Vidéo Anonymus des Desmarais

ce vidéo est extrêmement révélateur de la véritable structure du pouvoir au Québec et au Canada et qu'il mérite une analyse plus approfondie

L'affaire Desmarais

Le vidéo filmé lors de la fête donnée en l'honneur de l'épouse de Paul Desmarais récemment rendu disponible par Anonymus est passé comme une étoile filante dans notre firmament médiatique. C'était prévisible, Quebecor et Le Devoir s'y sont intéressés, alors que les journaux de Gesca en ont parlé un minimum. Quelques jours plus tard, le Québec semble avoir déjà oublié ce qu'on a présenté comme étant un non-événement. Après tout, il y a la crise étudiante! Dans ces circonstances, pourquoi s'intéresser à la vie privée des gens riches et célèbres?

Je suis plutôt de l'avis que ce vidéo est extrêmement révélateur de la véritable structure du pouvoir au Québec et au Canada et qu'il mérite une analyse plus approfondie. Au-delà de l'opulence, au-delà de la présence à Sagard de personnalités politiques de tous horizons (Chrétien, Mulroney, Lucien Bouchard, George Bush père et bien entendu Jean Charest), c'est un regard sur la mentalité et la vision du monde des Desmarais qui nous est offert dans ce vidéo. Je ne regrette pas d'avoir consacré 2h09 à son visionnement, j'y ai vu et entendu des choses dont les médias d'ici n'ont jamais parlé.
Dès les premières minutes du vidéo, un sentiment nous envahit: vaut-il mieux en rire ou en pleurer? Tant d'ostentation, de luxe tapageur, de kitsch et de mauvais goût ne peuvent laisser indifférent. La robe "paquet cadeau" de Jacqueline (pardon, Jackie) Desmarais donne le ton dès le début: nous avons ici affaire à d'authentiques parvenus, célébrant leur bonne fortune et leur pouvoir dans une orgie de plusieurs millions de dollars. On pense aux fêtes de l'ignoble Saccard de La Curée de Zola, ou encore, plus près de nous, au Temps des bouffons de Falardeau.
Le pot-pourri musical retraçant les étapes de la vie du couple Desmarais reste quant à lui un chef-d'oeuvre de mauvais goût et d'autocongratulation. Mis en scène par Luc Plamondon, cet édifiant spectacle nous apprend notamment que Madame Desmarais était une grande fan d'Al Jonson et aimait se couvrir le visage de noir pour chanter ses chansons. On peut comprendre le désir d'une personne âgée de se remémorer les beaux moments de sa vie, mais était-il bien nécessaire de recréer l'époque des spectacles "blackface" sur la scène? Les minstrel shows étant de nos jours considérés comme de tristes exemples de racisme, on reste très mal à l'aise de constater que les Desmarais voient cette époque avec nostalgie.
Une écoute attentive permet aussi de relever quelques perles, comme au moment où l'animateur déclare que "Le septième jour, Dieu se reposa... Paul construisit enfin pour Jackie la maison qu'il avait dessinée 50 ans plus tôt sur une serviette de table". Mentionnons aussi l'extrait où les chanteurs reprennent "Beat it" de Michael Jackson en changeant les paroles pour faire l'inventaire de tous les journaux possédés par Paul Desmarais: La Presse, Le Droit et Le Soleil, la Tribune de Sherbrooke... Élément révélateur, on conserve toutefois de la chanson originale les paroles "It doesn't matter if you're wrong or right". Qu'on se le tienne pour dit: monsieur a de l'influence et il en est fier.
À ce sujet, voir Jean Charest assis à la gauche du couple crée un profond sentiment de malaise. Alors qu'on connaît le rôle de Paul Desmarais dans la venue de Charest sur la scène politique québécoise, la question se pose: qui dirige vraiment les destinées du Québec, le premier ministre élu ou le Kingmaker Desmarais? S'il peut placer ses pions dans les conseils d'administration de sociétés comme Hydro-Québec, influencer la population par ses journaux et même choisir le futur premier ministre, comment s'étonner que l'Oncle Paul puisse imposer sa vision du futur du Québec? Tout est clair: les Desmarais se sont enrichis dans un Canada uni, ils feront tout en leur pouvoir pour que jamais le Québec ne devienne un pays.

Pour atteindre leur but, les Desmarais ne reculeront devant rien. Ils seront prêts à acheter la loyauté de tous et chacun. Qu'une ancienne gouverneure-générale (Adrienne Clarkson) fasse partie de leurs amis n'étonne personne. Mais qu'un chanteur longtemps associé au mouvement nationaliste québécois (Robert Charlebois) pousse la chansonnette à Jackie Desmarais lors d'un brunch à saveur vénitienne, c'est autre chose. Et que penser du spectacle de Jean Chrétien et Lucien Bouchard, souriant côte-à-côte comme deux vieux copains? On a la nette impression que nous vivons non pas dans une démocratie, mais dans une ploutocratie. Et où se trouve donc le domaine de Sagard? Eh oui, dans le comté de Charlevoix, celui de Pauline Marois.
Le pire dans toute cette histoire, c'est que peu de Québécois osent remettre en question la puissance des Desmarais et de Power Corporation. Il fallait entendre les Mario Dumont et autres Jean Lapierre de ce monde minimiser l'importance de la sortie du vidéo, féliciter Paul Desmarais pour la création de son empire financier (ça crée de l'emploi!) et laisser entendre que ceux qui critiquent les Desmarais sont au fond des jaloux... Bien entendu, il ne faut pas mordre la main qui nous nourrit, ni froisser le seigneur de Sagard. Il a le bras si long! Desmarais fait si peur, faut-il s'étonner du fait que les critiques les plus sérieuses de ce vidéo et de ce qu'il représente sont venues non pas des médias francophones ou des forces souverainistes... mais bien de la plume d'observateurs anglophones comme Don MacPherson de The Gazette et Martin Patriquindu MacLeans? C'est le monde à l'envers.
Il est de bon ton de critiquer nos voisins américains pour leur système politique complètement pourri par l'argent. Et si, au fond, la situation du Québec était pire?


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2016


    C'est drôle que le vidéo n'est plus disponible.....

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2012

    Cela s'est produit il y a quelques années et j'écoute l'ex premier ministre du Canada Mulroney chanter, un insignifiant qui n'a pas été condamné.
    J'ai remarqué aussi l'arrivée des invités avec leurs grosses médailles autour du cou......quétaine....eux-autres j'imagine bien que ce sont leurs "pins".
    Enfin que je me suis dit, Michael Sabia a manqué tout ça. Et c'est pourquoi il fut invité pour regarder la vidéo une fin de semaine à Sagard à moins que l'on imagine parce que c'est secret qu'il y a eu discussion entre Desmarais et Sabia sur Anticosti je dis cela de même parce que l'île a déjà appartenu à un français, Henri Meunier qui faisait du chocolat et qui a importé des chevreuils. Alors vu que rien n'est impossible, je me suis dit que peut-être que Desmarais veut racheter Anticosti ou échanger Sagard contre Anticosti, à moins que l'achat ne soit déjà fait.....mais avant "faudrait" qu'il nous en parle ce Sabia ou Vandal.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2012

    De plus,
    Par le peu de vague créé par cette vidéo montrant le copinage de politiciens de tous les partis politiques avec le pouvoir oligarchique, l'oligarchie vient de se voir confirmer l'appui que beaucoup de Québécois donnent au statu quo social et économique, peu importe qu'il soit évident que ce statu quo s'occupe en priorité de défendre les intérêts de la riche classe capitaliste de la finance et des affaires.
    Cela veut dire qu'il reste encore assez de "satisfaits" et de "repus" dans les classes moyennes pour continuer d'appuyer le statu quo social et économique.
    Et les citoyens des classes défavorisées sont tellement préoccupés par leur survie qu'ils ne vont même pas voter lors des élections...

  • Archives de Vigile Répondre

    3 juin 2012

    "Il est de bon ton de critiquer nos voisins américains pour leur système politique complètement pourri par l’argent. Et si, au fond, la situation du Québec était pire ?"
    La présence de Bush père souligne que le Canada et le Québec sont exactement ce que les Européens pensent qu'ils sont, c'est à dire des protectorats américains.
    Pour ce qui est des invités venant de différents partis politiques, cela confirme ce que beaucoup disent sur Vigile : les libéraux provinciaux, le PQ ainsi que les partis fédéraux, ce sont tous la même "gang".
    Tous ces partis politiques sont du même côté. Ils défendent les intérêts de la riche aristocratie capitaliste de la finance et des affaires. Ils n’ont que faire du bien commun.
    Ils me font penser à des lutteurs qui s’engueulent à l’Assemblée nationale. Une fois le "show" terminé, ils vont tous prendre une bière ensemble.
    Personnellement, je n'aurais rien contre le fait qu'il y ait des milliardaires au Québec si tous les Québécois sans exception avaient accès au moins à une vie décente, mais ce n'est pas le cas.
    Je répète souvent qu'il devrait exister un revenu universel afin que tous puissent vivre décemment et être heureux au Québec.