Le modèle émergent.02

Ça sent la prospérité

Tribune libre

Le Canada serait-il en train de prendre le virage chinois? Si la tendance se maintient...
Dans le numéro du 27 février du magazine Maclean's, nous apprenons que le récent voyage du premier ministre Harper en Chine visait à jeter les bases d'un nouvel ordre économique au pays. En mettant l'accent sur la vente au Canada du pétrole albertain à des prix inférieurs au prix international, la politique nationale de l'énergie de Trudeau avait eu pour effet de procurer un avantage économique à l'Est du pays au détriment des provinces productrices de l'Ouest. Là-bas, la politique de Trudeau avait réuni...peu de partisans.
Mais, là, avec ses efforts pour intéresser la Chine aux ressources du Canada, monsieur Harper entend bien rétablir le rapport de force. Et, toujours selon Maclean's, la stratégie du premier ministre canadien ne saurait mieux tomber, car les deux pays ont désormais des intérêts économiques parfaitement complémentaires.
À l'époque des missions économiques de Jean Chrétien, le Canada vendait des produits manufacturés à une Chine rurale et peu développée. Mais, là, le secteur manufacturier local ayant fondu à la vitesse du son, le Canada peut vendre des ressources à une Chine industrialisée et prospère:
«Canada was offering technology and creativity to a China that was still largely rural and agrarian.
Today the situation is nearly reversed. We send oil, uranium and pork; China sends laptops.
...We come bearing primary resources because we have less and less of anything else to offer. Employment in manufacturing has fallen by one-fifth since 2004. Nortel has imploded, Research in Motion is struggling, and in January the last Canadian computer-chip maker , Gennum, disappeared from the Toronto Stock Exchange after it was bought out.» Maclean's, Feb., 27, 2012, p., 18.
Heureusement le Québec a sa propre stratégie: Le Plan Nord. Mais, de ce côté, il semble que le développement sera confié aux bons soins des multinationales devant lesquelles on s'apprête à dérouler le tapis rouge, voir très rouge.
Et, tant qu'à prendre le virage chinois, pourquoi ne pas le prendre comme il faut? En page A-7 du Devoir de ce matin, nous pouvons lire que la Commission des droits de la personne vient de déclarer discriminatoires les conditions de travail des travailleurs étrangers au Québec. Apparemment, la main-d'oeuvre québécoise serait fine gueule et refuserait bon nombre d'emplois que seuls les étrangers acceptent de combler. Les associations patronales s'appliquent donc depuis quelques années à convaincre les gouvernements de «libéraliser» la législation relative à l'immigration pour faciliter la venue au pays de cette main-d'oeuvre bon marché et docile.
Le recrutement est laissé au secteur privé. Dans un cas typique, une entreprise locale spécialisée dans le domaine produit des offres d'emploi à l'intention de travailleurs étrangers. Ceux qui manifestent un intérêt se voient imposer le paiement de frais, incluant le coût du transport en direction du Canada. Arrivés au pays, ces travailleurs sont acheminés vers leur employeur, généralement des entreprises agricoles et connexes. Ils sont hébergés sur les lieux de leur travail, rémunérés au salaire minimum et ne peuvent accumuler d'ancienneté. Ceci signifie qu'ils touchent toujours le salaire minimum après plusieurs années de travail difficile. Plusieurs dispositions protectrices de la législation du travail leur sont inapplicables. On imagine la marge de manoeuvre des employeurs pour l'abus. Dans certains cas, l'employeur retient les documents d'immigration de ses employés pour leur enlever leur mobilité. Certaines entreprises vendent même le travail de leurs employés étrangers à d'autres employeurs contre un dédommagement financier.
Évidemment, les conditions de travail de cette main-d'oeuvre quasi esclavagiste a un effet à la baisse sur celles de la main-d'oeuvre locale. Récemment, les médias soulevaient la possibilité que l'on permette aux entreprises minières de recourrir à ce genre de travailleurs dans le cadre de leurs activités reliées au Plan Nord. Autrement dit, on sort tranquillement des secteurs traditionnellement visés par cette politique de main-d'oeuvre. Aux États-Unis, on a étendu cette pratique au secteur de la haute technologie. À tout événement, en 2006, on comptait 255 440 travailleurs étrangers au Canada. Quatre ans plus tard, ils étaient 432 682. Au Québec, on en dénombrait 13 800 en 2002. Cinq ans plus tard, en 2007, leur nommbre était passé à 34 800.
On se demandait ce qui se passerait si le pétrole devenait un jour trop cher pour que les pays dits développés puissent importer la marchandise chinoise esclavagiste à prix abordables...Maintenent, nous le savons...¨Ca sent la prospérité...


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5 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    28 février 2012

    Je suis assez d'accord avec vous le rapport de force qui seul mène au changement de statut d'un État n'était pas favorable au Québec en 1995. Il faut donc le bâtir, d'où le Plan de gouvernance souverainiste. Est-ce suffisant, cela dépend de la direction politique du plan. Il s'agit d'un changement de paradigme :
    http://www.vigile.net/Le-difficile-changement-de
    Une chose est certaine, depuis le 2 mai, Ottawa n'aura plus aucune retenu pour braquer les intérêts du Québec ; et en 2014, se sera la fin de l'entente sur la péréquation : un simple ajustement des paramètres ferait perdre 3 milliards au Québec. Bref çà va jouer très dure. C'est pourquoi je parle d'un fatalité possible, si on a des affairistes au pouvoirs pour défendre nos intérêts.
    Merci de votre réponse et salutations
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2012

    Monsieur Pomerleau,
    Je viens de lire votre article sur le l'Ouest et le Canada de Trudeau. C'est un fait, le balancier a commencé à pencher du côté de l'Ouest. Est-ce que ce sera durable? L'avenir le dira. Il n'est pas impossible, également, qu'une autre débâcle financière vienne ajouter aux lignes de tension qui se développent actuellement au Canada. Le chèque de péréquation pourrait fondre, vous savez. Maintenant, est-ce que tout cela pourrait conduire à la dislocation du Canada? L'alternative, pour les provinces anglaises, c'est un peu l'adhésion aux États-Unis. Alors, elles vont y penser deux fois avant de s'engager sur ce terrain-là. Maintenant, que fera le Québec dans tout cela? Son attitude est tellement molle dans ses rapport avec le Canada que je m'attarde le moins possible à la question. Je regarde cela avec désolation. Je vous avouerai qu'il s'agit d'un sujet dont je n'aime pas vraiment discuter. Je sais ce que cela représenterait de passer à l'indépendance. Oubliez les lendemains azurés. Il y aurait un coût. Il pourrait être très élevé. Jetez un petit coup d'oeil attentif à la Loi sur la clarté...Je sais que le Québec n'a pas la détermination pour affronter cela. Je sais que cela pourrait entraîner un très humiliant retour en arrière. Là il faudrait prendre notre trou pas pour rire. Et, j'aime autant ne pas y penser. Je voulais cependant clarifier ma position sur la question nationale. Je serais par contre très surpris d'y revenir, ce qui n'exclut pas un article de temps en temps sur certaines questions comme les contrats de construction navale. Je connais les paramètres du débat québécois et je ne veux pas vraiment toucher à cela.
    Salutations,
    Louis Côté

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    28 février 2012

    J'ai beaucoup de respect pour votre rigueur, qui tient sans doute à votre position moins partisane qui vous donne une certaine distance par rapport au sujet traité.
    Moi aussi j’essaie de garder une distance critique par rapport à l'évolution de la situation au Canada. Pour y parvenir j'utilise un grille géopolitique depuis quelques années (évolution des États: Provinces et État central ).
    Je vous soumets que le centre de gravité du pouvoir dans la fédération a définitivement passé de l'Est vers l'Ouest; et, du central vers les États naturelle que sont les provinces (pétrolières).
    Dans ce texte j'ai identifier le moment précis où le rapport de forces s'est cristallisé à l'élection fédéral de 2008. À l'avantage des province pétrolières.
    La géopolitique de l'énergie a mené à la fin du Canada de Trudeau :
    http://www.vigile.net/La-fin-du-Canada-de-Trudeau
    Mon point de vue moins partisan, c'est qu'il faut se préparer à cette dynamique politique que cela crée et qui mène de manière irréversible à la dislocation du Canada. À la fois une fatalité et une chance historique pour le Québec.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    27 février 2012

    Je ne veux pas par mes écrits sur Vigile donner une fausse impression sur mes convictions politiques. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis ni indépendantiste ni fédéraliste. Je regarde les choses avec beaucoup de détachement. En fait, je ne pense pas que les Québécois soient prêts à payer le prix de l'indépendance, alors dans ces circonstances-là, il est téméraire de parler de séparation du reste du Canada. Un «oui» référendaire sans la détermination à payer le prix de sa décision pourrait donner lieu à un humiliant retour en arrière. C'est un pensez-y bien, ça, vous savez. Moi, l'indépendance avec le dollar canadien, je ne suis pas certain que ce soit réaliste. Alors, il vaudrait combien le dollar québécois? Je ne suis pas certain que beaucoup de Québécois soient disposés à subir le coût du différentiel de valeur avec la situation actuelle. Et ça, c'est seulement un des coûts de l'indépendance. Les péquistes n'en parlent pas beaucoup, vous savez du coût de l'indépendance...En fait, ils ne parlent même pas d'indépendance. Il doit y avoir une raison...
    Maintenant, est-ce que les tensions Ouest/Est pourraient contribuer à l'éclosion d'un sentiment indépendantiste au Québec? Je pourrais dire beaucoup de choses là-dessus, mais je préfère les garder pour moi. Disons cependant qu'avec un PIB à 39 000 $ par habitant relativement bien partagé à l'ensemble du pays, la probabilité d'un virage indépendantiste au Québec est pratiquement nulle. Le Québec, il y tient à son chèque de péréquation, vous savez...malheureusement...Je serais surpris, donc, que le Québec opte pour l'indépendance à moins que son appartenance au Canada ne vienne à lui paraître passablement plus coûteuse qu'un départ. L'avenir le dira. Mais, moi, je fais partie des sceptiques...
    Louis Côté

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    27 février 2012

    M Louis Coté
    Vous relevez la divergence d'intérêts entre l'Est et l'Ouest du Canada. Je vous soumets un article récent parue dans The Toronto Star qui démontre que cette divergence ne fera que s'accentuer au détriment de l'Ontario (et du Québec) :
    Ottawa focus on Alberta oilsands is killing manufacturing jobs in Eastern Canada, economists say
    (...)
    In his report, Coulombe and his co-researchers determined that our petro-currency was responsible for 42 per cent of job losses between 2002 and 2007. That translates to at least 140,000 manufacturing jobs gone as a direct result of the oilsands development.
    It didn’t get any better after that. Our manufactured exports dropped another 12.6 per cent between the second quarter of 2007 and the first quarter of 2011.
    (...)
    (...)
    “The jobs are not there, the benefits to Canada are not there,” she maintains. “We are going to experience even more upward pressure on the Canadian dollar; we are going to have even more intense division between Eastern and Western Canada.”
    (...)
    http://www.thestar.com/news/canada/article/1136578--ottawa-s-focus-on-alberta-oilsands-is-killing-manufacturing-jobs-in-eastern-canada-economists-say
    ...
    En toute circonstances il faut se demander en quoi cette divergence d'intérêt entre l'Est et l'Ouest sert la cause.
    Pour le moment ce que cela laisse entrevoir c'est que les conditions sont réunies pour qu’apparaisse des tensions grandissantes (quand l'Ontario va se réveiller à ses intérêts) qui laissent entrevoir une dislocation de la fédération. Donc un contexte complètement différent de celui de 1995, en ce qui nous concerne.
    JCPomerleau