13 décembre 2021
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On avait déjà présenté La Mémoire du vin. Entre héritage et transmission, « ce condensé de civilisation dont l’histoire se confond avec celle des hommes ». Avec Les Vignerons du Ciel, le voyage se fait vertical. Par amour du vin et de l’Église, l’auteur, avec une écriture fluide et ciselée, sur un ton enjoué sans enjoliver, nous entraîne dans l’univers des moines. Ce livre magnifiquement illustré est le fruit de son expérience personnelle de décennies de parcours de terrain, de lectures et de conversations en immersion dans le monde des monastères et celui du vin. Amateur dans son sens le plus noble, l’auteur cultive son sujet à travers une triple approche interdisciplinaire audacieuse et convaincante d’historien, d’exégète, et d’œnosociologue.
Un livre érudit et rigoureux, digne d’un historien
Solidement documenté et émaillé de nombreuses références, il nous raconte l’histoire réelle et mouvementée de la viticulture monastique.
Depuis la conquête romaine qui a répandu la vigne au Moyen Âge où le bourgeonnement des communautés monastiques sous l’impulsion de grands saints, par la sanctification du travail manuel et les pèlerinages, suscitera celui de la vigne et trouvera son apogée à Cluny, Cîteaux, Vézelay. La plupart des vignobles actuels sont issus de cette époque et de ces lieux d’implantation chrétienne. La fin du Moyen Âge et les guerres de religion, la décadence et l’anarchie marqueront le déclin d’une viticulture florissante jusqu’à la Révolution française, dont les Lumières peu éclairées ont considéré les moines comme « socialement inutiles », justifiant ainsi la spoliation de leurs vignes et de leurs bâtiments conventuels.
Un livre profond et fidèle aux textes, digne d’un d’exégète
Il développe « une longue méditation sur la relation entre le vin et le sacré », autour de textes de la Bible dont les 441 références viticoles nous renseignent sur « la nature de Dieu et la condition de l’Homme ». À Noé, qui planta une vigne « en signe de paix et d’harmonie dans un lien avec la terre, basé sur le travail, l’humilité et les joies simples ». Au Cantique des cantiques, qui regorge de références à la vigne, figure de l’épouse, et au cellier, figure de l’époux. À l’Ancien Testament, où Dieu compare l’homme à la vigne. Aux noces de Cana où le vin récompense le labeur des travailleurs. Au bon Samaritain qui verse sur les plaies de l’homme qui gît sur le chemin « de l’huile et du vin, la douceur associée à la force ». À la dernière Cène, repas pascal qui célèbre le « vin du passage de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie ». Et bien d’autres paraboles évangéliques et péricopes bibliques étudiées avec une précision d’orfèvre.
Un livre expert et éclairant, digne d’un œnosociologue
Il nous offre une somme impressionnante de connaissances œnologiques et nous démontre que toutes les régions viticoles et vinicoles de France et d’Europe, d’Amérique du sud, d’Asie centrale et du Moyen-Orient, ont un passé monastique.
Or, malgré l’effondrement de la pratique religieuse en France, les guerres et les persécutions depuis le début du siècle, on assiste avec espérance à un début de renaissance de la viticulture par de jeunes vignerons – et vigneronnes – du Ciel dans cinq monastères, avec des projets modernes et rentables. Car « avec les moines, tout est un éternel recommencement ».
Ainsi, ce breuvage littéraire tiré du meilleur tonneau nous montre que le vin est davantage qu’un alliage entre la foi et la science, la culture et la nature, la raison et la passion : une alliance entre l’Homme et son Créateur. Cette lecture réjouissante est un excellent remède contre la tentation du confinement et de l’acédie. Elle contribue à étancher notre soif de vérité, de tranquillité et d’éternité autour de la figure du moine dont l’auteur loue l’esprit enfantin et la capacité d’émerveillement qui manquent tant à l’esprit de notre temps. Pour que « la vigne soit le signe d’une espérance, celle du renouveau qui a permis de retisser le lien avec le Ciel », selon le général Paitier pour qui « les vignerons du Ciel n’ont pas dit leur dernier mot ».
À lire sans modération à l’occasion de Noël.