Vérité et réconciliation : devrait-on cesser de fêter la Sainte-Catherine ?

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Le wokisme déniche une nouvelle grande cause : supprimer des bonbons. Il nous les casse.


Le Centre de santé communautaire du Grand Sudbury ne soulignera plus la fête de la Sainte-Catherine en invitant des élèves à confectionner de la tire comme il avait l’habitude de le faire. L’établissement explique vouloir poser « un geste envers la réconciliation » avec les peuples autochtones, mais sa décision est « exagérée », déplorent certains qui tiennent à la pérennité d’une tradition canadienne-française.




Depuis 2006, le Centre de santé communautaire du Grand Sudbury (CSCGS) invitait chaque année des élèves à venir confectionner de la tire Sainte-Catherine autour du 25 novembre, le jour où est commémorée la martyre de sainte Catherine d'Alexandrie.


L’activité populaire attirait jusqu’à 900 élèves, estime l’établissement, qui vient toutefois de décider de ne plus la tenir (Nouvelle fenêtre).


Avec le temps, on est de moins en moins à l’aise avec tout le concept de la fête de la Sainte-Catherine. Et c’est l’idée d’utiliser de la tire pour attirer les élèves à l’école, les Autochtones à l’école pour ensuite leur enlever leur culture et leur imposer une religion qui n’était pas la leur, explique le directeur général du CSCGS, Denis Constantineau.


Ce dernier fait référence à certains récits (Nouvelle fenêtre) visant Marguerite Bourgeoys, la toute première institutrice de Montréal. Plusieurs auteurs attribuent à la religieuse la recette de la tire Sainte-Catherine, qu'elle aurait employée pour attirer les jeunes Autochtones dans son école.



Avec le temps, on se rend compte surtout en marge de tout ce qui se passe autour de la Commission de vérité et réconciliation que ce n’était pas approprié. [...] C’est un geste que nous posons envers la réconciliation.


Une citation de :Denis Constantineau, directeur général, Centre de santé communautaire du Grand Sudbury


Un homme qui porte des lunettes

Denis Constantineau est directeur général du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury.


Photo : Radio-Canada




Une bonne décision


C’est une bonne décision qu’a prise le CSCGS (, croit l’enseignant Daniel Stevens, résident de la Première Nation de Nipissing.


À l’école catholique qu’il a lui-même fréquentée, une activité de confection de la tire avait toujours lieu en novembre.


Le professeur nous disait : "Marguerite, une sœur, enseignante, elle faisait ça pour attirer les petits Autochtones de la région à l’école parce qu’ils n’allaient pas à l’école." Comme citoyen autochtone de ma nation, ça, ça n’est jamais bien resté avec moi. J’avais toujours une confusion avec l’image de ce qu’elle faisait et de pourquoi [elle le faisait], raconte M. Stevens.


Daniel Stevens pose pour une photo.

L’enseignant Daniel Stevens est résident de la Première Nation de Nipissing.


Photo : LinkedIn / Daniel Stevens




La tire est très bonne, et je l’aime moi aussi, admet l’enseignant. Mais c’est le contexte dans lequel on célèbre la Sainte-Catherine surtout avec les jeunes élèves avec lequel il est en désaccord, parce qu’il souligne moins le fait que la sainte Catherine était aussi la patronne des femmes célibataires.


On ne parle pas de cette histoire-là, on parle vraiment de l’histoire de Marguerite Bourgeoys et ce qu’elle a fait pour attirer les Autochtones à son école et ça enlève nos façons culturelles, que nous avions nos propres façons d’éduquer nos enfants [...], peut-être pas dans des écoles avec des bâtiments et des murs, mais on enseignait à nos enfants ce qu’ils avaient besoin de savoir pour vivre, pour survivre, pour vivre dans la société, propager les cultures, la langue, nos traditions et nos façons de vivre, note M. Stevens.



C’est bon que le Canada commence à réfléchir et commence à critiquer même [ses] propres traditions.


Une citation de :Daniel Stevens, enseignant et citoyen de la Première Nation de Nipissing


C’est exagéré


Le directeur général du CSCGS souligne que la récente décision ne s'applique qu’à son établissement et que si les gens veulent faire de la tire [chez eux], ils sont libres de le faire.


Mais Pauline Guindon, résidente de Hearst, trouve [tout de même] que là, ça va un peu loin.


Contrairement à Daniel Stevens, on lui a appris que Marguerite Bourgeoys faisait de la tire pour attirer les enfants à l’école, parce que dans ce moment-là, ce n’était pas évident pour tout le monde d’aller à l’école tous les jours, ça n’avait pas l’air si important que ça.


Ce n’est pas que je ne suis pas sensible à la cause des Autochtones, j’ai beaucoup de compassion pour eux. [...] Faire de la tire à la Sainte-Catherine, c’est ce qu’on fait tous les ans, autour du 25 novembre, ça fait partie de nos traditions canadiennes-françaises comme faire du sucre à la crème, comme se faire de la soupe aux pois, comme faire du vin de pissenlit [...], parce que les moyens n’étaient pas là, puis on prenait ce qu’on avait autour de nous et ça a été le cas de Marguerite Bourgeoys. C’est fait avec de la mélasse, donc c’était probablement facile d’accès, déclare-t-elle.


Elle dit d’ailleurs avoir pris plaisir à transmettre cette tradition à ses enfants et petits-enfants ainsi qu’à des élèves lors des nombreuses occasions où elle a été sollicitée par des écoles pour le faire.



Je trouve que c’est exagéré de vouloir arrêter cette tradition-là parce que quelque part, peut-être dans un livre, on a lu que c’était pour attirer les Autochtones, puis je ne pense pas que c’est la vérité, je pense qu’elle le faisait vraiment pour attirer tous les enfants. [...] C’est évident que c’est pas correct tout ce qui est arrivé [aux Autochtones], mais pousser ça jusqu’à arrêter de faire des mets ou des recettes, je trouve que c’est exagéré.


Une citation de :Pauline Guindon, résidente de Hearst





Une légende, précise un historien


Dans son ouvrage Les Quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, l’historien Jean Provencher de Québec consacre une section à la fête de la Sainte-Catherine. Il y reprend le lien entre la tire et la volonté de Marguerite Bourgeoys d’attirer des écoliers autochtones, mais souligne que cette interprétation tient cependant de la légende.


En entrevue avec Radio-Canada, il explique que dans ses travaux, il a trouvé deux, trois références d’historiens qui y font allusion, mais précise qu’il n’y a pas de référence précise [...] et qu’on ne peut pas asseoir ces documents-là sur du solide .


Je trouve que l’humanité est en crise, on se sent très coupable de la mort de jeunes [Autochtones], ça fait six mois qu’on s’éveille à ça, je trouve ça épouvantable, indique M. Provencher, faisant allusion à la récente découverte de restes de plusieurs centaines d’enfants autochtones sur les sites d’anciens pensionnats à travers le pays.


Mais il ne faut pas entrer dans un délire qui nourrirait l’abolition des fêtes, des façons de parler, de danser, de raconter, de chanter. Au contraire, [...] on est rendus à l’étape de mettre en commun nos manières de fêter, poursuit-il.



On perd la boule en ce moment, il faut vraiment se calmer, respirer par le nez et imaginer des formes récréatives, heureuses, joyeuses, enrichies de vivre, je trouve qu’on est rendus là, c’est ça qu’on devrait se donner comme but ensemble.


Une citation de :Jean Provencher, historien


Les fêtes et leur sens en évolution


Le débat public entourant la décision du CSCGS a laissé un peu froid l’historien Joël Belliveau, chercheur au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa.


Des fêtes, ça doit s’adapter, ça peut être réinventé, ça doit demeurer pertinent et je ne suis pas certain que la fête de la Sainte-Catherine avait gardé sa pertinence déjà en Ontario [...], j’ai l’impression qu’il n’y avait plus un sens très profond à cette fête-là. C’était plus l’occasion d’avoir de la tire qu’autre chose, observe-t-il.


Il prend acte de ce que dit la légende, mais rappelle que Marguerite Bourgeoys a fait énormément de choses pour énormément de gens, [...] elle a aidé des orphelins, des orphelines, elle a œuvré dans les hôpitaux.



Tout en la situant dans son époque, on n’a pas à rougir de l'œuvre de Marguerite Bourgeoys dans son ensemble. Je pense qu’on aurait facilement pu donner un autre sens à la fête si on avait vraiment voulu la garder.


Une citation de :Joël Belliveau, historien


Joel Belliveau, professeur à l'Université Laurentienne.

Joël Belliveau est chercheur au Centre de recherche en civilisation canadienne-française.


Photo : l'Université Laurentienne




De nombreux Franco-Ontariens et Canadiens français, signale-t-il, se sont transmis la tradition de la fabrication de la tire à la Sainte-Catherine en y voyant davantage une tradition écolière qu’une célébration de l’acculturation des Autochtones.


Les fêtes changent toujours, si cette fête était dynamique, elle saurait s’adapter tout de suite, changer son message, ça pourrait devenir la fête de l’éducation tout simplement.


Le Conseil scolaire catholique Nouvelon, dont des élèves participaient habituellement aux activités de la Sainte-Catherine du CSCGS, a refusé d’accorder une entrevue à Radio-Canada pour expliquer son point de vue sur la récente décision de l’établissement.


Le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario, pour sa part, n’a pas répondu à notre demande.


Avec des informations de Miguel Lachance




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