Après l’affaire Bertrand Cantat, l'affaire Cheb Mami ?

Comment expliquer que nos gouvernements ne semblent pas inquiétés par la venue d’un tel criminel qui sort tout juste de prison et cela, en dépit du bon sens, de nos principes démocratiques, de nos lois et de nos droits ?

Tribune libre

Rachida Ait-Tahar - Cheb Mami, chanteur de Raï d’origine algérienne, a fait kidnapper, droguer, séquestrer et torturer son ex-compagne pour provoquer une fausse couche. Pour ce crime, il a été condamné en France mais, bénéficiant d’appuis algériens complaisants, il fuit vers l’Algérie. De retour en France, il est incarcéré à Melun le 3 juillet 2009, par le tribunal correctionnel de Bobigny. L’invité du FMA est en liberté conditionnelle depuis le 23 mars 2011, après avoir purgé la moitié de sa peine.
Cheb Mami au Festival du monde arabe
C'est ce même Cheb Mami qui a été invité au Festival du monde arabe (FMA) de Montréal en novembre prochain par son directeur, Joseph Nakhlé, et par la directrice de la programmation, Madame Henda Ben Salah. Inviter un tel criminel constitue une véritable honte, une insulte pour le combat des femmes québécoises et un mépris à l'égard de toutes les femmes d’Algérie qui ne cessent de se battre pour leur dignité. Or, en Algérie la violence envers les femmes a atteint un degré tel que les instances internationales s'en inquiètent. (Voir : «Livre Noir de la violence conjugale : Halte à l’impunité», édité par AVIFE/ Réseau Wassyla 2010)
Monsieur Nakhlé n’ignore pas que son invité a été condamné en 2009 à cinq ans de prison pour tentative d’avortement forcé. De quelle réhabilitation ou de seconde chance nous parle-t-il ? Une réhabilitation qui bafoue la dignité des femmes ? Une réhabilitation après une telle violence préméditée ? Qu’aurait fait Monsieur Nakhlé si la victime avait été sa fille?
Quant à Madame Ben Salah, celle-ci a soutenu que « prison ou pas, ça ne nous concerne pas. Ce ne sont pas des critères éthiques qui nous guident. Nos critères sont purement artistiques. Cheb Mami a une belle voix et un beau répertoire » (Taïeb Moalla, «Le tapis rouge pour Cheb Mami», Le journal de Québec, 3 août 2011). Si les critères éthique ne devaient plus guider nos choix alors la porte serait grande ouverte à toutes les dérives.
Je rappellerai aux organisateurs du FMA que le monde arabe en général et l’Algérie en particulier regorge de belles voix, féminines et masculines, qui dénoncent la violence, chantent l’amour et drainent des foules. Le FMA est un lieu de rencontres et d’échanges sur des sujets qui devraient nous faire avancer vers des valeurs communes, universelles et non stigmatiser une société en choisissant de la faire représenter par un sombre individu qui n’a aucun respect pour les femmes.
L’inaction de nos gouvernements
Comment expliquer que nos gouvernements ne semblent pas inquiétés par la venue d’un tel criminel qui sort tout juste de prison et cela, en dépit du bon sens, de nos principes démocratiques, de nos lois et de nos droits ? Est-ce pour des considérations politiques et/ ou économiques? Est-ce une suite logique des accommodements raisonnables ? Est-ce tout simplement la façon dont le Québec, mais surtout le Canada, considère les femmes musulmanes ou de culture musulmane sur son sol ? Si elles n'ont pas de considération dans leur pays d'origine, alors pourquoi en auraient-elles ici, dans leur pays d'adoption. Serait-ce le Canada à deux vitesses ?
Monsieur Harper, permettra-t-il à un individu comme Cheb Mami (en liberté conditionnelle), d’être accueilli au Canada? Pour Monsieur Charest, qui disait haut et fort que l'égalité entre les femmes et les hommes est le fondement de notre société, Cheb Mami est-il le bienvenu au Québec ? En refusant l’entrée au Canada à ce chanteur, il lui sera signifié qu’ici les femmes sont des êtres à part entière, respectées et bénéficiant des mêmes droits que les hommes.
Le festival du monde arabe devrait avoir pour but de rapprocher les différentes cultures en mettant en exergue toutes les valeurs communes dans le respect de nos lois et du vivre ensemble. Au Québec, la violence à l’égard des femmes est un crime. Les Québécoises ont mené un long combat pour que cet acte soit condamnable. Aujourd’hui, aucune violence ne peut être banalisée sous prétexte que la personne qui la commet « a une belle voix ».
Par le biais de ce message, je fais appel à tous les citoyennes et citoyens, épris de justice et d'égalité, pour faire entendre leur voix afin de faire barrage à la venue de Cheb Mami, en liberté conditionnelle, sur une scène québécoise.
***
Citoyenne du Québec depuis 1998.
Rachida Aït-Tahar.
Montréal, le 08-08-2011.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2011

    Tous auront sans doute entendu la nouvelle ce mardi: représentation annulée. Mission accomplie... jusqu'au prochain.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2011

    Pour Monsieur Jacques Noel,
    Le hijab n'est en aucune manière le symbole des islamistes, un terme d'ailleurs, qui ne veut strictement rien dire, c'est l'une des coutumes et pratiques de l'islam et pas de tout le monde.
    Peu m'importe que quelq'un porte le hijab, la croix du Christ (qu'attends t-on pour la retirer à l'assemblée nationale ?), une kipa, se déguise en moine, à la condition que ceci reste une pratique individuelle. Si une femme musulmane et pratiquante veut crever de chaleur sous son hijab, grand bien lui fasse....
    Jacques Cartier quant a lui voyageait avec ses croix, ses crucifix et le prêtre de service...mais bien sûr il ne s'agissait pas de signes religieux....

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2011

    «Comment expliquer que nos gouvernements ne semblent pas inquiétés par la venue d’un tel criminel qui sort tout juste de prison et cela, en dépit du bon sens, de nos principes démocratiques, de nos lois et de nos droits»
    Facile. La nouvelle est sortie dans Le Journal de Québec. Hors du Plateau, point de salut.
    Écrivez à La Presse ou au Devoir. Vont peut-être publier votre lettre.
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    J'ai dénoncé il y a deux mois le fait qu'une employée de Parc Cartier-Brébeuf (là où Jacques Cartier a passé son premier hiver) porte le hidjab, le symbole des islamistes.
    Pour les Québécois que nous sommes, c'est une double insulte.
    La semaine passée, le Journal de Québec a annoncé que Parcs Canada pensait à changer son costume et à imprimer des voiles islamiques aux couleurs de Parcs Canada. Pas un seul média montréalais a repris la nouvelle. Hors du Plateau, point de salut.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 août 2011

    Madame Rachida Aït-Tahar,
    Après l'affaire Cantat, je vous remercie de dénoncer cette autre bavure moralement inacceptable du monde artistique. C'est avec stupeur que je l'apprends en vous lisant ici.
    Vous posez la bonne question: "Qu’aurait fait monsieur Nakhlé si la victime avait été sa fille ?" Quant à madame Ben Salah, n'aurait-elle pas considéré d'autres critères que ceux purement artistiques si elle avait été la victime du monstre nommé Cheb Mami. La rhétorique utilisée pour justifier la venue de ces violents criminels est simplement déraisonnable, répugnante, et insultante pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec.
    Madame Rachida Aït-Tahar, j'espère que mon futur Québec indépendant accueillera avec plaisir de plus en plus de personnes de votre calibre.