Cachez ce stationnement que je ne saurais voir!

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Derrière Arthur Porter, Philippe Couillard

Chaque fois que je passe dans ce coin-là, sur la 720 Ouest, devant l'imposant nouvel hôpital anglophone de Montréal (CUSM), je me pose la question (j'en suis même un peu gossant, demandez à mes amis!): comment, à notre époque, peut-on construire un stationnement étagé aussi haut, aussi visible, aussi moche, comme une espèce de rappel absurde aux horreurs urbanistiques des années 70 et 80 si présentes dans tant de villes nord-américaines?
Eh bien, il semble que je m'indigne pour rien: selon les conclusions des enquêteurs de la commission Charbonneau, cette masse de béton ajourée de huit étages est un... stationnement souterrain! Avec autant d'imagination, on pourrait même finir par se convaincre que l'autoroute Ville-Marie, c'est les Champs-Élysées ou que le mât du Stade olympique est un pittoresque phare sur le Saint-Laurent.
Sont forts, tout de même, les anciens dirigeants du CUSM. S'ils ont été capables de faire passer un bloc de huit étages pour un ouvrage souterrain, pas étonnant qu'ils aient été aussi capables d'en passer une p'tite vite au gouvernement. Une p'tite vite qui aurait permis au consortium dirigé par SNC-Lavalin d'obtenir ce contrat en aspergeant quelque 22,5 millions de dollars de pots-de-vin.
Il y aura, vraisemblablement, un jour des condamnations dans cette sordide histoire de corruption au CUSM (huit personnes, dont l'ancien directeur du CUSM, Arthur Porter, et l'ancien PDG de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime, sont accusés de fraudes, complot, abus de confiance, notamment), mais en attendant, il n'est pas très difficile de désigner les dindons de cette triste farce. Eh oui, c'est nous (encore une fois!), contribuables québécois, entubés, s'il faut en croire la version des enquêteurs de la commission Charbonneau, par une bande de profiteurs sous l'oeil éteint de notre gouvernement.
Certains s'étonneront peut-être de voir la commission Charbonneau s'intéresser de si près à cette histoire, d'autant que des procédures criminelles sont en cours dans cette affaire. Le titre même de la CEIC - Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction - et la firme impliquée dans un des contrats publics majeurs des dernières années - SNC-Lavalin, géant de cette industrie - devaient toutefois mener naturellement les enquêteurs de la juge Charbonneau le long de la 720. L'octroi et la gestion des contrats publics, ce n'est pas la magouille impliquant les partis politiques ou le gouvernement. L'incurie, aussi, comme on le constate encore une fois, coûte cher aux contribuables.
Cette histoire, pour le Québec, est une vraie honte. Recruter à l'étranger des «spécialistes» pour mieux se faire plumer, ça fait vraiment république bananière de classe mondiale! On n'a pas seulement ouvert la porte du poulailler aux renards, on leur a déroulé le tapis rouge pour les y conduire!
Il faut se rappeler que le gouvernement Charest poussait très fort pour instaurer au Québec le modèle controversé des PPP (partenariat public-privé) et que le CUSM devait être un des fers de lance de cette approche. À l'époque, le gouvernement Charest n'y voyait que des avantages. Les risques, disait-il, pesaient sur les entreprises privées qui ne respecteraient pas leur contrat avec le gouvernement.
La réalité, c'est que les contribuables québécois doivent éponger, encore une fois, les dépassements de coûts, les magouilles avec, en prime, le sentiment honteux de s'être fait avoir et une horreur architecturale de plus dans le paysage montréalais.
Il ne serait pas étonnant par ailleurs que le consortium rival de SNC-Lavalin, dirigé par le géant espagnol OHL, qui a été apparemment écarté par des tractations illégales, réclame compensation, ce qui serait parfaitement normal.
Quelle que soit la suite judiciaire de l'affaire, le CUSM avance et son inauguration est prévue pour 2015. On prévoit déjà une grande fête, une parade, etc.
Philippe Couillard, qui sera nécessairement de la fête, doit espérer très fort qu'on ne parle plus trop de son ancien ami et associé Arthur Porter au moment de couper le ruban.
Rien n'est moins sûr. Ça s'incruste, des taches pareilles.


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