«Bientôt, ce nombre s'exprimera en millions» : Erdogan sur les flux de migrants vers l'Europe

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La Turquie instrumentalise le discours droit-de-l'hommiste pour intimider l'Europe


A la recherche d'un appui occidental dans le cadre de ses opérations militaires dans le nord-ouest de la Syrie, le chef d'Etat turc a actionné le levier des flux migratoires vers l'Europe. La situation donne lieu à un contexte explosif.


La Turquie a annoncé le 28 février l'ouverture de ses frontières avec l'Europe, poussant plusieurs milliers de migrants à se déplacer vers la Grèce. «Depuis que nous avons ouvert nos frontières, le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l'Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s'exprimera en millions», a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan le 2 mars.


«Chiffres largement surévalués par rapport à la réalité observée sur le terrain», précise l'AFP qui cite le comptage du 29 février de l'ONU, s'élevant à 13 000 personnes. De son côté, la Grèce a annoncé que 1 300 demandeurs d'asile avaient déjà réussi à gagner les îles Egéennes le 1er et le 2 mars. Dans ce contexte, le chef de l’Etat français a toutefois souhaité exprimé sur Twitter la «pleine solidarité» de la France à l'égard de la Grèce et la Bulgarie, les deux pays partageant une frontière terrestre avec la Turquie sur son flan ouest.


La situation est alarmante pour les chancelleries européennes qui redoutent un phénomène migratoire semblable à celui de 2015. Celui-ci avait notamment été facilité par la politique d'immigration de masse et d'accueil illimité de réfugiés alors promue par Angela Merkel, avec son lot de conséquences sociales, économiques et politiques en Allemagne et dans d'autres pays européens.


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Contexte explosif, situation humanitaire préoccupante


En tout état de cause, le phénomène donne lieu à des scènes impressionnantes à la frontière turco-grecque, où des milliers de migrants continuent d'affluer, en dépit des mesures musclées prises par Athènes pour faire face à la situation.


Une situation d'autant plus explosive qu'une grève générale a récemment été engagée par les habitants des îles grecques de Lesbos, Chios et Samos, qui dénoncent une hausse constante de l'insécurité et s'opposent à la construction de nouveaux camps de migrants. Depuis le 25 février, des heurts se poursuivent entre manifestants et forces de l'ordre. Sur place, les habitants sont par ailleurs préoccupés par l'arrivée de migrants par la mer.


En effet, si les frontières terrestres entre l'Europe et la Turquie constituent la zone principale d'affluence, la voie maritime est également utilisée par les passeurs pour envoyer des embarcations vers ces îles grecques, donnant lieu à une situation humanitaire inquiétante.


Un petit garçon est mort le 2 mars au large de Lesbos lors du naufrage d'une embarcation chargée d'une cinquantaine de migrants. L'embarcation, en provenance des côtes turques voisines, «a été renversée par les personnes à bord après son entrée dans les eaux grecques, une habitude des passeurs pour déclencher une opération de sauvetage», a fait savoir un communiqué des garde-côtes grecs cité par le site infomigrants.


Erdogan à la recherche de soutien en Syrie


En dépit des protestations émanant des chancelleries européennes, le chef d'Etat turc a affirmé qu'il maintiendrait «les portes de l'Europe ouvertes». Lors d'un entretien téléphonique avec Angela Merkel le 2 mars au soir, Recep Tayyip Erdogan a ainsi réclamé un «juste partage du fardeau», selon la Turquie.


Comme le rapporte l'AFP, Ankara a justifié l'ouverture de ses frontières vers l'ouest du fait de son incapacité à faire face à une nouvelle vague migratoire venant de l'est, alors que la reconquête par Damas de la province d'Idleb aurait occasionné le déplacement de près d'«un million de personnes» à la frontière turque.


De fait, la montée de tension entre la Turquie et les chancelleries européennes intervient simultanément aux opérations militaires d'Ankara dans le nord-ouest de la Syrie, où le chef d'Etat turc cherche à établir une zone de contrôle au-delà de ses frontières, sans y avoir été invité par le gouvernement syrien. La manœuvre turque se heurte ici à la volonté de Damas de reconquérir le nord-ouest de son territoire où subsistent les dernières poches djihadistes en Syrie. Alors que les forces gouvernementales parviennent progressivement à regagner du terrain dans une zone jusqu'alors contrôlée par des groupes islamistes armés, dont feraient partie des djihadistes français, des drones turcs pilonnent depuis plusieurs jours cette province syrienne.