Affaire Bellemare-Charest: le ver dans la pomme

pourquoi dépenser des millions de dollars des contribuables pour «aller au fond des choses» sur des allégations qu'il affirme lui-même être de toute façon mensongères?

Commission Bastarache



Eh bien. Ça y est: «Marc Bellemare met sa menace à exécution. Il réplique à Jean Charest en le poursuivant à son tour pour 900 000 $. Un représentant de l'avocat est venu déposer jeudi après-midi au palais de justice de Québec une demande reconventionnelle.
Me Bellemare plaide que la poursuite en diffamation intentée contre lui par M. Charest est une «poursuite bâillon». Il estime que le premier ministre est l'artisan de son propre malheur parce qu'il aurait incité l'ex-ministre à faire des révélations. Aussi, il est demandé à la cour d'annuler la poursuite du premier ministre si elle a été faite au nom de Jean Charest et que son acte de naissance indique plutôt John James Charest.
Le premier ministre est poursuivi pour 600 000 $ à titre de dommages et intérêt, et 300 000 $ à titre de dommages punitifs.» Source
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Et voilà donc comment la décision de M. Charest de poursuivre Me Bellemare pour 700 000$ en diffamation en même temps qu'il créait une commission pour enquêter sur des allégations qu'il affirmait pourtant dans sa propre poursuite être mensongères, prend maintenant pour le gouvernement la forme d'un boomerang politique et juridique.
Mais tout cela était couru.
De fait, le problème ici pour M. Charest, comme je l'expliquais la semaine dernière à l'émission C'est bien meilleur le matin, est le suivant: poursuivre Me Bellemare tout en instituant la Commission Bastarache introduisait un dangereux ver dans la pomme de toute cette saga en plaçant le premier ministre dans une situation de conflit potentiel d'intérêts.
Sans présumer de «qui dit vrai», politiquement, M. Charest se devait plutôt de choisir entre les deux.
Ou bien, en tant que particulier, il poursuivait en diffamation Me Bellemare. Ou bien, en tant que premier ministre, il créait une commission chargée d'enquêter les allégations de son ancien ministre de la Justice. Et il le faisait, comme on dit, pour «aller au fond des choses» et donc, sans présumer lui-même de «qui dit vrai».
Mais la pire décision était de faire les deux à la fois. Pourquoi?
Parce que si M. Charest, le citoyen, estimait que les allégations de Me Bellemare étaient fausses, il n'avait qu'à poursuivre ce dernier. Mais le faire, point à la ligne.
Or, le ver dans la pomme ressemble fort à ceci: le premier ministre usant des fonds publics pour tenir une commission chargée d'«enquêter» des propos qu'il jure être faux dans sa propre poursuite contre celui qui les a tenus - Me Bellemare.
Ce qui, on ne s'en sort pas, à tort ou à raison, créé l'impression d'un premier ministre se servant de fonds publics pour «laver» sa réputation en plus de sa propre poursuite en diffamation.
Mais aussi, pour la population, un tel choix de la part du premier ministre risquait de créer une dissonance politique majeure. À savoir: pourquoi dépenser des millions de dollars des contribuables pour «aller au fond des choses» sur des allégations qu'il affirme lui-même être de toute façon mensongères?
Bref, poursuivre Me Bellemare en même temps que le premier ministre instituait la commission Bastarache, cela risquait fort d'être trop.
Pis encore, dans un tel contexte, la création de cette commission, et la manière expéditive et d'apparence intéressée dont elle le fut, risquait également d'être reçue par Me Bellemare comme étant possiblement un abus de pouvoir de la part du premier ministre.
C'est d'ailleurs ce qu'allègue Me Bellemare dans sa demande reconventionnelle d'aujourd'hui.
En plus d'avancer que la poursuite du 14 avril 2010 de M. Charest contre lui aurait eu comme objectif principal de le «bâillonner» et de l'«intimider» en niant «le droit à la liberté d'expression» de tout citoyen engagé dans le débat public entourant la question de la tenue ou non d'une commission d'enquête élargie sur l'industrie de la construction et le financement des partis politiques. Et ce, avance-t-il aussi, tout en lui faisant subir un mitraillement de questions et d'insinuations sur sa vie personnelle et professionnelle dans le cadre des audiences télévisées de la commission Bastarache.
Ou encore, que selon l'entrevue au préalable accordée par M. Charest le 14 juillet dans le cadre de sa propre poursuite, ce dernier aurait dit avoir «très peu de souvenirs» des détails de ses rencontres avec Marc Bellemare du temps où celui-ci était ministre de la Justice, alors que ce dernier dit en avoir «un souvenir très précis».
Ce qu'avance donc Me Bellemare dans sa contre-poursuite, entre autres choses, est qu'en créant cette commission, non seulement le premier ministre aurait «utilisé abusivement l'ensemble des pouvoirs que la loi met à sa disposition en tant que premier ministre pour décréter la tenue d'une commission d'enquête sur les propos» de Me Bellemare.
Mais selon ce dernier, M. Charest aurait aussi «utilisé de manière abusive son poste de président du Conseil exécutif pour ordonner la tenue d'une commission d'enquête alors qu'à titre de l'un des principaux intéressés, il aurait dû ne pas participer aux délibérations du Conseil exécutif et s'exclure totalement du processus décisionnel de ce dernier».
Et donc, «au même titre», ajoute la demande reconventionnelle de Me Bellemare, M. Charest «n'aurait pas dû participer à la rédaction du mandat de la commission ni au choix de son président».
À suivre....


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