Cachez cette laïcité que le gouvernement ne saurait voir

La ministre Yolande James elle-même semble peiner à comprendre que le concept de «diversité culturelle» de son projet de loi ne peut qu'inclure, par définition, celui de «diversité religieuse». (Quant à la ministre de la condition féminine, son silence en Chambre en dit long...)

Laïcité — débat québécois


«Le projet de loi 16, qui veut encadrer l'adaptation de l'administration publique à la diversité religieuse et son recours aux accommodements raisonnables, suscite de vives inquiétudes chez les défenseurs de l'égalité homme-femme et d'un État laïque.» (...)
«Or qui dit diversité culturelle dit souvent diversité religieuse. Ainsi, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), mandatée par le gouvernement à la suite de la Commission Bouchard-Taylor pour conseiller l'administration sur les accommodements raisonnables, a donné raison aux juifs hassidiques qui refusaient d'être servis par une femme lors de leur évaluation de conduite de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) ainsi qu'aux femmes musulmanes qui ne voulaient pas être servis par un homme.» (...)
«Dans un avis rendu en janvier dernier et qui est passé inaperçu jusqu'ici, la CDPDJ donne raison à la SAAQ qui avait consenti à ces accommodements religieux. Selon Marc-André Dowd, vice-président de la CDPDJ, la demande, fondée sur un motif religieux, répondait au critère défini par la Cour suprême: le demandeur était motivé par «une croyance sincère et honnête». »

- Le Devoir, «La liberté de religion, ce n'est pas une pizza»
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Un critère qui, soit dit en passant, ouvre la porte à des abus potentiels au nom d'une «croyance religieuse», du moment où quiconque prétend qu'elle est «sincère et honnête».
Comme critère, avouez que c'est arbitraire et prête un grand pouvoir d'interprétation aux tribunaux.
Avouez aussi que ce critère, si personne n'ose le dire tout haut, est également un affront à la raison et à la science.
Et, un critère qui, de toute évidence, ne peut, à terme, que contribuer à affaiblir des droits chèrement acquis mais encore fragiles, tels que, entre autres, l'égalité entre les deux sexes.
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Suite à cette une du Devoir, le sujet fait mouche depuis deux jours à l'Assemblée nationale lors de la période de questions.
Le Devoir, Diversité culturelle: la ministre se fâche
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Mais comme d'habitude: zéro réponse de la part du gouvernement.
Zéro intention d'ouvrir le débat sur une charte de la laïcité. Comme lors du dépôt du rapport Bouchard-Taylor.
Surtout: zéro compréhension de la complexité de ces enjeux, loin d'ailleurs d'être spécifiques au Québec.
Bref, zéro réflexion. Zéro action.
Mais le pire dans tout cela est que:
1- Le premier ministre donne l'impression de banaliser le tout;
2- Le projet de loi lui-même est flou, vague, ambigu, laissant trop de pouvoir entre les mains du ou de la ministre;
3- La ministre Yolande James elle-même semble peiner à comprendre que le concept de «diversité culturelle» de son projet de loi ne peut qu'inclure, par définition, celui de «diversité religieuse». (Quant à la ministre de la condition féminine, son silence en Chambre en dit long...)
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RÉSULTAT: le gouvernement banalise ainsi, voire accepte qu'un homme ou une femme refuse de transiger avec un employé de l'autre sexe pour cause de dogme religieux basé lui-même sur une vision du monde où les femmes et les hommes ne sont PAS considérés comme égaux.... Ce qui est contraire aux «valeurs» auxquelles ce même gouvernement dit pourtant adhérer.
Force est surtout de constater que le gouvernement refuse encore et toujours d'ouvrir le débat sur l'adoption d'une charte de la laïcité, laquelle pourrait préciser un certain nombre de balises visant à s'assurer que des dogmes religieux n'influent aucunement sur le fonctionnement des institutions et de l'administration publiques, dont la neutralité absolue et essentielle en ce domaine se doit d'être précisée et protégée.
Ce refus dénote un sérieux manque de compréhension de l'importance de la montée du religieux et des intégrismes dans les sociétés occidentales, de même que de leur impact négatif quant aux droits des femmes, entre autres.


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