Lorsque l’image devient surréaliste

Arrêtez-le, cet homme est dangereux !

Chronique de Richard Le Hir

Réunir le conseil des ministres un dimanche est le genre de geste qui se veut symbolique, soit d’un événement heureux à fêter, ou au contraire, pour témoigner de la gravité d’une crise. Aussi est-on en droit de se demander quel était le message que voulait lancer Jean Charest ce dimanche en priant ses ministres de se présenter à la réunion en tenue décontractée.
S’il voulait projeter l’image de Néron jouant du violon pendant que Rome brûlait, c’est réussi. Le décalage entre la gravité de la situation pour lui et ses troupes et la jovialité de l’image projetée a quelque chose de franchement surréaliste qui nous porte à nous interroger sur le degré de connexion de ce premier ministre et de son gouvernement avec la réalité.
Si le but était de rehausser l’image des deux, c’est raté. Tout au contraire, le fossé entre le gouvernement Charest et la population s’est encore creusé, celle-ci pouvant mal accepter de se faire dire encore une fois qu’elle n’y connaît rien et que le véritable problème à l’heure actuelle est l’économie. Le message passe d’autant plus difficilement la rampe que tout le monde a désormais compris que la situation économique actuelle est imputable à des forces sur lesquelles le Québec n’a aucun contrôle, sauf à la toute petite marge.
Alors il ne reste plus qu’une seule possibilité. Jean Charest cherche encore une fois à nous « en passer une ». Et l’insistance qu’il met à le faire alimente les pires soupçons. Que cherche-t-il donc à cacher ? Son rôle dans les pertes de la Caisse de dépôts, dans le jeu qui devait mener à la privatisation d’Hydro-Québec, dans la mise sur pied des PPP pour garantir à tout jamais le financement du PLQ ? Ou alors l’étendue de ses liens avec le crime organisé ? Et c’est sans compter avec la perception croissante qu’il constitue un des pires fossoyeurs de nos intérêts collectifs que nous ayons jamais eus.
Et il n’est pas une journée qui passe qui ne vienne pas en rajouter une couche. Hier, c’était le ministre Tomassi dont la réforme annoncée constituait une admission que le système qu’il avait mis en place pour l’attribution de permis de garderies se trouvait en fait à servir des intérêts autres que ceux de la population. Aujourd’hui, c’est la Caisse de dépôts qui se paie des consultants en gestion de risques au coût de 10 millions $ pour 6 mois de travail.
***
Le navire fuit de partout, et l’opposition, perdue dans des calculs électoralistes mesquins, ne parvient pas à se mobiliser pour acculer Jean Charest au pied du mur et l’amener à la démission et au déclenchement d’élections générales. Au rythme où vont les choses, et si elle n’y prend garde, la question de la légitimité finira par se poser également à son sujet.
En effet, le risque d’un dérapage général est grand. Le prochain débat sur le budget va raviver le sentiment d’indignation et de colère que tous les Québécois ont ressenti au moment de son dépôt. Des manifestations sont prévues à Montréal et à Québec la fin de semaine prochaine. Si la météo est au rendez-vous et si les organisateurs font bien leur travail, la participation devrait envoyer au gouvernement et à l’opposition un signal clair de ce que la population pense et attend.
Mais encore faudra-t-il que l’opposition soit en mesure de se montrer à la hauteur du message envoyé et de le canaliser à son bénéfice. Lorsque ce n’est plus le cas, dans un premier temps, la rue devient le seul exutoire des frustrations, de l’indignation et de la colère populaire,avec les risques que cela comporte pour la démocratie; et dans un deuxième temps, il se produit un important réalignement des forces politiques qui touche non seulement le parti au pouvoir, mais aussi l’opposition.
En d’autres termes, si le parti Québécois a pu compter jusqu’ici sur l’alternance pour prendre le pouvoir, il n’est pas garanti qu’il puisse continuer à en profiter si sa performance n’est pas jugée à la hauteur, ce qui aurait pour effet de permettre à un autre parti, déjà existant comme Québec Solidaire, ou à un nouveau parti qui lirait mieux l’humeur de la population, de tirer les marrons du feu.
En attendant, c’est de Jean Charest qu’il s’agit, l’homme qui prétend avoir les deux mains sur le volant. Sa mauvaise conduite est en train de faire valser le Québec dans le décor. Dans la vraie vie, il serait accusé au criminel de conduite dangereuse, et la question se poserait de savoir si ses facultés ne sont pas affaiblies. L’alcool et la drogue ne sont pas en cause. Alors, le pouvoir ou la corruption ? Au fond, c’est la même chose. Ne dit-on pas que le pouvoir corrompt ?


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 mai 2010

    Les cabinets politiques échapperaient aux compressions budgétaires.
    [ « Tout indique que les ministres libéraux et le premier ministre Charest pourront continuer à dépenser à leur guise dans leur cabinet respectif, malgré le plan d'austérité budgétaire déposé le 30 mars par la présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay.
    Au total, le gouvernement compte sur quelque 467 personnes pour seconder les élus dans leur tâche dans les cabinets. Le plan d'action Charest n'annonce pas de réduction d'effectifs à ce chapitre.
    Leur budget, au total, a fait un bond important entre 2003 et 2009,le temps du règne Charest,passant de 18,9 millions $ à 26,4 millions $. Rien, dans le plan libéral Charest, n'annonce de sacrifice à ce chapitre.
    Contrairement aux fonctionnaires, les employés des cabinets pourront bénéficier de passe-droit. Grâce à la procédure de dérogation aux règles, certains obtiennent un revenu bien supérieur aux normes en vigueur,surtout les directeurs de cabinets.
    Le grand ménage promis par le premier ministre Jean Charest dans les dépenses gouvernementales s'arrêtera aux portes des cabinets politiques.
    La ministre Gagnon-Tremblay a quant à elle décliné une demande d'entrevue à ce sujet. »]
    Source ; Jocelyne Richer,La Presse,2 mai 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    3 mai 2010

    Une bonne nouvelle de la gouvernance Charest.
    La charge fiscale nette est plus faible au Québec qu’ailleurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2010

    Jusqu'à maintenant, bien que ça puisse paraître suffisant, il n'y a qu'un témoin ayant fait un témoignage partiel: Marc Bellemare. C'est sa parole contre celle de Charest.
    Les autres allégations de corruption sont fondées sur des déductions logiques, pas des preuves. Par exemple, 25 personnes ont donné un montant de 3000 $ chacune et font partie de l'entourage d'un président de compagnie, connu pour être un libéral... Cette compagnie a ensuite reçu un contrat du gouvernement pour effectuer tel travail.
    Il n'y a que des déductions ici. Aucune preuve comme quoi le président de la compagnie a fourni lui-même 3000 $ à chacune des 25 personnes.
    Lorsque Bellemare aura dit tout ce qu'il sait et que d'autres personnes viendront appuyer son témoignage, cela constituera une preuve. D'autres personnes se sont manifestées, mais elles restent anonymes. Par ailleurs, bien que sa commission soit limitée, le juge Bastarache devra entendre Bellemare et les autres témoins. Il y aura certainement quelques révélations qui, affirmées par ce juge, auront la valeur d'une preuve pour la population et les partis d'opposition.
    Marois attend donc LA preuve qui confirme que Charest a agi illégalement, directement ou indirectement, en cautionnant ce système de financement illicite du PLQ ou en intervenant dans le processus de nomination des juges.
    Ce sera alors le moment de demander la démission de Charest et de réclamer des élections. Si le gouvernement s'accroche, l'opposition devra alors quitter le parlement pour souligner l'absence de légitimité de ce gouvernement.
    Je propose que les partis d'opposition s'unissent, afin d'éviter que la division du vote et l'abstentionnisme ne permettent encore au PLQ de prendre le pouvoir. Ceci peut sembler irréaliste, mais il n'y a que 4 personnes à convaincre. Quatre têtes qui empêchent l'indépendance du Québec.
    Laurent Cambon

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2010

    Richard Le Hir évoque que de manière admirablement bien ce qui est devenu une vérité de la Palisse.
    Le Soleil rapporte en ce 27 avril que la chef du PQ et de l'Opposition officielle est “prête à prendre la relève”....hum, hum, hum: qu'attend-elle madame Marois pour écouter une grande partie de la population qui exprime aux députés de l'Opposition le désir ardent de voir les membres de l'Opposition, de manière commune et concerté, de se lever de leur siège respectif à l'Assemblée nationale, de quitter d'un seul trait, que les trois chefs de l'Opposition appellent une conférence de presse commune et exprime au Gouvernement du Québec le dégoût national de la population, exige la démission de ce gouvernement, et que plus un seul député ne va revenir à l'Assemblée nationale tant et aussi longtemps qu'une nouvelle élection sera déclenchée ?
    Qu'entendez-vous madame Marois pour démontrer le leadership d'un véritable chef en cette heure si grave au Québec ?

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2010

    Bonjour, M. Le Hir,
    Votre texte résume parfaitement la situation. Et sur la photo, John James Charest semble dire: tout va très bien, mes plans se déroulent comme prévu, je vais les écraser une fois pour toute les "séparatistes".
    La presse de l'argent et Radio-Canada continuent d'endormir la population. Pouvoir et corruption comme vous le dites si bien. Et Mme Marois croit que le parti québécois devrait prendre le pouvoir en 2012 et qu'a ce moment-là, elle va faire le ménage dans le financement des partis!!!
    Pour elle, l'achat de NB Power était une belle occasion d'affaires. Elle blâme Charest d'avoir manqué son coup. Celà semble vouloir dire, que l'opposition s'accomode du gouvernement corrompu que nous avons, et, ne veut pas voir le péril que cours le Québec.
    La situation est grave! Qu'est-ce qui se cache derrière tout cà? Votre dernier paragraphe nous en donne la réponse.
    Merci, M.Le Hir.
    Lawrence Tremblay.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2010

    M. Le Hir encore une fois vous mettez le doigt sur le bobo.
    Quand vous dites précisément ceci et je vous cites:
    - "Ou alors l’étendue de ses liens avec le crime organisé "
    Voilà l'aspect le plus glauque de toute cette histoire de corruption et de collusion. J'ai 2 témoignages et sans lien, un avec l'autre, très crédible, confirmant que les motards criminalisés sont impliqués directement dans les activités de construction dans les Laurentides. De plus je peux ajouter qu'un de ces témoignages est relié à un cas diffusé, d'un ancien ministre du PLQ de l'an dernier.
    Quand on dit que le PLQ, Jean Charest et tout son entourage n'ont pas les mains propres...peut on avoir en même temps, les mains sales et avoir les 2 mains sur le volant???? De toute évidence...NON

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2010

    Aristote posait la question essentiel: Qui contrôle l'État et au profit de qui ?
    Ici c'est Charest qui a ouvert la porte a une multitudes de réseaux d'intérêts qui squattent notre État à leurs profits et au détriment du bien publique. La Caisse de dépôt et Hydro Québec sont devenu leurs choses qu'ils ont instrumentalisé et orientent les décisions en fonctions de leurs intérêts. Pour ces seuls deux grandes institutions de la Révolution tranquille, le passage de Charest au pouvoir aura coûter des dizaines de milliards au Québec, et ce n'est pas fini:
    La Caisse. Tripotage politique et désastre financier:
    http://www.vigile.net/Le-demembrement-en-trois-temps
    http://www.vigile.net/La-Caisse-Tripotage-politique-et
    La Vandal-isation de l'Hydro Québec:
    http://mcn21.org/actualites/article/mcn21-exige-le-congediement
    Depuis un an et demie j'ai acquis la conviction qu'il y a urgence nationale à sortir ce clique du pouvoir.
    JCPomerleau
    P.s Charest a t il les facultés affaiblies: OUI, il est sous médication.
    http://www.vigile.net/Les-deux-mains-sur-le-volant-avec