Marchés financiers

Une impression de déjà-vu

Crise mondiale — crise financière



Trois ans seulement après la chute brutale des marchés boursiers amorcée à l'été 2008, la planète a l'impression de revivre le même cauchemar avant même que les plaies aient eu le temps de cicatriser. Les coupables sont aussi nombreux qu'imprécis, ce qui donne lieu à de cruelles batailles idéologiques au plus haut niveau des appareils d'État. Et devinez qui payera la note?
La crise financière de 2008 avait été directement causée par les grandes banques des pays développés, que leur appétit immodéré pour le profit et les bonis avait conduites à tous les excès. En l'absence de contrôle suffisant, voire avec la complicité des pouvoirs politiques convaincus des bienfaits de la déréglementation des marchés, l'ère de la droite républicaine américaine se terminait dans le plus fantastique chaos des 50 dernières années.
Pendant les mois qui ont suivi, tous les gouvernements du monde ont juré qu'on ne les y reprendrait plus; que le moment était venu de réformer le système financier pour y introduire plus de discipline. Mais trois phénomènes sont venus stopper leur élan.
D'abord, on s'est rendu compte que la récession était en train de creuser la tombe des pays déjà les plus endettés de la zone euro. Handicapée par une réalité économique fort différente d'un pays à l'autre, et par des politiques fiscales souvent opposées, l'Europe a dû laisser de côté ses belles résolutions pour parer au plus pressé: sauver sa monnaie menacée par le risque de défaut de paiement de ses membres les plus endettés.
Deuxièmement, aux États-Unis, l'élection à mi-mandat d'une majorité républicaine au Congrès a mis fin à tout espoir de l'administration Obama de s'attaquer à la dette postrécession d'une façon équilibrée, c'est-à-dire en réduisant les dépenses, mais en augmentant aussi les impôts des plus riches. Rappelons qu'à cause de l'invasion de l'Irak et des importantes baisses d'impôts, l'administration Bush, qui avait hérité d'un budget équilibré, a fait passer la dette américaine de 5700 milliards à 10 600 milliards, et conduit le pays dans la plus grave récession de l'époque contemporaine.
Sans disposer des revenus suffisants, mais forcés de sauver les banques et l'industrie automobile, tout en continuant de payer les pots cassés en Irak, les démocrates ont dû gonfler subitement les dépenses jusqu'à faire grimper la dette au-delà du plafond légal de 14 300 milliards.
En abaissant d'un cran la note de crédit des États-Unis, vendredi dernier, Standard & Poor's a jugé que la situation était devenue non seulement critique, mais qu'elle le resterait longtemps faute d'entente au Congrès. Il s'agit d'une décision plus politique que financière, et qui ne tient pas compte de la capacité réelle des États-Unis de faire face à leurs obligations. Une décision teintée par les accointances de cette agence avec les républicains. D'ailleurs, les deux autres agences de notation, Fitch et Moody's, croient que la décote était prématurée.
Malgré cela, hier, les marchés financiers ont réagi très fortement et poursuivi leur descente aux enfers amorcée la semaine dernière. Ont-ils surréagi, comme l'affirment certains observateurs, ou au contraire sommes-nous à la veille d'une nouvelle crise qui, concernant leur capacité de remboursement, ferait basculer les États-Unis dans le camp des pays à risque?
Si tel était le cas, il ne faut surtout pas s'attendre à ce que les républicains, qui n'ont toujours pas de candidat à 15 mois des élections présidentielles, fassent quelque concession que ce soit pour atténuer la crise. Ils ne connaissent qu'une chose: la politique du pire. Plus grave sera la récession, plus élevé sera le nombre de chômeurs, et plus les chances de battre le premier président noir seront grandes.
Personne ne conteste le fait que les problèmes économiques sont réels, tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde. À cause de la dernière récession, la plupart des pays ont utilisé toutes les munitions dont ils disposaient, au prix d'un endettement insoutenable pour certains. Si une nouvelle récession survient, plusieurs seront incapables d'y faire face en recourant aux outils fiscaux et monétaires classiques.
Voilà d'où vient cette désagréable impression d'assister, en cette fin d'été, à la reprise d'un film dans lequel nous avons tous été les figurants en 2008, et souvent même les victimes par l'entremise des caisses de retraite. Il n'y a peut-être pas lieu de paniquer, nous disent les conseillers financiers, mais il y a certainement lieu de s'inquiéter de l'incapacité des pouvoirs publics à s'attaquer efficacement aux problèmes.


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