Algérie : Bensalah appelle à un dialogue «sans l'Etat et sans l'armée», à la veille du 5 juillet

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Qui sortira vainqueur du bras de fer algérien ?


Abdelkader Bensalah, président algérien par intérim, a appelé à un dialogue mené par des personnalités «indépendantes, crédibles et sans ambition électorale», en vue d'organiser une élection présidentielle le plus tôt possible.


Le président algérien par intérim, Abdelkader Bensalah, a proposé, dans un discours à la nation le 3 juillet, un dialogue pour préparer une élection présidentielle qui «devrait se tenir à une date la plus rapprochée possible». Il a assuré que ce processus de dialogue, qui sera mené «en toute liberté et en toute transparence» par des «personnalités indépendantes, crédibles et sans ambition électorale», n'inclurait ni les autorités politiques ni l'armée. 


 

Il tenait ce discours à la veille du 5 juillet, jour de la fête de l'indépendance du pays qui tombe cette année un vendredi et marquera ainsi la 20e semaine de mobilisation dans le cadre du mouvement de contestation né le 22 février.


Se faisant plus précis, le président a ajouté : «L'Etat dans toutes ses composantes, y compris l'Institution militaire, ne sera pas partie prenante à ce dialogue et observera la plus stricte neutralité tout au long du déroulement de ce processus.» Celui-ci aura pour but de «débattre de toutes les préoccupations portant sur la prochaine échéance présidentielle» afin d'organiser le scrutin dans «un climat d'entente et de sérénité», selon les mots d'Abdelkader Bensalah.


Une annonce qui aurait de quoi satisfaire, au moins partiellement, les manifestants mobilisés depuis de nombreuses semaines, qui rejettent en bloc les interventions du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état major de l'armée, accusé par les contestataires de vouloir confisquer le pouvoir et faire de l'Algérie un Etat militaire, comme en Egypte.


Sur les réseaux sociaux, beaucoup ne l'entendent pas de cette oreille. Le journaliste Mahrez Rabia rappelle qu'au moins deux revendications de la contestation ne sont pas satisfaites par ce discours, à savoir : la démission du gouvernement Bedoui, du nom de l'actuel Premier ministre Noureddine Bedoui et la libération des «détenus d'opinion». Une références aux personnes arrêtées et incarcérées lors des dernières mobilisations en possession d’un drapeau amazigh (berbère) et accusées d'«atteinte à l’unité nationale».


Sans plus de précisions, Abdelkader Bensalah a insisté sur la nécessité de «mettre de côté [...] les exigences irréalistes qui sont de nature à prolonger la situation actuelle et d'entraîner [le] pays dans une situation de vide constitutionnel, source d'incertitude et d'instabilité».


Le président par intérim a également expliqué qu'une loi serait adoptée pour permettre la mise en place de cet organe de dialogue. Pour ce faire, il a évoqué la nécessité d'«adapter le dispositif législatif et règlementaire, notamment la loi électorale» à laquelle, il faudrait, selon lui, introduire «toutes les garanties, à même de faire en sorte que ce scrutin puisse répondre à toutes les exigences d’impartialité, de régularité et de transparence».


Abdelkader Bensalah a enfin estimé qu'il était «urgent» d'ouvrir le dialogue car, selon lui, le pays «doit recouvrer au plus vite sa normalité politique et institutionnelle, qui le mettrait en position de faire face aux incertitudes économiques et sociales et aux menaces qui pèsent sur [sa] sécurité nationale du fait d’un environnement extérieur particulièrement complexe».


Pour le chef de l'Etat, cette entité chargée du dialogue «sera appelée à intervenir sur tout le territoire national et aura, en conséquence, des démembrements au niveau des wilayas, des communes et des circonscriptions électorales de notre communauté à l’étranger».


Le 9 juillet expirera la période d'intérim à la tête de l'Etat algérien, ouverte par la démission d'Abdelaziz Bouteflika le 2 avril.


Le scrutin présidentiel qui devait se tenir ce 4 juillet a été annulé faute de candidats. Abdelkader Bensalah, qui assure l'intérim depuis le 9 avril, devait rendre le pouvoir avant l'issue de la période de 90 jours prévue par la Constitution. Mais dans le contexte actuel, il a déjà annoncé qu'il prolongerait ses fonctions jusqu'à l'élection d'un nouveau président.


Pour le professeur en droit constitutionnel Fatiha Benabou, cette perspective de reconduite du président par intérim n’est pas «inscrite dans la Constitution». Selon elle, il serait plutôt temps de «passer le relai» à la tenue d’une conférence nationale inclusive.


Abdelkader Bensalah tenait ce discours le jour-même où des personnalités algériennes d'opposition, dont fait partie Fatiha Benabou, ont appelé leurs compatriotes à participer massivement le 5 juillet à la vingtième manifestation hebdomadaire contre le système, qui coïncidera avec le 57e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Cette année, «faisons du 5 juillet la concrétisation de la libération de l'Homme, après la libération de la patrie» du pouvoir colonial français, le 5 juillet 1962, ont-ils lancé dans une vidéo postée sur internet.


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