WASHINGTON | Les États-Unis ont encore renforcé leur dispositif militaire au Moyen-Orient après l'annonce par l'Iran qu'il franchirait bientôt une limite prévue par l'accord sur son programme nucléaire, la Russie mettant en garde contre une «montée des tensions» dans cette région «déjà instable».
«Les récentes attaques iraniennes valident les renseignements fiables et crédibles que nous avons reçus sur le comportement hostile des forces iraniennes», a indiqué le chef du Pentagone Patrick Shanahan. «Les États-Unis ne cherchent pas à entrer en conflit avec l'Iran», a-t-il souligné.
«J'ai autorisé l'envoi de 1000 militaires supplémentaires à des fins défensives pour répondre à des menaces aériennes, navales et terrestres au Moyen-Orient», a précisé M. Shanahan, assurant que les États-Unis «continueront de surveiller consciencieusement la situation» afin «d'ajuster le niveau des troupes» le cas échéant.
La Russie, alliée de Téhéran, a de son côté appelé à la «retenue». «Nous préférerions ne pas voir de mesures susceptibles de provoquer une montée des tensions dans cette région déjà instable», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
L'annonce américaine est intervenue peu après la publication par son ministère de nouveaux documents accusant l'Iran d'avoir attaqué deux pétroliers en mer d'Oman.
Onze nouvelles photos rendues publiques par le Pentagone montrent notamment un objet métallique circulaire de près de huit centimètres de diamètre, attaché à la coque du pétrolier japonais Kokuka Courageous et présenté comme un des aimants ayant permis de poser la mine non explosée que Washington accuse les Iraniens d'avoir retirée après l'incident survenu le 13 juin.
Une autre de ces photos, prises d'un hélicoptère «Seahawk» de l'US Navy, montre la cavité provoquée par une seconde mine apposée sur la coque du même pétrolier que le Pentagone évalue à plus d'un mètre de diamètre.
«L'Iran est responsable de cette attaque, comme le montrent les preuves vidéo et les ressources et les compétences requises pour retirer rapidement la mine aimantée non explosée», a indiqué le Pentagone dans un communiqué.
L'UE s'est montrée plus prudente dans l'attribution des responsabilités de cette attaque et a refusé de s'aligner sur Washington.
Compte à rebours
L'Iran, de son côté, a annoncé que ses réserves d'uranium enrichi passeraient à partir du 27 juin au-dessus de la limite prévue par l'accord international sur son programme nucléaire conclu en 2015 à Vienne.
«Le compte à rebours pour passer au-dessus des 300 kilogrammes pour les réserves d'uranium enrichi a commencé et dans dix jours, c'est-à-dire le 27 juin, nous dépasserons cette limite», a déclaré Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique.
Fruit d'intenses efforts diplomatiques entre l'Iran et le Groupe des Six (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), l'accord vise à limiter drastiquement le programme nucléaire de Téhéran en échange d'une levée des sanctions économiques internationales.
Mais Washington s'est retiré unilatéralement du pacte en mai 2018 et a rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran, qui presse depuis des mois les autres partenaires de l'aider à en atténuer les effets dévastateurs.
Jusqu'ici, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a certifié que l'Iran agissait en conformité avec les engagements pris à Vienne.
Pékin a appelé mardi Américains et Iraniens «à garder la tête froide» et «à ne pas ouvrir la boîte de Pandore».
De leur côté, les États-Unis ont appelé le monde «à ne pas céder au chantage nucléaire de l'Iran». «Nous opposerons la pression maximale du gouvernement américain à toute action qui leur permettrait d'avoir une arme nucléaire», a prévenu Morgan Ortagus, porte-parole du département d'État américain.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui voit dans l'Iran une menace existentielle pour son pays, a appelé la communauté internationale à imposer «immédiatement» des sanctions contre Téhéran le jour où son stock d'uranium enrichi dépasserait la limite.
Éviter une escalade
Le président français Emmanuel Macron a appelé Téhéran à être «patient et responsable», souhaitant éviter une «escalade» alors que Paris oeuvre laborieusement pour maintenir vivant l'accord de Vienne.
Faute d'obtenir satisfaction, l'Iran a menacé de s'affranchir de deux autres de ses engagements.
Le président Hassan Rohani a indiqué que Téhéran cesserait d'observer les restrictions consenties «sur le degré d'enrichissement de l'uranium» et qu'il reprendrait son projet de construction d'un réacteur à eau lourde à Arak (centre).
Mais pour l'heure, le monde entier «loue» la loyauté de l'Iran envers l'accord de 2015, a assuré mardi M. Rohani, dans un discours télévisé. «L'Iran est resté fidèle à sa signature», a-t-il souligné, en accusant les États-Unis de «fouler au pied» le droit international.
Pour sa part, M. Kamalvandi a indiqué qu'«aucune décision» n'avait encore été prise.
Concernant l'enrichissement d'uranium, il a néanmoins déclaré que les «scénarios» envisagés «vont d'un passage à 3,68% jusqu'à n'importe quel autre pourcentage en fonction des besoins du pays». Il a par ailleurs averti qu'il ne faudrait «pas plus d'un jour ou deux» pour mettre en oeuvre cette décision.
Semblant impuissantes à agir face aux sanctions américaines, les trois capitales européennes exhortent Téhéran à continuer de respecter l'accord malgré tout. Le chef de l'ONU a lancé un appel similaire.