Accurso veut éviter à tout prix la commission Charbonneau

E8e7f0e56e4bfa9cafa9be2211b9269d

La résistance judiciaire d'Accurso met en relief les failles du système

Tony Accurso poursuit le déploiement de tous les moyens légaux à sa disposition pour éviter de témoigner devant la commission Charbonneau. L'homme d'affaires a demandé, vendredi, à la Cour d'appel la permission de faire appel de la décision de la Cour supérieure, qui a refusé de casser sa citation à comparaître devant la commission.
L'affaire a été entendue en matinée par le juge François Doyon, qui a pris le tout en délibéré. Sa décision pourrait être connue la semaine prochaine.
L'avocat de M. Accurso, Me Louis Belleau, a affirmé que le juge de la Cour supérieure, Jean-François Buffoni, a commis une erreur dans son jugement. Il soutient que la preuve est incomplète et que le contenu des enquêtes policières en cours au sujet de son client devrait être divulgué.
Il allègue en outre que le juge Buffoni ne s'est pas attardé sur le risque de préjudice auquel s'exposerait l'entrepreneur en témoignant devant la commission. Me Belleau craint que son client s'auto-incrimine et alimente les enquêtes policières.
Pour les avocats de la commission, le seul préjudice auquel l'entrepreneur s'expose, c'est d'être éventuellement accusé au terme des enquêtes policières. La procureure de la commission, Me Érika Porter, soutient que le juge Buffoni n'a pas commis d'erreur dans son jugement et qu'il a une analyse « très méthodique » de la situation.
Par ailleurs, lors de son exposé devant le juge, Me Belleau a fait état de l'existence d'une lettre de la commission adressée à M. Accurso. La commission exige de lui remettre la liste de tous les passagers qui ont séjourné sur son luxueux bateau, le Touch, depuis sa mise à l'eau en 2004.
Ce qui intéresse la commission
Dans une lettre datée du 16 mai dernier et signée par le procureur en chef adjoint de la commission Charbonneau, Simon Tremblay, dont Radio-Canada a obtenu copie, la commission a donné un aperçu à Me Belleau des sujets sur lesquels la Commission souhaite interroger Tony Accurso. Me Tremblay y prend bien soin de préciser que la liste des sujets n'est pas « limitative ».
La Commission souhaite entendre M. Accurso sur :
ses relations avec la FTQ-Construction, le Fonds de solidarité de la FTQ, la SOLIM, soit le bras immobilier du Fonds de solidarité, la Fraternité interprovinciale des employés en électricité (FIPOE) et « différents officiers de ces entités »;
le financement des partis politiques, tant provinciaux que municipaux;
ses activités dans la grande région de Montréal (sauf Mascouche et Laval);
les différents contrats publics de construction obtenus avec le gouvernement provincial;
l'utilisation du bateau communément désigné comme le Touch;
les liens de Tony Accurso, le cas échéant, avec des personnes liées au crime organisé;
Dans la lettre, le procureur adjoint ajoute qu'il communiquera sous peu avec Me Belleau afin de l'informer de l'intention, ou de la non-intention de la Commission de présenter, lors du témoignage de M. Accurso, des communications privées interceptées.
Demande de sursis à prendre en considération
Si le juge Doyon accepte d'entendre la cause de l'entrepreneur, il devra se pencher sur une demande de sursis de l'entrepreneur. Cette requête vise à suspendre l'application du jugement de la Cour supérieure et ainsi éviter à Tony Accurso d'être obligé de témoigner pendant l'audition de la cause devant la Cour d'appel.
M. Accurso s'était adressé à la Cour supérieure pour faire annuler la citation à comparaître devant la commission Charbonneau sous prétexte que la police pourrait se servir de son témoignage pour recueillir des éléments de preuve pouvant l'incriminer dans les procédures criminelles intentées contre lui.
Tony Accurso soutenait que la commission d'enquête sur l'industrie de la construction avait été créée « dans le but de nourrir les enquêtes criminelles et plus précisément de recueillir de la bouche des témoins des éléments de preuve qui serviront à les accuser devant les tribunaux de juridiction criminelle ».
Le juge Jean-François Buffoni avait toutefois rejeté sa requête, estimant que rien ne prouvait que la commission Charbonneau sert à alimenter les enquêtes policières. Il avait précisé que « la pertinence et l'utilité du témoignage de M. Accurso crèvent les yeux ».
La citation à comparaître de M. Accurso lui a été remise en juillet 2013, mais les procédures liées à sa requête pour cassation de sa citation à comparaître se sont échelonnées de septembre 2013 à février 2014. M. Accurso s'était rendu jusqu'en Cour suprême du Canada pour contester des décisions intérimaires du juge Buffoni.
Ce dernier avait refusé d'entendre des témoins dans le cadre de cette requête et c'est cette décision que M. Accurso a portée jusqu'en Cour suprême, qui a refusé de l'entendre.
À défaut de victoires juridiques, M. Accurso gagne du temps. Les audiences publiques de la commission Charbonneau devraient prendre fin au mois de juin. Les travaux doivent cependant se poursuivre cet automne, avec la présentation de mémoires.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé