Yvon Deschamps raccroche son micro

Je souhaite que cet incident malheureux ramène de la lumière sur le conflit que vous vivez et qu’il en sorte quelque chose de positif.

Conflit de travail au journal - La Presse 1971 - Le Journal de Montréal 2009



Écrit par Philippe Rezzonico - Yvon Deschamps prend sa retraite et quitte la vie publique. C’est la révélation que l’humoriste a faite à Rue Frontenac dans la foulée d’un échange public touchant l’équilibre des forces entre travailleurs et patronat, avec, comme toile de fond, le lock-out qui perdure au Journal de Montréal depuis bientôt deux ans.
Joint à son domicile mercredi, Yvon Deschamps a répété de vive voix et avec beaucoup de sympathie dans le ton les grandes lignes de la lettre qu’il avait fait parvenir à la rédaction de Rue Frontenac 36 heures plus tôt, lettre que nous publions intégralement ci-dessous.
Il réitère entre autres ses excuses adressées aux membres de Rue Frontenac et à tous les syndiqués du Québec pour avoir accordé une entrevue au Journal de Montréal, son lien indéfectible envers le mouvement syndical et son retrait de la scène et de la vie publique.
«Je souhaite que cet incident malheureux ramène de la lumière sur le conflit que vous vivez et qu’il en sorte quelque chose de positif. Sinon, mon erreur n’aura servi à rien.»
Pour ce qui est de sa retraite, Yvon Deschamps nous a confirmé que ce geste n’était nullement un coup de tête. Il pensait tirer définitivement sa révérence depuis un moment déjà. Il le fait après 53 ans de carrière, comme son grand-père qui avait travaillé autant d’années pour l’usine Redpath Sugar au début du XXe siècle. Son grand-père, incidemment, qui avait été l’une de ses sources d’inspiration pour le célèbre monologue Les unions, qu’ossa donne?
Échanges publics
Rappelons la chronologie des événements. Le samedi 4 décembre, le cahier Week-end du Journal de Montréal fait sa une avec une entrevue de monsieur Deschamps concernant la promotion de la pièce de théâtre Le Boss est mort, basée sur ses écrits. Au même moment, des milliers de sympathisants des employés en lock-out du quotidien défilent dans les rues de Montréal dans le cadre d’une marche de solidarité visant à boycotter Le Journal de Montréal.
Yvon Deschamps s'est excusé auprès des lock-outés et a annoncé sa retraite de la vie publique. Photo Chantal Poirier
Lors de cette entrevue, Yvon Deschamps déclarait que le temps avait équilibré les forces entre patrons et travailleurs, et il expliquait sa décision de parler à un quotidien en lock-out en déclarant être « solidaire des artistes avec qui [il] travaille, qui ont besoin du Journal de Montréal.»
Le 9 décembre, dans la publication hebdomadaire de Rue Frontenac, le chroniqueur médias, Patrick Gauthier, remettait en question la notion de solidarité de l’humoriste dans un texte intitulé La solidarité, qu’ossa donne?
En début de semaine, Yvon Deschamps faisait parvenir à la rédaction de Rue Frontenac cette lettre, que nous reproduisons intégralement ici.
Bonjour à vous tous, journalistes du Journal de Montréal en lock-out.
Je vous écris pour vous offrir mes excuses à propos du geste malheureux que j’ai posé en accordant une entrevue au Journal de Montréal. Je vous dois une explication.
Depuis quelques années, je vis de façon très zen. Je ne lis aucun journal ou magazine, je ne regarde que très peu les nouvelles télévisées, etc. et surtout, je ne veux en aucun cas être mêlé à quelque conflit que ce soit, même pas une discussion qui pourrait me donner du stress.
Quand on a parlé de la promotion du spectacle « Le boss est mort », j’ai tout de suite pensé à vous. Mais, et c’est là l’erreur, je me suis dit que je ne voulais pas me mêler au conflit. Donc, on encourage tout le monde et on ne prend pas parti. C’est après que ça m’a frappé comme une tonne de briques. En ne voulant pas prendre parti, j’ai pris parti. Puisque la seule façon de ne pas le faire aurait été de m’abstenir, de ne rien faire.
C’est pourquoi je vous dois des excuses. Non seulement à vous mais à tous les syndiqués, que j’ai bafoués en faisant ce geste. Mais le pire, c’est que je ne l’ai pas fait par malice ou parce que je ne pense plus comme avant. Il est très important que vous sachiez que je suis toujours le même et que ce geste insensé n’est pas un signal que maintenant je me fous des travailleurs et des syndiqués. C’est une bourde énorme que je n’arrive pas à m’expliquer vraiment.
Je suis navré, même si, comme on dit, le mal est fait. Je souhaite que cet incident malheureux ramène de la lumière sur le conflit que vous vivez et qu’il en sorte quelque chose de positif. Sinon, mon erreur n’aura servi à rien.
Je crois toujours aux mêmes valeurs, dont l’importance de la syndicalisation. C’est la seule façon d’assurer la protection des travailleurs et c’est la façon la plus civilisée d’organiser le travail, et d’établir les rapports de force entre le patronat et les travailleurs.
Une dernière fois toutes mes excuses, à vous tous de Rue Frontenac ainsi qu’à tous les syndiqués du Québec, et surtout bonne chance dans votre lutte.
Yvon Deschamps
P.-S, : Depuis deux ou trois ans, je songe à prendre ma retraite et j’avais décidé de le faire avant la fin de 2010. J’aspire à une vie calme et sans stress pour les dernières années de ma vie. Voici le scoop : Je mets fin à ma vie professionnelle et publique. Fier de ce j’ai accompli, heureux que mes premiers monologues revivent au théâtre.


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