Il y a seulement une semaine, à Hamilton, le premier ministre Stephen Harper faisait savoir qu'il pourrait faire fi de sa loi sur les élections à date fixe et appeler les Canadiens aux urnes si la prochaine session du Parlement s'annonçait infructueuse. Pour en juger, il disait vouloir rencontrer les chefs des autres partis avant la reprise des travaux, le 15 septembre prochain. Il se donnait «quelques semaines» pour jongler avec tout ça.
On répète. Cet ultimatum a été formulé il y a exactement huit jours. Les travaux ne reprennent que le 15 septembre. Si le chef du NPD, Jack Layton, se montre prêt à rencontrer le premier ministre en fin de semaine, celui du Bloc québécois, Gilles Duceppe, suggère de le voir tout juste avant les élections partielles du 8 septembre et le chef libéral Stéphane Dion, le lendemain, le 9.
Dans l'entourage de Stephen Harper, on crie maintenant à la mauvaise foi. Le temps presse. On veut une rencontre, un coup de téléphone ou même un échange de courriels le plus tôt possible. Le premier ministre lui-même affirmait hier que ces «délais» démontrent l'existence d'une impasse. «Cela indique une différence fondamentale entre le gouvernement et les partis d'opposition, et surtout Stéphane Dion qui a proposé un programme économique différent.» Pour cette raison, il dit devoir en arriver à une décision rapidement.
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La loi sur les élections à date fixe, qui a à peine plus d'un an, prévoit des élections pour le 19 octobre 2009. Il s'agissait d'une promesse électorale du chef conservateur qui disait vouloir mettre fin à cette manie des premiers ministres de déclencher les élections au gré de leur humeur. Jamais il n'a évoqué la possibilité d'abroger sa loi ou même laissé entendre que son adoption avait été une erreur.
Stephen Harper a tenté de faire croire hier que passer outre à sa propre loi n'est pas la renier ou l'enfreindre, car le but de cette dernière est d'offrir une forme de certitude aux électeurs. Cela n'est possible qu'en cas de gouvernement majoritaire, a-t-il poursuivi, alors qu'en situation minoritaire, l'opposition menace sans cesse de défaire le gouvernement et aucun des partis ne veut s'engager à poursuivre les travaux jusqu'en octobre 2009. Or, ajoute-t-il, «le pays doit avoir un gouvernement capable de fonctionner durant une période d'incertitude économique».
Le hic est que Stephen Harper savait tout cela avant de faire adopter sa loi. S'il la croyait mal avisée dans les circonstances, il n'avait qu'à retarder son adoption. Passer outre à cette loi maintenant n'aurait rien d'illégal puisque la gouverneure générale a toujours, en vertu de la Constitution, le pouvoir de dissoudre le Parlement sur l'avis du premier ministre. Cependant, si Stephen Harper se prévaut de cette échappatoire, il trahira l'esprit de son propre projet.
La seule façon de contourner le problème est de laisser le Parlement se réunir pour amender la loi en question ou encore pour retirer sa confiance au gouvernement. Dans un cas comme dans l'autre, Stephen Harper pourrait, sans renier sa parole, rendre visite à Michaëlle Jean.
Mais cela demande du temps. En plus, cela a le désavantage de laisser à l'opposition le contrôle de l'échéancier, ce qui ferait perdre à Stephen Harper l'occasion de déclencher les élections au moment où il croit être en meilleure posture. Et que dire du risque de voir la situation en Afghanistan s'envenimer ou l'économie décliner? Comme tous les autres premiers ministres avant lui, il veut choisir son heure. Et tant pis pour sa loi.
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Les excuses et les prétextes que son équipe et lui-même multiplient depuis une semaine ne sont que cela. Leurs tactiques en révèlent cependant beaucoup sur le style de leadership de Stephen Harper. Quand les choses ne se passent pas comme il le souhaite, il a recours à l'intimidation et aux ultimatums, et il tente de faire assumer aux autres la responsabilité de ses écarts.
Le premier ministre se plaint du fait que les partis d'opposition refusent de lui dire quand ils espèrent le défaire. Il n'apprécie pas qu'ils aient des programmes différents du sien et, surtout, qu'ils refusent de le laisser gouverner comme un gouvernement majoritaire. Bref, il a de la difficulté avec les exigences du mandat que les Canadiens lui ont donné. Il ne peut pas en faire à sa tête. Voilà bien pourquoi des électeurs se demandent ce que ce serait s'il avait une majorité.
Que des élections soient souhaitables fait de moins en moins de doute, car tous les partis ont mis leurs oeillères électorales et examinent les dossiers à travers leur lorgnette partisane. L'intérêt public a pris le fossé, et le ton qui prévaut depuis des semaines a tout pour écoeurer des électeurs déjà cyniques à l'égard du processus politique.
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D'ailleurs, tous ces calculs électoraux sont en train de faire perdre au gouvernement le vrai sens du mot «urgence». Le plus bel exemple est survenu lundi. Était-il urgent pour son ministre de la Justice d'annoncer un futur projet de loi qui ferait de la grossesse d'une femme victime d'agression un facteur aggravant au moment du prononcé de la sentence? Non, surtout que l'on sait maintenant que ce même gouvernement n'a pas l'intention de le présenter avant la tenue des élections. La manoeuvre sert cependant de frappe préventive contre ceux qui l'accusent de vouloir recriminaliser l'avortement par la petite porte.
En fait, si le Parlement devait se réunir, le geste ne résoudrait rien, puisque le projet de loi C-484 du député Ken Epp est sur le point d'être étudié en troisième lecture et éventuellement soumis à un vote. Ce projet prévoit, dans le cas du meurtre d'une femme enceinte, de créer un second crime contre le foetus, lui donnant du coup une personnalité juridique, ce qui pourrait ouvrir la voie à la recriminalisation de l'avortement. À noter, presque tous les députés et ministres conservateurs l'ont appuyé en seconde lecture. Que feraient-ils en troisième lecture? La dissolution du Parlement leur permettra d'éviter d'afficher leurs couleurs.
Urgence électorale
Le premier ministre Stephen Harper faisait savoir qu'il pourrait faire fi de sa loi sur les élections à date fixe et appeler les Canadiens aux urnes
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