Une hausse qui freinera le développement du Québec

Message à la Fédération étudiante collégiale du Québec

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Message à la Fédération étudiante collégiale du Québec
Le grand débat qui agite les établissements d'enseignement du Québec au sujet des droits de scolarité universitaires remue bien des souvenirs, car la question se pose depuis plus d'un demi-siècle.
À l'époque de mes propres études, en 1952, j'avais entrepris, à la demande du journal étudiant de l'Université de Montréal, Le Quartier latin, une recherche sur l'origine sociale des étudiants, dont le nombre était infime par rapport à celui d'aujourd'hui. À l'époque, le gouvernement québécois ne finançait l'enseignement supérieur qu'au compte-gouttes et les étudiants devaient assumer des droits de scolarité importants, de sorte que, à quelques exceptions près, seuls fréquentaient les facultés ceux qui avaient du travail ou dont la famille pouvait financer la scolarité.
C'est la Révolution tranquille qui a transformé ce système, qui réservait de fait l'enseignement supérieur à une minorité de citoyens, alors que le développement économique et social du Québec réclamait de plus en plus de diplômés dans tous les domaines. L'université s'est donc ouverte, grâce au financement de l'État, aux enfants des classes moyennes et des moins fortunés. En quelques années, l'accès à l'université et au collège s'en est trouvé transformé et nos établissements ont pu contribuer aux progrès de l'économie du Québec, à ses «trente glorieuses» que l'on regrette tant aujourd'hui. Il y a eu un lien de cause à effet entre l'accessibilité à l'université et le développement du Québec par et pour les Québécois.
La possibilité de recevoir une formation plus poussée a été rendue possible également par l'instauration des prêts-bourses, qui ont joué et jouent encore un rôle si important dans la promotion sociale des milieux québécois. Ces mesures ont également contribué à accroître le nombre d'étudiants de l'Université du Québec et son extension à nos régions.
C'est tout cet immense effort qui est menacé par une décision politique qui viendrait augmenter de 75 % sur cinq ans les droits de scolarité dans les universités. On peut voir à l'oeil nu l'effort financier supplémentaire exigé des étudiants ou des familles. Sans doute ceux qui appuient cette mesure appartiennent-ils à des milieux qui ont les moyens de faire face à pareille dépense, mais ils priveront le Québec de diplômés dont il a grand besoin et, ce faisant, ils freineront le développement du pays et s'appauvriront eux-mêmes.
Dans l'état actuel de l'économie québécoise, une démarche constructive appellerait plutôt le gel des droits de scolarité. Les besoins de notre société en matière de formation ne sont guère moindres qu'au moment de la Révolution tranquille. Il faut donc songer également à améliorer le système des prêts-bourses.
J'en suis persuadé à la lumière de mon expérience au ministère de l'Éducation. Au cours des années où j'y ai exercé les fonctions de ministre, le gouvernement de René Lévesque a augmenté les prêts-bourses de 50 %. Ce sont des mesures de cet ordre qui permettraient la continuation de la Révolution tranquille, dont la jeunesse québécoise aurait grand besoin par les temps qui courent. On a peine à comprendre comment le gouvernement actuel peut songer à casser l'un des acquis majeurs de la modernisation du Québec.
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Jacques-Yvan Morin, ministre de l'Éducation de 1976 à 1981


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