Assurance-emploi - Le pain et le beurre

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Un Canada réduit à son plus petit commun dénominateur

Un des changements majeurs apportés par le premier ministre Stephen Harper à la façon de gouverner ce pays consiste à éviter toute étude par des experts indépendants et toute consultation des citoyens avant d’adopter des changements législatifs. Le cas le plus récent, celui de l’assurance-emploi, illustre une fois de plus le style autoritaire bien peu démocratique de ce gouvernement.
En vigueur depuis janvier, la réforme de l’assurance-emploi suscite une grogne très forte dans les régions les plus affectées. Si le premier ministre s’imaginait pouvoir faire l’économie d’une telle réaction en dissimulant les nouvelles règles dans les centaines de pages d’un projet budgétaire fourre-tout, il s’est trompé.
Le Canada est un pays de seulement 33 millions d’habitants sur un territoire immense au climat difficile. Malgré des ressources considérables, toutes les régions et toutes les industries ne possèdent pas la masse critique de consommateurs pour embaucher du personnel à longueur d’année. Elles n’en sont pas moins nécessaires à notre économie.
Pour les dizaines de milliers de familles qui dépendent d’une forme ou d’une autre de travail saisonnier, s’opposer à la réforme de l’assurance-emploi n’est pas une question de principe, mais de pain et de beurre.
Faudrait-il fermer des régions, comme l’a déjà proposé un de nos trop bien portants banquiers québécois ? En agissant ainsi, on forcerait leurs habitants à déménager en ville ou à l’autre bout du pays pour combler des besoins de main-d’oeuvre qui risquent aussi d’être temporaires. De façon moins brutale, mais aussi efficace, c’est précisément ce que vise la présente réforme.
Le programme d’assurance-emploi a déjà subi des compressions majeures sous le gouvernement Chrétien. Dix ans plus tard, il était sans doute temps d’en analyser les forces et les faiblesses. Faut-il viser la disparition du travail saisonnier sous prétexte qu’il incite à la dépendance ? Une industrie qui donne de l’emploi pendant quelques mois par année seulement est-elle mieux morte que subventionnée par l’assurance-emploi ? L’industrie minière n’est-elle pas aussi subventionnée ? Qu’adviendra-t-il des villages en décroissance ? Faut-il vraiment accélérer la concentration urbaine là où la vie est encore plus difficile pour ceux qui n’y sont pas préparés ?
Qu’on s’arrête pour réfléchir, soit. Mais pour ce faire, des études et des consultations sont nécessaires afin de prévenir les effets pervers d’une vague de changements inopportuns. Après tout, ce n’est pas en transférant des individus à l’aide sociale qu’on fait du développement économique !
Cette réforme, comme bien d’autres, est inspirée par les préjugés davantage que par les faits. Que ce soit en matière d’environnement, d’amendements au Code criminel, d’aide internationale ou d’admissibilité à la sécurité de la vieillesse, l’approche conservatrice est la même. En fait, il n’y a que pour l’aide à la recherche en entreprise qu’on a eu l’intelligence de demander l’avis d’experts indépendants. Le reste du temps, ce gouvernement craint l’opinion des spécialistes et des citoyens qui pourraient ne pas partager sa vision des choses.
Voilà une façon bien peu rassembleuse de diriger un pays dont le régime parlementaire accorde pourtant déjà trop de pouvoir à son premier ministre.


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