Bons baisers de Moscou: l’espionnage russe au Canada

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Pendant ce temps, la NSA espionne et met sur écoute tous les chefs d'État des pays de l'OTAN...


Quand on parle d’espionnage russe, on pense à la guerre froide, à la vielle Union soviétique qui s’est effondrée en 1991. Pourtant des espions russes sont toujours très actifs au Canada. Je conclus cette semaine une série de balados à Qub radio sur la question. Voici quelques cas d’actualité que j’y aborde.


Bénéficiant d’une indulgence surprenante, Jeffrey Delisle, ex-lieutenant de la marine canadienne, vient d’obtenir en mars 2019 une libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers seulement de sa peine. En 2013 Delisle avait été condamné à 20 ans de prison pour avoir vendu au GRU (service de renseignement de l’État-major russe) des secrets militaires et civils du Canada et de ses alliés. La trahison de Delisle, probablement la fuite de renseignements secrets la plus importante de l’histoire du Canada. avait été qualifiée d’exceptionnellement grave par le ministère de la Défense nationale et d’«importante et irréparable» par le SCRS.  


D’une bienveillance incompréhensible selon moi, la Commission des libérations conditionnelles ne semble pas avoir tenu compte que les secrets trahis par Delisle pourraient mettre en danger la vie d’espions canadiens à l’étranger. La trahison de l’analyste au centre de renseignements secrets Trinity à Halifax, va avoir pour conséquence de soulever le doute des alliés du Canada sur sa capacité de protéger les secrets qu’ils lui transmettent.  


La Cour suprême du Canada va bientôt statuer sur un cas à la fois tragique et émouvant impliquant les enfants d’un couple d’espions russes usurpant l’identité de bébés canadiens relevée dans des cimetières. Les torontois Donald Heathfield et Tracey Foley avec leurs deux garçons avaient déménagé de To ronto à Boston. Pour leurs voisins Américains, ils semblaient une famille canadienne ordinaire. Ils avaient inscrit leurs fils dans une école bilingue français-anglais. En fin d’après-midi, le 27 juin 2010 on a sonné à la porte des Heathfield.  Des hommes armés entrent dans la maison en criant « FBI! » Les deux ados découvrent alors que leurs parents ne sont pas de vrais Canadiens, mais des espions russes portant les noms d’Andrei Bezrukov et d’Elena Vavilova. Le couple avec d’autres espions russes a été échangé contre des Russes condamnés pour espionnage au profit de l’Occident. Les deux garçons, qui se croyaient Canadiens, apprennent qu’ils sont Russes et doivent suivre leurs parents à Moscou.


Portant maintenant les noms d'Alexandre et Timofei Vavilov, Ottawa leur refuse la citoyenneté canadienne.  La loi ne la confère pas aux enfants nés au Canada dont les parents sont à l'emploi d'un gouvernement étranger. Dans ce cas-ci, ils étaient des espions au service de la Russie. Un des garçons, Alexandre Vivalov, veut ravoir sa citoyenneté canadienne et revenir s’établir ici. La Cour suprême doit rendre un jugement dans les prochains mois.   


On a appris récemment que les services de sécurité canadiens sont présentement en état d’alerte pour détecter et contrer toute tentative d’ingérence russe dans le processus électoral canadien qui va bientôt s’enclencher. Contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis lors des présidentielles de 2016, Moscou n’a pas ici un parti qu’il a intérêt de favoriser au détriment des autres. Le contre-espionnage canadien redoute des cyber-opérations russes sur les médias sociaux visant à semer la discorde et la zizanie en propageant de fausses nouvelles ou des interprétations d’informations pouvant susciter la colère ou l’indignation de groupes sociaux particuliers. Les Russes sont passés maîtres dans ce genre d’intervention clandestine sur Internet. Le même type d’opération a déjà été mené lors d’élections dans des pays européens membres de l’OTAN, que la Russie considère comme son adversaire principale.