À corriger

Éducation au Québec — effondrement du système


Non, il n'est pas rose, le premier bilan de la réforme scolaire, et les éléments positifs -- axés sur la socialisation de l'enfant -- ne viennent certainement pas contrebalancer les faiblesses intellectuelles observées chez les élèves. Il y a là sujet majeur de préoccupation qui incite non pas à bloquer la réforme, mais à retrouver son inspiration de départ.
Dès la sortie du rapport sur le renouveau pédagogique la semaine dernière, la Fédération des syndicats de l'enseignement en a dénoncé la prudence. Les constats du rapport auraient dû, selon elle, mener à remettre en cause les fondements de la réforme. Au contraire, fait valoir la Fédération, les recommandations retenues en minimisent les ratés.

Constatons plutôt que certaines réserves s'imposent bel et bien. Ainsi, l'opposition syndicale farouche à la réforme n'a guère aidé à son implantation, ne serait-ce qu'en raison du boycottage des activités de formation offertes aux enseignants. Quel impact cela a-t-il eu sur le bilan d'aujourd'hui ?
De la même manière, nous avions déjà souligné les limites des conclusions à tirer du TEIMS (les Tendances de l'enquête internationale sur la mathématique et les sciences, dont le rapport fait état) mené en 2003 et qui sonde deux groupes d'élèves, ceux de 2e secondaire et ceux de la 4e année du primaire. Dans les deux cas, les résultats des jeunes Québécois avaient fortement baissé. Or, à cette époque, les élèves du secondaire n'étaient pas du tout passés par la réforme et, au primaire, elle commençait tout juste, cahin-caha, à s'appliquer.
Néanmoins, il est absolument «dérangeant», pour reprendre l'expression du ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier, de constater la baisse fulgurante du taux de réussite, en français, des élèves de 6e année issus de la première cohorte de la réforme en 2005 par rapport aux élèves en 2000. La baisse est générale chez les garçons, mais on la voit aussi chez les filles en syntaxe et en orthographe. Or ces résultats, objectifs, se couplent au constat d'une enquête menée par le ministère auprès des enseignants au printemps dernier : seule une petite minorité d'entre eux estime que la réforme aide les élèves à mieux réussir à l'école. C'est une conclusion tragique, car c'était là son objectif premier.
Pourtant, le ministre Fournier a pleinement raison de vouloir garder le cap sur la réforme parce que celle-ci n'est pas que le bric-à-brac pédagogique à laquelle plusieurs aimeraient la réduire. Le rapport rappelle d'ailleurs ce que chaque ministre de l'Éducation dit depuis des années : l'enseignant a le choix des méthodes. L'enseignement magistral est tout aussi le bienvenu que celui par projet ou par coopération. Ce qui compte, c'est de faire passer la matière, pas de faire joujou avec des concepts.

Il faudrait aussi rappeler que la réforme n'est pas non plus une invention de fonctionnaires. Elle est le fruit de la vaste consultation publique des États généraux sur l'éducation, menée en 1995, et qui avait transmis le message suivant : l'école est plate, peu exigeante pour les élèves, peu stimulante pour les enseignants, éparpillée dans une foule de directions, sans lien entre les différents apprentissages, trop uniforme dans les manières d'enseigner, trop obsédée par l'évaluation, trop figée par les conventions collectives... Un regard sévère qui témoignait en fait d'une formidable envie de réveiller cette école endormie.
Pour ce faire, plusieurs solutions se sont dégagées, qui devaient s'entremêler, mais qui ont fini par s'exclure, à cause du manque de préparation du ministère, de l'obstruction des syndicats, des débats de pédagogues et de la méfiance (justifiée, l'école étant si souvent montrée du doigt !) des enseignants sur le terrain.
Or le coeur de la proposition des États généraux, pour le primaire et le secondaire, c'était de revenir aux cours essentiels, d'en rehausser le niveau et d'offrir des «fondements à une culture générale solide». À côté des objectifs de savoir-faire, savoir-être et de savoir-vivre-ensemble (qui ne sont pas une bibitte québécoise, mais les termes employés par Jacques Delors, l'ancien président de la Commission européenne, dans un rapport sur l'éducation remis à l'UNESCO en 1996), il y avait donc au premier plan celui du savoir, avec une insistance particulière sur le français.
Les chicanes autour des méthodes de la réforme et de son évaluation ont fait perdre de vue cet objectif, mais il est loin d'être trop tard pour corriger le tir. Les recommandations du rapport de la Table de pilotage mettent maintenant l'accent sur le contenu à faire passer aux élèves. Bravo. D'autant que ces élèves, grâce à la réforme, sont plus motivés qu'avant, constatent par ailleurs une majorité de profs. C'est en soi une excellente raison pour ne pas reculer.
jboileau@ledevoir.ca


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