De quoi se réjouir ?

Éducation au Québec — effondrement du système


Les réseaux universitaire et collégial québécois sont-ils à ce point assoiffés d'argent pour être aussi ravis de l'engagement pris dimanche par le premier ministre Jean Charest d'investir dans l'éducation postsecondaire? Ils ont évidemment intérêt à ne pas faire la fine bouche, eux qui crient famine depuis si longtemps, mais on les aurait cru plus prudents devant cette nouvelle promesse qui s'ajoute à tant d'autres.
Le premier ministre Charest a décidément pris goût à l'idée de profiter du congrès de l'aile jeunesse de son parti pour lancer l'automne politique, alors que le Québec est encore en vacances. Mais s'il avait suscité la colère des employés de l'État l'an dernier, cette fois il a mis les dirigeants de l'éducation dans sa petite poche. Il lui a suffi pour ce faire d'annoncer un réinvestissement inespéré dans les cégeps et les universités.
Le montant reste inconnu, sa provenance aussi, et son versement n'aura pas lieu avant mai ou juin 2007, mais hier les applaudissements fusaient. Heureusement qu'il y avait la CSN pour se montrer sceptique, sinon on aurait pu croire que les déficits que connaissent cette année toutes les universités venaient d'être effacés d'un coup de baguette magique.
Car la CSN a raison de se montrer «perplexe». Outre le flou de l'annonce, le gouvernement libéral n'en est pas à ses premières promesses financières en cette matière. Il s'agissait même d'un engagement-phare de son programme électoral de 2003 : le sous-financement des universités étant inacceptable, le Parti libéral s'engageait à leur verser 240 millions $ entre 2004 et 2009. Et il ne s'agissait là que d'une première phase !
Les universités n'ont toujours pas vu la couleur de cet argent. Même le dernier budget libéral, en mars, ne laissait pas entrevoir l'ombre d'un réinvestissement. Et voilà que quelques millions viennent d'apparaître dans les caisses de l'État. Espérons qu'il ne s'agit pas d'un tour de passe-passe consistant à abolir les pénalités imposées aux universités déficitaires, et que celles-ci dénonçaient avec vigueur le mois dernier.
Il faut de fait être méfiant tant on a du mal au Québec à prendre le problème du financement de l'éducation à bras-le-corps. Tous les ordres d'enseignement en sont victimes, mais le postsecondaire est particulièrement affecté par ce manque d'action. Pourtant, qu'est-ce qu'on discute !

Pour les universités, les libéraux s'étaient ainsi engagés, en 2003, à tenir une commission parlementaire puis à adopter une politique de redressement financier. La commission parlementaire a bien eu lieu mais rien n'en a résulté. Pendant ce temps, l'Ontario, poussé par un stimulant rapport commandé à Bob Rae, annonçait des investissements de huit milliards en cinq ans dans l'éducation postsecondaire.
Au Québec, on a plutôt décidé de tout miser sur les transferts fédéraux, dossier qui ne débouche toujours pas, même si au printemps le gouvernement Harper s'est engagé à réajuster en 2007 les transferts en éducation postsecondaire -- autre promesse non chiffrée que le milieu, décidément versé dans l'optimisme, avait trouvé encourageante.
Mais l'autre pendant qui assurerait de l'argent aux universités québécoises, soit la hausse des frais de scolarité, se perd toujours dans les brumes de l'électoralisme. Le gouvernement libéral avait confié la question à un comité, mais le rapport Gervais (du nom de son président) rendu public en octobre 2005 n'a rien tranché. Il appelait plutôt à un débat public que le ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier prévoyait pour cette année.
Au lieu de quoi, le ministre vient de confier à une professeure le mandat de se pencher sur la question. Rapport attendu... au printemps 2007 ! ... et qui, peu importe ses conclusions, suscitera évidemment les habituels débats. Et on peut parier qu'encore une fois rien ne bougera.
En fait, l'année à venir se dessine déjà : les transferts fédéraux ne seront pas à la hauteur, pas plus que l'argent que M. Charest sortira de son chapeau. Mais ce sera suffisant pour que les étudiants croient que l'État peut tout régler, pour qu'André Boisclair se déchaîne contre Ottawa et que le premier ministre puisse affirmer au chef péquiste qu'il réussit, lui, à tenir ses promesses. Et les universités continueront de surnager.
Y a-t-il vraiment de quoi être enthousiaste ?


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