Si les tenants européens du « tout austéritaire » pensaient s’être définitivement débarrassés de leur meilleur ennemi, l’ancien ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, avec son éviction du gouvernement Tsipras, c’est bel et bien raté. Puisque l’économiste à bécane, véritable cauchemar de ses homologues européens, vient de donner un entretien au magazine britannique New Statesman. Il y met à jour les petits et grands secrets des négociations qui se sont tenues entre les membres de l’Eurogroupe sur la crise grec et dénonce, sans ménagement, le déficit démocratique au sein des institutions européennes.
« Je me sens sur le toit du monde – je ne dois plus vivre à travers ce calendrier chargé, qui était absolument inhumain, tout simplement incroyable. Je n’avais que deux heures de sommeil chaque jour pendant cinq mois », résume Varoufakis sur son état d’esprit, quelques jours après sa retraite politique forcée. Dommage, les technocrates rancuniers n’auront même pas une petite dépression à se mettre sous la dent... Et d’embrayer sec en critiquant « l’absence totale de scrupules démocratiques de la part des défenseurs supposés de la démocratie en Europe ». Pis, se souvient-il, dans les discussions avec les partenaires européens, il explique qu’« il y avait un refus pur et simple de livrer des arguments économiques. (…) Vous mettez en avant un argument que vous avez vraiment travaillé — pour vous assurer qu'il est logique et cohérent — et vous êtes juste face à des regards vides. » Une mécanique particulièrement troublante « pour quelqu'un qui a l'habitude des débats académiques », avoue l’économiste.
En revanche, plus étonnant, on apprend que le gouvernement Tsipras a pu compter sur le soutien implicite de George Osborne, membre du parti conservateur anglais. « Les plus grands défenseurs de notre cause ont été les conservateurs ! En raison de leur euroscepticisme, hein… Mais pas seulement. Il y a dans le courant Burkean (du nom d'Edmund Burke, considéré comme le père du conservatisme anglo-américain, ndlr) une conception de la souveraineté du Parlement. Dans notre cas, il est clair que notre Parlement a été traité comme de simples ordures ».
Le Grexit avait-il été envisagé par les dirigeants ? « Oui et non » répond-t-il. « Nous avions un petit groupe, un “cabinet de guerre” au sein du ministère, d'environ cinq personnes qui y travaillaient : nous avons donc travaillé dans la théorie, sur le papier, tout ce qui devait être fait pour préparer/dans le cas d'un Grexit. » Un scénario, avoue Varoufakis, utilisé plus comme un levier à actionner dans les négociations que comme un véritable souhait : « Je ne voulais pas que cela devienne une prophétie autoréalisatrice. » C’est d’ailleurs cette position qui a précipité l’économiste vers la sortie, au lendemain du vote du référendum en Grèce.
Et la France dans tout ça ? François Hollande, lors de son intervention du 14 juillet, a déclaré que la France avait « joué pleinement son rôle ». Reste à savoir lequel. Car si Michel Sapin, selon Varoufakis, « a fait des bruits qui étaient différents de la ligne allemande », ces bruits étaient « très subtiles » : « On sentait bien qu'il utilisait un langage très judicieux, pour ne pas être vu comme s'opposant. Car en dernière analyse, quand Doc Schäuble répondait efficacement et déterminait la ligne officielle, le ministre des Finances français, à la fin, pliait et acceptait toujours. » Varoufakis a raison d'expliquer que « la zone euro est un espace très inhospitalier pour les gens honnêtes »...
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