes russes actifs, patriotes, rationnels et très créatifs.


Malheureusement, les opposants occidentaux ne sont pas prêts à laisser tranquille la Russie. Par conséquent, la jeunesse russe actuelle devra inventer les moyens, les méthodes et les technologies nécessaires pour se protéger, protéger ses proches, ses villes et villages, son pays. Les jeunes russes devront commettre des actes héroïques professionnels, scientifiques et militaires. Ils devront vaincre dans les conditions d'une concurrence économique, scientifique et militaire globale dure. Ils devront inventer une nouvelle arme, de nouvelles idéologies et des outils financiers. La jeune génération russe aura une biographie collective complexe mais très intéressante. Il faut croire en cette jeunesse. Elle réussira tout.