À l’heure du repentir

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«Pour soutenir le vivre-ensemble, il faut plus que des mots»





La tristesse, bien sûr. Le désarroi. L’impuissance devant l’horreur qui, généralement vue de loin aux nouvelles du soir, nous tombe dessus, un dimanche de janvier.


Des voisins ont été assassinés, des amis, des parents. Des pères, des frères. Des citoyens musulmans tués par un jeune Québécois pure laine, ce qui ajoute au malheur.


Des victimes innocentes. Des gens en train de prier, comme on le faisait ici jadis, et si peu désormais.


Les références sont donc brouillées et le réflexe d’accusation se retourne contre tous et chacun. À cette tuerie, il faut apparemment un coupable additionnel au tueur lui-même. Ou plusieurs.


Un « contexte »


On pose alors une question insidieuse: s’agit-il d’un «contexte» propre à Québec? Un contexte malsain lié au positionnement politique des stations radiophoniques?


On passe outre à l’impact sur les esprits fragiles que peuvent avoir les innombrables reportages télévisés sur les massacres commis chez Charlie Hebdo, sur la Promenade des Anglais de Nice, au Bataclan de Paris ou à l’aéroport de Bruxelles.


Les réseaux sociaux montrent sans pudeur les pires atrocités commises au Yémen, en Syrie, en Irak ou en Turquie. Alexandre Bissonnette avait le choix des horreurs pour nourrir ses fantasmes.


L’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun estimait lundi que la décision de Donald Trump de fermer les frontières américaines aux ressortissants de sept pays arabophones ne l’avait peut-être pas motivé mais, selon lui, «la coïncidence est à noter».


D’autres, par opportunisme politique, expliquent le drame par l’islamophobie qui serait rampante au Québec. Un «refus de la différence», selon Manon Massé de Québec solidaire.


Délire


Mais y a-t-il une seule explication à la folie meurtrière d’Alexandre Bissonnette? Jeune, maigrichon, il était victime d’intimidation. Il a vieilli dans le ressentiment, aimait les armes, détestait les islamistes et répandait sa haine sur des forums en ligne. Les autorités n’ont rien vu...


Dimanche, il a mitraillé des gens puis, pris de remords, il a téléphoné à la police. On est loin du terroriste patenté. Après Lortie, Lépine, Bain, il faut ajouter son nom à la liste des assassins fous.


L’historien Éric Bédard estime que «chacun de ces hommes se croyait investi d’une cause alors que leur pulsion de mort témoignait avant tout d’un délire paranoïaque, d’un déséquilibre. Ils ne représentaient rien, ni personne. Surtout pas les valeurs d’accueil, de générosité et d’ouverture qui ont toujours caractérisé les Québécois».


Nos politiciens se sont serré les coudes. Justin Trudeau, étonnamment vite à réagir, a donné de quoi réfléchir: «Prier nous rend plus humains», a-t-il lancé à Québec lors d’une cérémonie tenue non loin des vestiges d’une église transformés en œuvre d’art...


Sans doute animé par les meilleurs sentiments, Philippe Couillard a invité tout un chacun à choisir leurs «mots». Les mots dits, les mots écrits.


Les débats sur l’immigration et la neutralité religieuse n’ont pas toujours été exemplaires, soit. Mais M. Couillard l’a-t-il été lui-même? Désormais, pour soutenir le vivre-ensemble, il faudra plus que des mots.




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