Les prattitudes de La Presse

Assez la fausse nation civique, vive la nation historique !

Tribune libre

Plus perfide que jamais, André Pratte. Sans qu’il l’ait voulu, son éditorial dans La Presse du 17 juin nous éclaire une fois de plus sur les dangers d’une conception strictement civique de la nation. Pour la forme, le scribe des Desmarais s’incline quelque peu devant le caractère français du Québec, histoire de ne pas avoir trop l’air d’un disciple de Lord Durham. Mais, tonne-t-il, la modernité, du moins selon sa conception à lui et qui est celle de tous les néolibéraux mondialistes, la modernité, donc, aurait d’ores et déjà fait du Québec une terre de toutes les langues et de toutes les cultures, autrement dit, mais cela il prend bien soin de ne pas le préciser, une terre sans langue ni culture. Tout comme le Canada tel que le concevait Trudeau.
Ce serait drôle si ce n’était pas si triste. On refuse de lier la nation à une langue et à une culture, alors on l’ouvre à toutes les langues et à toutes les cultures. Et le résultat ultime et ô combien prévisible de cette belle ouverture, c’est qu’une nation ainsi balkanisée sera bientôt mûre pour que passe dessus, une fois pour toutes, le rouleau compresseur de l’impérialisme culturel étatsunien. Sous couvert de pluralisme, on prépare donc le terrain pour l’uniformisation de la planète entière. Au fond, qui sont les authentiques défenseurs de la diversité culturelle ? Ceux qui ne la prêchent à l’échelle nationale que pour mieux la dissoudre à l’échelle mondiale ? Ou ceux qui, au contraire, constatent que c’est l’existence de nations ayant chacune sa personnalité unique qui offre à l’humanité la meilleure garantie d’échapper à l’uniformité ?
Mais, en ce qui nous concerne, la dérive ne s’arrête pas là. Pratte nous avertit : ce qui vaut pour la langue et la culture vaut aussi pour l’histoire. Le Québec moderne sauce civique n’a pas davantage droit à l’unité historique qu’à l’unité linguistique ou culturelle. On pourra, voire on peut y fêter la Conquête anglaise, tout comme on pourra, tout comme on doit pouvoir, n’est-ce pas, y célébrer la nation in English. Pour Pratte, tout ou n’importe quoi y devient parfaitement légitime, sauf, bien sûr, la promotion de l’indépendance. Encore que là, Pratte ne s’énerve que pour le très court terme. Quand, dans quelques années, le Québec sera à l’image de tout, c’est-à-dire à l’image de rien, qui donc verra encore la nécessité de l’affranchir de la tutelle politique d’Ottawa ?
Nous tous, indépendantistes, nous devons au plus sacrant rejeter la conception civique de la nation et quitter du même coup un terrain que les fédéralistes apatrides occupent depuis longtemps et où ils nous ont tendu mille pièges dans lesquels nous n’en finissons plus de tomber.
Quant à l’accusation de racisme qu’on ne cesse de nous lancer à tort et à travers, il est temps d’en revenir. Le racisme n’est pas dans l’idée selon laquelle la nation repose sur l’unité de langue, de culture et d’histoire, il réside seulement dans celle, délirante, d’une unité de race, de sang, d’origine. Or, jamais, au cours de notre histoire, nous n’avons confondu nation et race, rabaissé la première au rang de la seconde. La nation est le lieu où, sans distinction de race, de couleur ou d’origine, des individus ont en commun une même langue et une même culture et s’identifient à un même parcours historique. Ce qui, faut-il le préciser, n’enlève à personne ni la capacité ni le doit de s’intéresser aux autres nations, d’en goûter la culture, d’en admirer l’histoire. Mais encore faut-il, pour cela, que chaque nation, à l’encontre même de l’idéologie multitransinterculturaliste, puisse garder sa personnalité propre. Car on ne voit guère ce qui pourrait distinguer les unes des autres des nations multiculturelles, si tant est qu’il s’agisse encore là de nations.
Luc Potvin
Verdun
17 juin 2009


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2009

    Le racisme n’est pas dans l’idée selon laquelle la nation repose sur l’unité de langue, de culture et d’histoire, il réside seulement dans celle, délirante, d’une unité de race, de sang, d’origine.(Luc Potvin)
    Et chaque fédéraliste comme Pratte et ses amis de la Gazette ont tous une belle photo de la famille royale dont le sang pur anglais symbolise la perenité de la nation.
    Pratte ne fait que répéter les inepties des Montrealers.
    Vous avez remarqué comme la Gazette ne dit jamais Québécois pour parler des anglos, mais uniquement en tant que Montrealers ?
    Mais, coudonc, selon notre Guy A. Lepage of Montreal, c'est une réalité qu'il faut accepter. Dommage que ce ne soit pas les anglos qui s'étaient dit ça quand nous étions encore majoritaires à Montréal !

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juin 2009

    Bravo ! Excellente analyse.
    « On refuse de lier la nation à une langue et à une culture, alors on l’ouvre à toutes les langues et à toutes les cultures. »
    Ainsi Rome sera comme Berlin, Paris, Londres, Tokyo, Beijing, Caracas, New York et... Montréal, toutes si intensément multiculturelles et bientôt si semblables. On ne pourra plus manger italien en Italie, on ne mangera que comme partout ailleurs et l'on de parlera plus que... l'anglais, l'italien comme toutes les langues aura été latinisée.
    La seule issue d'un vrai multiculturalisme, c'est-à-dire une vraie diversité des cultures, des langues, réside dans une culture-nation défendue par un État-nation fortement protectionniste et identitaire, contre le rouleau compresseur chinois ou anglos selon qu'on se trouve en Occident ou en Orient. La Chine par exemple est en train de faire disparaitre les Tibétains et le tibétain.
    Ce pourquoi les artistes anglo-québécois doivent adhérer à un État-nation québécois de langue officielle et de culture française et doivent endosser la cause de la diversité culturelle comme ils endossent la cause de la bio-diversité et du développement durable.
    Un multiculturalisme-durable, c'est-à-dire, le fait d'avoir accès à une culture autre, à une langue autre, implique la pérennité des langues et notamment de la langue française en Amérique du Nord. Contre la Louisiannisation du Québec, il n'y a qu'une manifestation de solidarité possible. Une fois l'an, les Québécois qui chantent supposément dans toutes les langues, donc principalement en anglais... doivent chanter en français, ou en Wolof, la journée de la fête nationale des Québécois majoritairement de langue française. Car ce n'est pas l'italien ou le créole qui menace la survie de la langue française au Québec, mais l'anglais. Si c'était l'italien, il faudrait ne pas chanter en italien...
    ET, les carnivores peuvent aussi choisir de ne pas manger de viande une fois par année pour manifester le fait que les céréales et les légumes sont bon pour la planète et pour la santé humaine. Cela ne les prive pas d'exister et de manger de la viande tout le reste de l'année.
    Vive une fête nationale du Québec en français ! Nation civique ou pas.
    La diversité culturelle est une cause civique, une cause de civilisation.
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    Tribune libre de Vigile :
    La Presse - 2009 06 16 - Une fête nationale du Québec en français
    Nathalie Petrowski rapplique : Interdit de chanter en anglais
    Un geste pour la diversité culturelle : ne chanter qu’en français et en walof !
    Luc Archambault 16 juin 2009
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    Yves Boisvert, Patrick Lagacé, Josée Legault...
    Une fête « nationale », hein ? - Parfaitement... et en français. - Anglos-Québécois compris...
    Luc Archambault 15 juin 2009