Pas moins de 77 milliards $ pour 15 bateaux: le montant de la facture de nos nouveaux navires de guerre est à la mesure des choix du Canada.
«Puisque l’armée canadienne est de petite taille, on essaie d’acheter des plateformes marines qui vont tout faire, et ce sont des navires qui coûtent cher», souligne le professeur Jean-Christophe Boucher, de l’Université de Calgary.
Lourdement armés, les nouveaux Navires de combat de surface canadiens, selon leur appellation officielle, ne devraient pas, en effet, s’en laisser imposer sur les mers du globe.
Très polyvalents, ils effectueront une large gamme de missions; donc aussi bien de défense et d’attaque aérienne, navale et sous-marine, en plus d’être aptes à la patrouille côtière.
Aucun n’a navigué
Les nouvelles frégates sont basées sur un modèle britannique appelé le Type 26 Global Combat Ship. La marine australienne l’a aussi sélectionné. Toutefois, aucun navire de ce type n’a encore navigué.
D’après le directeur parlementaire canadien du budget, le programme coûtera 77 milliards $, tandis qu’Ottawa l’évalue de 56 à 60 milliards $.
Au Canada, ce sont les chantiers Irving qui ont remporté la cagnotte, en association avec le constructeur britannique BAE et Lockheed Martin.
«De plus, enchaîne le professeur Boucher, le Canada n’est pas vraiment un bon producteur de bateaux. Nos chantiers navals ne sont pas concurrentiels à l’échelle mondiale.»
Résultat: «En fait, ces contrats sont des projets de développement économique régional», dit-il.
Le lieutenant-colonel à la retraite Rémi Landry, professeur à l’Université de Sherbrooke, rappelle également que la facture des équipements militaires augmente de façon exponentielle. «C’est la technologie qui coûte cher», dit-il.
Processus d’achat
En outre, au Canada, le processus d’achat militaire est, à son avis, complexe et surtout long, ce qui retarde beaucoup les décisions. «Cette procrastination aussi coûte cher.»
M. Landry note que la Marine canadienne a un mandat exigeant à remplir. Elle doit patrouiller dans trois océans et participer à des opérations navales multinationales.
«Être souverain, dit-il, ça ne veut pas nécessairement dire d’avoir une capacité guerrière, mais de faire respecter ce qui nous appartient. Ça prend une marine minimalement équipée.»
Il rappelle qu’en 2017, la Chine a lancé en une seule année 17 nouveaux navires et que sa flotte compte 540 bâtiments (le Canada en a 28).
Appelées à expliquer les coûts élevés des nouvelles frégates, les Forces canadiennes soutiennent que les conditions du programme se comparent à ce qui se fait ailleurs dans le monde.
«Le coût et les échéanciers du projet des Navires de combat de surface canadiens correspondent à ceux d’autres projets de construction navale similaires lorsque la portée des projets et les capacités complètes sont prises en compte», écrit-on dans un courriel.
Une étape importante à franchir pour la Davie
Avant que le chantier Davie puisse espérer récolter une part des immenses retombées du programme des nouvelles frégates, il lui faudra franchir une étape importante.
Il devra être accepté par Ottawa comme chantier accrédité pour la Stratégie nationale de construction navale. Actuellement, seuls les chantiers Irving, à Halifax (où les frégates devraient être construites) et Seaspan, à Vancouver, le sont.
Mais c’est presque chose faite pour le chantier de Lévis, près de Québec. Le gouvernement fédéral a accepté de préqualifier la Davie et doit annoncer sa décision dans les prochains mois.
«Nous continuons à travailler avec le gouvernement du Canada pour finaliser notre participation [à la stratégie nationale]», a indiqué le porte-parole de l’entreprise, Marcel Poulin.
La Davie souhaite d’abord participer à la construction de nouveaux brise-glaces de la Garde côtière canadienne.
En mai dernier, Ottawa a annoncé que la Davie avait décroché le contrat d’un des deux brise-glaces destinés aux patrouilles arctiques, à condition qu’elle obtienne son accréditation pour la Stratégie nationale.
1200 emplois
Le coût de ces navires devrait dépasser 1,3 milliard $ et permettre de créer 1200 emplois à la Davie.
Il faut dire que le carnet de commandes de la Davie est bien rempli actuellement. Les ouvriers du chantier s’affairent notamment à terminer la réfection du dernier des trois brise-glaces usagés achetés à la Norvège par le Canada en 2018. On prépare aussi la construction du traversier NM Jean Lapierre qui sera utilisé aux îles de la Madeleine à partir de 2027.
La Davie s’attaquera ensuite à la construction de six autres brise-glaces pour la Garde côtière, un contrat conditionnel également à l’accréditation de la Stratégie nationale.
«La Davie est déterminée à intégrer la Stratégie nationale de construction navale afin de construire ici, au Québec, la future flotte de brise-glaces du Canada», a souligné M. Poulin.
Le chantier aura ensuite l’occasion d’aller réclamer sa part du gâteau de la construction des nouvelles frégates qui, à cause de son ampleur, s’étendra sur de nombreuses années.